L'ame du monde

J’ai accroché ma vuvuzela et le portrait de Mandela sur le drapeau de l’Afrique du sud dans ma chambre sous les toits. Les écharpes des supporters du club de Soweto, bénies par les médecins traditionnels (c’est important), et un maillot des Kaizers-Chiefs. Sur l’armoire j’ai un chapeau des Orlando Pirates "les voleurs des mers"
Le foulard des Kaizer Chiefs Football Club me donne le droit de me considérer comme un « Amakhosi », ce qui veut dire Seigneur en zoulou.

Le soir le township aux portes de Johannesburg bourdonne de cris, de chants, de musiques africaines. Dans les « shebeen », ces bars clandestins qui parsèment le township, je retrouve la moitié de la planète. Des chinois, des indous, des noirs US. Un argentin désargenté traine là et essaye de se faire payer des bières pour noyer son spleen. On danse au son de la house music entre les tables entravant le ballet des serveurs.
Autour d’un gigantesque chakalaka, un ragoût, singulièrement épicé, servi avec de l’Amasi (lait aigre) qui calme le feu des lames de rasoir que l’on croit ingurgiter c’est des discussions sans fin en globish, que tout le monde fait semblant de maitriser et de comprendre.

Quand l’aube va poindre, nous grignotons des lamelles de biltong d’autruche ou de springbok » (viande séchée) tout en vantant les exploits de nos équipes respectives. Pour l’instant les français n’insistent pas trop...
Au stade, on franchit, bras dessus bras dessous, les barrières de sécurité, les portes grillagées et les nombreux contrôles pour dépister les faux titres qui se vendent à l’entrée des stades.
Au milieu des gradins, je suis un peu interloquée: "C'est la nouvelle Afrique du Sud !" Blanche, noir et multiple de toutes les ethnies que le vent a semé sur ce sol fertile. Alors débute le concert des vuvuzelas... « hou-hou hou hou hou ». A plus de cent décibels le coton s’impose dans les oreilles.
On part en transe à chaque but et les chapeaux des Sea Robbers, volent en l’air. C’était en juillet 2010.
Ce soir je suis devant mon téléviseur et je regarde se dérouler un match quelconque. Je revois l’Afrique-du-sud et il me vient à regretter l’ambiance fraternelle qui nous avait portés lors de cette coupe formidable du monde.