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Nouvelles - Imaginaire J'avais trouvé l'appareil dans un vide-grenier au début du mois de septembre. Une jolie Retinette de chez Kodak, modèle 1954. Un bel appareil argentique comme on n'en fait plus. Mon goût pour le vintage, alimenté par mon tempérament nostalgique, m'avait convaincu de l'acheter.
Il y avait d'abord eu le chat. Je nourrissais un matou presque sauvage qui s'aventurait souvent du côté de mon jardin et j'avais décidé d'en faire mon premier modèle. L'animal avait pris la pose avec docilité et j'avais effectué ainsi mes trois premiers clichés, plutôt réussis.
Après cela, je n'avais plus jamais revu le félin rôder autour de la maison. Mais les animaux, surtout lorsqu'ils sont livrés à eux-mêmes, ont souvent la vie courte, et je ne m'étais pas davantage alarmé de cette disparition.
Quelques mois plus tard, j'avais entrepris de photographier une jolie tourterelle qui avait fait son nid au-dessus de ma véranda. Une réussite, encore une fois, malheureusement suivie d'une nouvelle disparition. J'avais trouvé, plusieurs jours après, au hasard d'une promenade, le cadavre à demi décomposé de l'oiseau gisant dans un fossé.
C'est après avoir réalisé une photo de mariage que j'ai compris. Les vingt-cinq personnes qui figuraient sur le cliché avaient toutes cassé leur pipe au lendemain de l'évènement. Et si je ne dispose d'aucune preuve me permettant de l'affirmer, j'ai l'intime conviction qu'ils ont tous rendu l'âme au même moment. À la seconde près.
L'appareil tuait donc qui se laissait immortaliser par sa pellicule. J'étais stupéfait par cette découverte et n'avais pu réprimer quelques sanglots en songeant à ce pauvre chat que j'avais condamné à mort. Mes victimes humaines, elles, me faisaient bien moins de peine. Le mariage de ploucs auquel j'avais assisté ne m'avait rien laissé entrevoir d'irremplaçable. Des ploucs qui se marient à d'autres ploucs pour donner des familles de ploucs qui à leur tour se reproduiront entre ploucs et produiront des générations de ploucs à l'infini. Pas de quoi verser une larme, sinon pour la tristesse d'une telle mécanique.
Après avoir pesé le pour et le contre, et bien réfléchi à ce qu'impliquait un tel pouvoir, j'avais pris le parti d'épurer autour de moi les fantômes de mon passé. Les persécuteurs du CM2, les voyous de ma cinquième, les racketteurs de ma seconde ; j'avais patiemment cherché puis trouvé ces sadiques de ma jeunesse afin de leur tirer le portrait. Un massacre.
Tout au long de ma vie et jusqu'à l'année dernière, j'ai méthodiquement assassiné tous ceux qui avaient un jour pu me taper sur le système. Les voisins médisants, les électeurs socialistes, les mamans prolos qui poussent leurs rejetons immondes dans des poussettes discount, les homosexuels qui pensent que la pratique de la sodomie est une opinion politique, les féministes, les lecteurs de Télérama et les auditeurs de France inter, petits prédicateurs de la vertu aux fesses sales. J'épurais dans la joie barbare que me conférait mon pouvoir magique.
Et puis il y a eu Jérôme. Ce salopard de Jérôme. Il y a dix ans, je l'avais surpris au lit avec ma femme. Ou devrais-je dire mon ex-femme, car la découverte de ces traîtres en train de jouer à la bête à deux dos avait inévitablement conduit au divorce. Je n'avais jamais pu oublier la trogne rigolarde de Jérôme lorsqu'il s'était aperçu de ma présence dans la chambre. Loin d'avoir honte, il s'était amusé de la situation, de ma colère, de ma détresse, de mon malheur. Le prendre en photo a été pour moi un grand moment de jouissance... Jusqu'à ce qu'à l'instant du développement, je découvre ma silhouette en arrière-plan, comme au travers d'un kaléidoscope.
Appelez ça la guigne, le mauvais sort ou le karma, mais j'avais appuyé sur le bouton de déclenchement alors que Jérôme passait devant la vitrine d'un miroitier. Vous avouerez que c'est une drôle manière de se suicider.
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Pourquoi on a aimé ?
Humour noir, cynisme, suspense et originalité, ce texte rassemble pas mal de choses pour qu'on l'aime. La narration est rapide et efficace, la
Pourquoi on a aimé ?
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