« Elles peuvent être noires
D’autres claires
Certaines plus belles
Attirantes les unes que les autres
Mais c’est toi mon cœur choisit
Malgré tout et au-delà de tout
Je t’aimerai toujours
Avec toi je veux réaliser nos rêves
Dans quelques jours on se reverra
De cet instant on fera notre moment
De ce moment on en fera une éternité
De cette éternité nos corps ne feront plus qu’un
Faisant un nos lèvres trempées
Se diront des JE T’AIME bras enlacés
Mains se baladant sur notre corps fiévreux
Promesse d’un nouvel chapitre heureux. »
Elle reçut mon message sur son smartphone et m’attendait impatiemment.
Le jour de notre rencontre est arrivé. Avant notre séparation, elle était mon tout. Mais le vrai amour est aussi le plus maladroit. En manque de maturité, parfois quand on s’aime trop, on finit par se rendre malheureux. Le temps nous a peut-être appris à mieux nous aimer pour éviter de se blesser. Nos cœurs désirent se revoir peut-être parce qu’ils savent mieux que nous, que l’un sans l’autre nos sourires sont de façade. Des « je vais bien » l’âme incomplète. Je me retrouve dans le bus de l’une des compagnies de transport, reliant le sud et le nord du Bénin. Embarquement dès six heures. Démarrage une heure plus tard. Direction Bohicon, la ville carrefour, située au sud du pays.
Sans quitté Cotonou, mes pensées déjà à plus de cent-vingt mille kilomètres de là. Cette fois-ci, pas à cause des borborygmes pressants de mon estomac. J’ai un faible pour cette odeur étouffée dans du pain. Pour ces morceaux irréguliers, épicés et croustillants, marinés d’huile. Le tout accompagné de lamelles d’oignon. Bohicon a les meilleures grillades de poulet, de mouton et de bœuf. Mes papilles gustatives par mon côté voyageur et mes nombreuses fois ailleurs, firent de son « chanchanga » son préféré. Même les rumeurs disant qu’il s’agissait en réalité de la viande de chien, pensées désagréables, n’arrivaient cependant pas à m’en dissuader. Avant d’y croire, il faut que mes yeux le voient.
Les vendeurs de « produits miracle » ont désormais pris l’habitude de faire commerce dans ce type de transport en commun. Le même produit pouvait guérir tous les maux de votre
corps. Les éloges prenaient le pas sur la réelle efficacité des compositions de plantes proposées, le plus souvent. Quand bien même, on n’en trouvait des fois, d’assez satisfaisantes,
dans notre pharmacopée traditionnelle. Certains produits, avec des propriétés mystiques, pouvaient même protéger votre âme contre la malchance et les envoûtements, selon leurs dires. Bientôt, notre tradithérapeute d’occasion ne tardera pas à se lancer dans ses envolées lyriques. Sous des regards, pour les yeux encore ouverts, dubitatifs et d’autres intéressés. L’instant où bon gré mal gré, je mets mes écouteurs.
Déjà une heure de route, à mi-parcours, et à bien y penser, je ne suis pas le seul à aimer les saveurs de ma prochaine destination. Mère y a aussi son penchant, le « afitin », la moutarde locale fabriquée à base de graines de néré fermentées. À chacun de mes déplacements où ma route passait par cette ville, elle me répétait systématiquement la même phrase : « Maxim, au retour prends-moi du afitin à l’arrêt bus. » Le marché autour du parc à bus de Bohicon, propose une large vue de toute la production locale. Des fruits, beaucoup de fruits ; aux tubercules ; passant par le gari, farine issue de la transformation du manioc ; des céréales et aussi des légumineuses ; sans oublié les préférés de mère et moi. N’étant pas au courant pour mon voyage, elle ne se doute pas que je lui en ferais la surprise. Père n’apprécierait peut-être pas. Il fallait que mère lui prépare une sauce à part, si elle venait à en mettre dans celle du reste de la famille. Une situation qui m’amusait. Il me manque aussi, de le voir aider mère certains soirs, à la cuisine. Il tient certainement cela de sa longue carrière de chef. Après avoir exercé dans de nombreuses ambassades présentes au pays, il finissait par aller en France, en Belgique puis en Italie.
Je prenais également du plaisir à aider Sylvie quand elle passait des jours chez moi, et m’aidait pour la cuisine. Entre nos rires et nos peines, grandissait notre amour. Les jours de disputes aussi bien que les plus heureux, on se douchait ensemble, priait ensemble et le lendemain, on redevenait inséparable. Elle n’avait de cesse d’insister qu’on le fasse ensemble, ce voyage, un séjour en amoureux dans sa maison familiale, où elle me ferait découvrir sa ville, et ce fameux village souterrain d’Agongointo. Des maisons datant du 18ème siècle, taillées dans le ventre du sol, à plus de sept mètres de profondeur chacune, comme par la main des Dieux. Une immense galerie souterraine. La seule entrée principale cachée par des arbres. Un refuge pour tout un village, enterré, isolé du reste du monde, et qui ne le redécouvrait que seulement la nuit tombée, loin des regards pour s’alimenter. Le jour levé, les habitants des alentours ne voyaient en cette entrée qu’un puit. C’étaient pourtant des habitations, s’étendant sur une superficie de sept hectares.
Elle aussi, n’avait que très peu d’informations sur cette merveille de nos ancêtres. La seule fois où elle s’y était rendue, elle n’était encore qu’une toute petite fille de six ans. Ce jour, accompagnée de sa mère et de son père, qui très tôt la laissa orpheline, deux ans plus tard. Devenue maintenant une belle jeune dame de vingt-deux ans, moi plus âgé de six ans. Elle rêvait de faire carrière dans la mode, moi je ne pouvais plus me permettre de rêver d’une carrière de footballeur. J’avais tout misé sur mes études, elle aussi ; car on savait qu’à défaut de vivre de nos passions, on ferait des carrières réussies. À la fin de nos études, moi trois ans plus tôt, j’embrassai l’entrepreunariat, tout en travaillant pour un institut international agricole. Elle, ensuite, eut la chance de faire de sa passion une carrière.
Je vais revoir ma belle Sylvie, l’amour de ma vie. Chaque kilomètre parcouru, réduit cette distance qui nous avait séparés. À l’esprit je n’avais qu’en plus du désir de l’embrasser langoureusement, d’aller aussitôt découvrir ensemble, ce village dont elle m’avait si tant parlé. Il y a un an, sa mère prise d’une grave maladie et seule, avait besoin de la présence de son unique enfant. Habitués à la présence de l’un et l’autre, trois longs mois nourris de malentendus qu’autre fois notre proximité dissipait. Des suspicions qui venaient l’entretenir auront fini par avoir raison de notre couple, vieux de trois ans. Elle décida ensuite de vivre auprès de sa mère, après qu’elle fut rétablie.
Sonnerie de portable... C’est le mien !
— Papa Exo.
— Oui chérie.
— Tu es sûr d’être dans le bus indiqué ? Il est bientôt vide... Je ne te vois toujours pas.
— Je suis déjà là...
Avant de se diriger sur le parc, j’avais expressément demandé au chauffeur de me permettre de descendre. De loin j’aperçois ma maman Exo. Exo, pour ne pas dire exaucé(e), le prénom que porterait notre premier enfant. Un peu comme pour dire : « Dieu a exaucé notre rêve de vivre ensemble et nous fait grâce d’un enfant. » Plus je me rapproche d’elle et plus l’attente de la serrer fort contre moi devient pesante. Elle m’aperçoit, le visage en larme, elle marche vers moi. On se rapproche de plus en plus, on se redécouvre, on se contemple, on se retouche, on s’enlace, l’âme au complet.
— Excuse-moi pour tout chéri.
— C’est à toi de m’excuser trésor.