Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Peut-être les deux. Il venait de se passer quelque chose. Je ne compris quoi, mais l’environnement dans lequel j’étais avait changé. J’étais en train de conduire, une personne était sur la route. Malgré mes klaxons répétés, elle ne bougea pas et du coup je tournais à droite en percutant un arbre. J’aurais même parié l’avoir traversé. Puis soudainement je me trouvais dans un char de combat. Le commandant qui y était m’ordonnai de tirer : « Feu ! ». J’exécutais sans réfléchir, c’était comme si mes gestes étaient indépendants de ma volonté.
A la fin de cette « prétendue» guerre, je compris qu’on avait pris le dessus sur les allemands. Ce qui m’agaçait le plus c’est que mes confrères soldats ne faisaient que m’appeler M’bap.
« M’bap magne-toi on lève le camp » me dit un soldat, dont je ne connaissais pas le nom et que je n’avais jamais vu d’ailleurs.
« Avais-je perdu la mémoire ou étais-je dans un rêve ? Ça, je ne le savais pas. » Ce qui était certain c’est que j’étais un soldat et que les membres de cette armée se battaient pour une cause que j’ignorais. On voyait à peine des gens dans les rues. Nous trouvâmes refuge dans une maison en ruine. On alluma un feu et le chef nous offrit chacun une bière. Les soldats racontaient des histoires, d’autres chantaient. Je m’approchai de celui qui m’avait interpellé lors de notre départ.
- M’bap, on dirait qu’aujourd’hui tu as perdu ta langue, me dit-il, qu’est-ce qui se passe ?
- Eh bien, pour être franc je suis perdu. Qui suis-je ? Pourquoi suis-je soldat ? Et vous, qui êtes-vous ?
Il éclata de rire puis me répondit :
- Ne me dis pas que la bière t’est montée à la tête au point que tu perdes la mémoire. Mais voyons ! Tu es le plus grand tirailleur sénégalais de l’histoire, le fameux M’bap Senghor. Nous sommes venus combattre pour libérer la France des allemands.
- Ah oui bien sûr ! Ou avais-je la tête ?
- Et moi j’ai toujours été ton fidèle compagnon de cellule pendant ces quatre ans, Pierre Obame. Allez ! Il faut qu’on aille se coucher, demain est le grand jour.
« Donc si je comprends bien nous sommes dans la seconde guerre mondiale. Ces pauvres soldats n’ont aucune idée de ce qui risque de les arriver. D’ailleurs en y repensant, moi aussi j’y passerai. Que l’être-humain est cruel ! Nous sommes dans un monde d’illusions ou seuls les forts survivent. Si seulement nous disposions du bouclier du Wakanda, tout serait différent. Etre doté de l’ingéniosité de Lelouch Vi Britannia ou avoir le courage de Kirikou serait suffisant pour rétablir l’ordre de ce monde. Si seulement, j’étais un petit Sam-Sam...
« Mais tu l’es.
« Heu... qui parle ? Non ce doit être l’effet de la bière.
« Non, c’est moi.
Je me levais pour voir mais tout le monde était couché. Que m’arrivait-il encore ? Etais-je victime de la folie ?
« Nous comptons sur toi pour éviter ce drame.
La voix avait des échos.
« De quoi parlez-vous ?
« Quiconque qui y entre a le pouvoir de changer le cours de l’histoire en retournant dans le passé. Voici une branche de trois feuilles. A chaque fois que tu réussiras une de tes missions elles seront d’un éclat lumineux, par contre si tu échoues elles se détacheront de la branche une à une. Tu dois changer leur destin, particulièrement celui du fils de M’bap afin qu’il ait une vie heureuse. Oublier ce drame serait accepté de les voir mourir une seconde fois.
Quand je levai la tête je vis une luciole qui me tendit une branche, ça devait être la fameuse branche dont la voix me parlait. Cette voix parlait avec sagesse. Mais on aurait dit qu’elle larmoyait. C’était à la fois terrifiant et triste. Que devais-je faire ? M’engager dans cette mission ou rester à jamais dans ce corps qui n’est pas mien ? La réponse semblait évidente, si je voulais retrouver ma vie d’avant il fallait que j’avance dans le noir les yeux fermés.
« Je ferais de mon mieux. Mais qui êtes-vous ? Pourriez-vous vous montrer ?
« Une gardienne ne se montre pas, elle ne fait qu’ouvrir la porte aux élus et leur montrer le chemin à suivre.
« Aux élus ??? Mais de quoi parlez-vous ?
Tout à coup, un vent d’une douceur extrême souffla, brisant le silence de la nuit. Je n’aurais pas de réponses à mes questions. Pour les obtenir, il faudrait que je m’y mette. En regardant à nouveau la branche, je remarquai que ses feuilles étaient figées et sèches et à la fois un peu humides. Plutôt bizarre comme objet servant à voyager dans le temps.
Je ne dormis quasiment pas la nuit. Réfléchissant à comment faire pour sortir ces humbles personnes dans le gouffre dans lequel ils allaient reposer à jamais.
Le général prit la parole :
-Chers soldats, durant ces quatre longues années vous vous êtes mis à notre service et avez combattu auprès de notre patrie pour nous libérer de ces dictateurs. Nous ne vous remercierons jamais assez. Chacun de vous fait la fierté de son pays. Vous aviez porté l’uniforme français tout en restant africain. Chose promise chose due. Vous recevrez ¼ du paiement de vos arriérés de solde. Les ¾ qui restent seront remis une fois arrivé au pays de la Teranga où après chacun rejoindra sa terre d’origine.
Tout le monde se mit à applaudir. Pierre me chuchota à l’oreille :
« Je pourrais enfin couver ma mère de cadeau ! Avec le sourire aux lèvres.
« J’espère bien, lui répondis-je.
« Sois enthousiaste pour une fois. Et toi tu dois être pressé de revoir ton fils.
-Allez ! Faites un rang pour que chacun reçoive sa part, mes valeureux soldats !
Nous étions en route vers le pays de la Teranga à bord du Circasia. Nous étions tous rassemblés dans une cabine. Je me mis debout devant tout le monde et prit la parole :
-Chers tirailleurs, il est temps que vous ouvrez les yeux. Ces gaulois ne tiendront pas leur promesse, ils ne vous remettront pas les ¾ de votre solde restante. Ils vous mentent depuis le début.
-Pour qui se prend-il celui-là ?
Des rires étouffés se faisaient entendre dans l’assemblée.
-Quand nous descendrons de ce bateau, ne réclamez pas votre dû, sinon l’irréparable sera commis.
Cette fois-ci des éclats de rire se firent bien entendre. Tout le monde riait.
Je me sentais ridicule et à la fois bête. Je partis me rasseoir, ne sachant plus que faire. Comment Amadou Faye, un jeune étudiant pouvait-il changer le cours de l’histoire ? Pierre me regardait comme pour me demander quelle idée avais-je derrière la tête.
Nous étions presque arrivés. Nous descendîmes au camp de Thiaroye. «Votre solde restant vous sera remis plus tard », annonça le général. A présent que chacun regagne sa demeure.
-Mais ce n’est pas ce qui était conclu, cria Pierre.
-Nous ne faisons pas affaire avec des singes, lui répondit-il.
Pierre était à bout, il voulait sauter sur le général. Je le retenais. La tension commençait à se faire ressentir dans l’assemblée. Chacun commençait à se plaindre. «Rentrons !» lançais-je mais personne ne m’écoutait. Quand je regardais autour de moi, je vis que nous étions encerclés par les soldats blancs.
Un premier coup se fit entendre, un deuxième puis plusieurs à la fois.
Je restais accroupi, me bouchant les oreilles.
Mensonges, mensonges, et encore mensonges ! Trahisons s’enchainant, trahissant le cœur pur de gens innocents. Ne serions-nous jamais libérés de la malédiction de Cham le maudit ? Esprits d’Afrique, pourquoi ne nous aviez-vous pas protégé ? Pourtant pour semer le chaos dans nos villages, vous êtes imbattables, pour arracher nos enfants vous êtes habiles, mais quand il s’agit de protéger votre troupeau, vous disparaissez !!! Mamy Wata, Mame Mindiss,... mais voyons ! Où étiez-vous ?
Pierre courrait vers moi puis je sentis quelque chose me transpercer.
-Papa !!
-Mais, où es-tu ?
-Birame, c’est un cauchemar. Rendors-toi. Papa reviendra vite.
-J’espère bien maman.
-Gardienne !!! Criais-je de toutes mes forces. Vous ne m’avez pas montré le chemin à suivre.
Une feuille se détacha de la branche. Une lueur étincelante était apparue.
-Dites-moi, devrais-je continuer à fermer les yeux dans ce noir ou devrais-je l’éclairer tout en y marchant ?
A la fin de cette « prétendue» guerre, je compris qu’on avait pris le dessus sur les allemands. Ce qui m’agaçait le plus c’est que mes confrères soldats ne faisaient que m’appeler M’bap.
« M’bap magne-toi on lève le camp » me dit un soldat, dont je ne connaissais pas le nom et que je n’avais jamais vu d’ailleurs.
« Avais-je perdu la mémoire ou étais-je dans un rêve ? Ça, je ne le savais pas. » Ce qui était certain c’est que j’étais un soldat et que les membres de cette armée se battaient pour une cause que j’ignorais. On voyait à peine des gens dans les rues. Nous trouvâmes refuge dans une maison en ruine. On alluma un feu et le chef nous offrit chacun une bière. Les soldats racontaient des histoires, d’autres chantaient. Je m’approchai de celui qui m’avait interpellé lors de notre départ.
- M’bap, on dirait qu’aujourd’hui tu as perdu ta langue, me dit-il, qu’est-ce qui se passe ?
- Eh bien, pour être franc je suis perdu. Qui suis-je ? Pourquoi suis-je soldat ? Et vous, qui êtes-vous ?
Il éclata de rire puis me répondit :
- Ne me dis pas que la bière t’est montée à la tête au point que tu perdes la mémoire. Mais voyons ! Tu es le plus grand tirailleur sénégalais de l’histoire, le fameux M’bap Senghor. Nous sommes venus combattre pour libérer la France des allemands.
- Ah oui bien sûr ! Ou avais-je la tête ?
- Et moi j’ai toujours été ton fidèle compagnon de cellule pendant ces quatre ans, Pierre Obame. Allez ! Il faut qu’on aille se coucher, demain est le grand jour.
« Donc si je comprends bien nous sommes dans la seconde guerre mondiale. Ces pauvres soldats n’ont aucune idée de ce qui risque de les arriver. D’ailleurs en y repensant, moi aussi j’y passerai. Que l’être-humain est cruel ! Nous sommes dans un monde d’illusions ou seuls les forts survivent. Si seulement nous disposions du bouclier du Wakanda, tout serait différent. Etre doté de l’ingéniosité de Lelouch Vi Britannia ou avoir le courage de Kirikou serait suffisant pour rétablir l’ordre de ce monde. Si seulement, j’étais un petit Sam-Sam...
« Mais tu l’es.
« Heu... qui parle ? Non ce doit être l’effet de la bière.
« Non, c’est moi.
Je me levais pour voir mais tout le monde était couché. Que m’arrivait-il encore ? Etais-je victime de la folie ?
« Nous comptons sur toi pour éviter ce drame.
La voix avait des échos.
« De quoi parlez-vous ?
« Quiconque qui y entre a le pouvoir de changer le cours de l’histoire en retournant dans le passé. Voici une branche de trois feuilles. A chaque fois que tu réussiras une de tes missions elles seront d’un éclat lumineux, par contre si tu échoues elles se détacheront de la branche une à une. Tu dois changer leur destin, particulièrement celui du fils de M’bap afin qu’il ait une vie heureuse. Oublier ce drame serait accepté de les voir mourir une seconde fois.
Quand je levai la tête je vis une luciole qui me tendit une branche, ça devait être la fameuse branche dont la voix me parlait. Cette voix parlait avec sagesse. Mais on aurait dit qu’elle larmoyait. C’était à la fois terrifiant et triste. Que devais-je faire ? M’engager dans cette mission ou rester à jamais dans ce corps qui n’est pas mien ? La réponse semblait évidente, si je voulais retrouver ma vie d’avant il fallait que j’avance dans le noir les yeux fermés.
« Je ferais de mon mieux. Mais qui êtes-vous ? Pourriez-vous vous montrer ?
« Une gardienne ne se montre pas, elle ne fait qu’ouvrir la porte aux élus et leur montrer le chemin à suivre.
« Aux élus ??? Mais de quoi parlez-vous ?
Tout à coup, un vent d’une douceur extrême souffla, brisant le silence de la nuit. Je n’aurais pas de réponses à mes questions. Pour les obtenir, il faudrait que je m’y mette. En regardant à nouveau la branche, je remarquai que ses feuilles étaient figées et sèches et à la fois un peu humides. Plutôt bizarre comme objet servant à voyager dans le temps.
Je ne dormis quasiment pas la nuit. Réfléchissant à comment faire pour sortir ces humbles personnes dans le gouffre dans lequel ils allaient reposer à jamais.
Le général prit la parole :
-Chers soldats, durant ces quatre longues années vous vous êtes mis à notre service et avez combattu auprès de notre patrie pour nous libérer de ces dictateurs. Nous ne vous remercierons jamais assez. Chacun de vous fait la fierté de son pays. Vous aviez porté l’uniforme français tout en restant africain. Chose promise chose due. Vous recevrez ¼ du paiement de vos arriérés de solde. Les ¾ qui restent seront remis une fois arrivé au pays de la Teranga où après chacun rejoindra sa terre d’origine.
Tout le monde se mit à applaudir. Pierre me chuchota à l’oreille :
« Je pourrais enfin couver ma mère de cadeau ! Avec le sourire aux lèvres.
« J’espère bien, lui répondis-je.
« Sois enthousiaste pour une fois. Et toi tu dois être pressé de revoir ton fils.
-Allez ! Faites un rang pour que chacun reçoive sa part, mes valeureux soldats !
Nous étions en route vers le pays de la Teranga à bord du Circasia. Nous étions tous rassemblés dans une cabine. Je me mis debout devant tout le monde et prit la parole :
-Chers tirailleurs, il est temps que vous ouvrez les yeux. Ces gaulois ne tiendront pas leur promesse, ils ne vous remettront pas les ¾ de votre solde restante. Ils vous mentent depuis le début.
-Pour qui se prend-il celui-là ?
Des rires étouffés se faisaient entendre dans l’assemblée.
-Quand nous descendrons de ce bateau, ne réclamez pas votre dû, sinon l’irréparable sera commis.
Cette fois-ci des éclats de rire se firent bien entendre. Tout le monde riait.
Je me sentais ridicule et à la fois bête. Je partis me rasseoir, ne sachant plus que faire. Comment Amadou Faye, un jeune étudiant pouvait-il changer le cours de l’histoire ? Pierre me regardait comme pour me demander quelle idée avais-je derrière la tête.
Nous étions presque arrivés. Nous descendîmes au camp de Thiaroye. «Votre solde restant vous sera remis plus tard », annonça le général. A présent que chacun regagne sa demeure.
-Mais ce n’est pas ce qui était conclu, cria Pierre.
-Nous ne faisons pas affaire avec des singes, lui répondit-il.
Pierre était à bout, il voulait sauter sur le général. Je le retenais. La tension commençait à se faire ressentir dans l’assemblée. Chacun commençait à se plaindre. «Rentrons !» lançais-je mais personne ne m’écoutait. Quand je regardais autour de moi, je vis que nous étions encerclés par les soldats blancs.
Un premier coup se fit entendre, un deuxième puis plusieurs à la fois.
Je restais accroupi, me bouchant les oreilles.
Mensonges, mensonges, et encore mensonges ! Trahisons s’enchainant, trahissant le cœur pur de gens innocents. Ne serions-nous jamais libérés de la malédiction de Cham le maudit ? Esprits d’Afrique, pourquoi ne nous aviez-vous pas protégé ? Pourtant pour semer le chaos dans nos villages, vous êtes imbattables, pour arracher nos enfants vous êtes habiles, mais quand il s’agit de protéger votre troupeau, vous disparaissez !!! Mamy Wata, Mame Mindiss,... mais voyons ! Où étiez-vous ?
Pierre courrait vers moi puis je sentis quelque chose me transpercer.
-Papa !!
-Mais, où es-tu ?
-Birame, c’est un cauchemar. Rendors-toi. Papa reviendra vite.
-J’espère bien maman.
-Gardienne !!! Criais-je de toutes mes forces. Vous ne m’avez pas montré le chemin à suivre.
Une feuille se détacha de la branche. Une lueur étincelante était apparue.
-Dites-moi, devrais-je continuer à fermer les yeux dans ce noir ou devrais-je l’éclairer tout en y marchant ?