« Maître ? Vous plaisantez ? Vous pouvez me cogner, comme l'ont fait tous les autres mais je ne vous appellerai pas maître. »
« "Il n'est aucun moyen que vous pussiez utiliser, monsieur le président, pour me contraindre à vous appeler maître. On est le maître de celui qui se reconnaît en soi. Moi, je ne me reconnais pas en vous. Je ne souhaite pas vous ressembler encore moins apprendre de vous. La violence, voilà votre arme ultime. Mais sachez que je ne crains rien. Soit que vous me tuiez, soit que vous me laissiez vivre, je ne vous appellerai pas maître. Il est hors de question qu'en plus de votre haine et de votre politique sélective et exclusioniste, je vous appelle maître. ‘'C'est évident que personne ne peut forcer le bœuf à déféquer.'' Avant vous, un de mes enseignant, avec mes sept ans d'âge, m'avait administré douze coups aux fesses pour une leçon de science d'observation portant sur le poisson qu'il trouvait mal assimilée. Je n'avais pas démordu. Quelques années plus tard, le directeur d'école en bon représentant de l'école et avocat de la langue française s'était servi de mêmes moyens violents pour m'amener à apprendre une leçon d'orthographe que je n'avais pas apprise selon lui. J'estimais connaître les principes qu'il décrivait dans la leçon et me savais capable de faire face aux exercices sur le sujet. Il avait quand-même refusé de tolérer mon approche. Pour lui, il fallait me cogner jusqu'à ce que je cède. Sachez-le, la violence est l'arme des faibles et des lâches. Les gens de votre acabit sont légions sur la terre. Quand vous avez une petite laine de pouvoir, vous vous prenez pour les adjoints de Dieu et croyez pourvoir soumettre tout le monde non par le dialogue et la conviction mais par la coercition et la violence. Pour un rien du tout, vous me donnez ces coups aujourd'hui. Le temps est le juge de tout être humain. Il peut le descendre de son piédestal et lui montrer la vanité du souffle. Seulement que, pour l'heure, je ne vous appellerai pas maître. »
A ces mots, le chef perdit son calme. On eût dit qu'on venait de lui mettre de la braise dans le pantalon. Il se mit dans tous ses états. Le grand public lui connait un calme légendaire. Mais ce qu'il ignore, c'est la violence dont le chef peut faire montre en dehors des espaces filmés. Chose étonnante Noukoun, quoique dans des fers à la Guantanamo, ne craignit guère de dire sa vérité au chef. Tu devrais reconnaitre qu'en politique, je suis ton maitre et que tu as beaucoup à apprendre de moi. Je suis prêt à pardonner ton écart si tu acceptes de te soumettre et de me reconnaitre publiquement comme ton maitre. Jamais, répondit le prisonnier. Bâillonnez-le, laissa-t-il entendre aux gardes avant de prendre congés de ce lieu macabre dont l'existence était inconnue du citoyen lambda. Dès que, Nouado, le chef, le bien-aimé du peuple sortit et que la porte se fut refermée après lui, l'obscurité habituelle qui caractérise ces lieux revint couvrir le prisonnier. Il se replongea dans des réflexions profondes telles qu'il s'y était habituées depuis les cent vingt sept jours où il avait été arrêté pour avoir prétexté vouloir concurrencer le chef, pour la conquête du pouvoir d'état. L'on l'avait quand même avertit du danger de vouloir se faire élire au poste de haut magistrat d'état. Il commença à se demander ce qu'il avait mal fait pour se retrouver au trou. Il se revoyait à la maison avec la bonne ambiance de son gîte. Il revoyait ses deux garçons l'assommer de questions que tous trouvaient trop osées pour leurs âges.
Noukoun, avocat bon teint de son pays avait, disait-on, une vie familiale et sociale exemplaire. Dans sa profession, il avait le crédit de savoir défendre les dossiers confiés à ses soins avec élégance. De par sa profession on l'appelait maître. Ses performances au barreau de Mamadoucho amenèrent ses admirateurs à l'appeler le maître des maîtres. De taille moyenne, « le maître des maitres » a un teint bronzé ; sa démarche exprime ses origines princières. Il est en effet d'un ancien royaume du centre du pays connu pour son adresse en matière de justice et d'équité. Ces vertus, il les portait dans les gènes.
Quelques mois avant le scrutin, il avait osé parcourir le pays à la quête d'une affection électorale que le chef n'apprécia guère. « Que croit-il, avait pensé le chef suprême des armées, me prendre le pouvoir ? On verra bien ce qu'il en sera » C'est sans compter sur le fait que le chef avait déjà exécuté le nombre de mandat constitutionnel qu'il devrait faire et que Noukoun estimait le chef digne de confiance pour respecter les paroles de son serment public, que le jeune avocat s'était proposé de se mettre au service de toute la nation. Il avait pu glaner l'adhésion de députés, de ministres frustrés, du peuple meurtri, d'hommes politiques à la recherche de couverture politique et bien d'autres sympathisants. L'un des derniers qui se joignit à son mouvement, c'est un maire d'une commune du sud qui au pays de Mamadoucho est connu pour sa transhumance. Comme on le dit à Mamadoucho, ce fou du roi avait la honte à la nuque. D'après les indiscrétions, ce serait lui qui aurait fomenté le complot contre le jeune avocat pour conforter sa position chez le chef. On ne sait comment il arrivait à se dédire et à médire de ses anciens amis politiques, publiquement sans cligner de l'œil. Le jeune avocat était prêt pour la compétition électorale. Il avait le soutien d'une frange de la communauté internationale, le peuple aspirait au changement et il représentait une alternative logique. Ben, sa naiveté allait bientôt céder la place à la réalité.
A quelques semaines des examens électoraux, Nouado, le président fit réviser certaines dispositions de la constitution et annonça sa volonté de se représenter, d'être candidat. Il avait préparé la stratégie pour faire rejeter le dossier de celui que l'on appelle « le maitre des maitres » et lui démontrer que lui, en politique, non, en duperie, était son maître. Personne n'osa s'opposer à ce revirement constitutionnel. Tout le monde connait le refrain : « Un homme censé ne peut s'opposer au chef ». A Mamadoucho, chacun sait qu'un jeune réfléchi ne peut qu'être mouvancier ; il ne s'agit pas du peuple mais du ventre du politicien.
A ce moment précis, le bruit des grilles réveilla notre prisonnier de son évasion. Il avait la visite de la seule personne autorisée à le voir, son avocat. Dès qu'ils prirent les nouvelles l'un de l'autre, Noukoun fut informé de l'évolution de son dossier. D'après ce qui se disait dans les couloirs de la justice, le chef voulait l'entendre l'appeler « maitre » avant que son procès ne soit autorisé. Pour lui, se soumettre à cette exigence, c'était, participer à la vente de la démocratie, car, la séparation des pouvoirs est un principe non négociable du régime. Il était pris entre le marteau et l'enclume. Même sa masse corporelle fuyait cette geôle et ne supportait plus toute cette violence, physique, psychologique et morale. De soixante-quinze kilos, il pesait désormais cinquante kilogrammes. Mais de quoi l'accusait-on ? Personne ne savait réellement quels étaient les chefs d'accusation contre l'homme mais son tort était extrêmement grave qu'il fallait le garder pour des raisons d'enquêtes. Sa santé ne tenait plus. Malgré les démarches pour qu'il soit pris en charge, rien n'aboutit. Il était suivit pas un infirmier dont les compétences restent à prouver.
Vingt jours après cette visite, l'avocat de Noukoun reçut un appel. Son client venait de perdre conscience. On le conduisait vers le centre hospitalier de référence. Il y était attendu. Sourou savait en lui que son client était perdu. Lui-même se considérait comme une graine pour le salut de la masse. Seulement, il craignait pour la stabilité du pays, si une nouvelle pareille, à ce moment là, venait à se divulguer ; si le maitre des maitre venait à semer sa vie pour la masse dans ces conditions.
« "Il n'est aucun moyen que vous pussiez utiliser, monsieur le président, pour me contraindre à vous appeler maître. On est le maître de celui qui se reconnaît en soi. Moi, je ne me reconnais pas en vous. Je ne souhaite pas vous ressembler encore moins apprendre de vous. La violence, voilà votre arme ultime. Mais sachez que je ne crains rien. Soit que vous me tuiez, soit que vous me laissiez vivre, je ne vous appellerai pas maître. Il est hors de question qu'en plus de votre haine et de votre politique sélective et exclusioniste, je vous appelle maître. ‘'C'est évident que personne ne peut forcer le bœuf à déféquer.'' Avant vous, un de mes enseignant, avec mes sept ans d'âge, m'avait administré douze coups aux fesses pour une leçon de science d'observation portant sur le poisson qu'il trouvait mal assimilée. Je n'avais pas démordu. Quelques années plus tard, le directeur d'école en bon représentant de l'école et avocat de la langue française s'était servi de mêmes moyens violents pour m'amener à apprendre une leçon d'orthographe que je n'avais pas apprise selon lui. J'estimais connaître les principes qu'il décrivait dans la leçon et me savais capable de faire face aux exercices sur le sujet. Il avait quand-même refusé de tolérer mon approche. Pour lui, il fallait me cogner jusqu'à ce que je cède. Sachez-le, la violence est l'arme des faibles et des lâches. Les gens de votre acabit sont légions sur la terre. Quand vous avez une petite laine de pouvoir, vous vous prenez pour les adjoints de Dieu et croyez pourvoir soumettre tout le monde non par le dialogue et la conviction mais par la coercition et la violence. Pour un rien du tout, vous me donnez ces coups aujourd'hui. Le temps est le juge de tout être humain. Il peut le descendre de son piédestal et lui montrer la vanité du souffle. Seulement que, pour l'heure, je ne vous appellerai pas maître. »
A ces mots, le chef perdit son calme. On eût dit qu'on venait de lui mettre de la braise dans le pantalon. Il se mit dans tous ses états. Le grand public lui connait un calme légendaire. Mais ce qu'il ignore, c'est la violence dont le chef peut faire montre en dehors des espaces filmés. Chose étonnante Noukoun, quoique dans des fers à la Guantanamo, ne craignit guère de dire sa vérité au chef. Tu devrais reconnaitre qu'en politique, je suis ton maitre et que tu as beaucoup à apprendre de moi. Je suis prêt à pardonner ton écart si tu acceptes de te soumettre et de me reconnaitre publiquement comme ton maitre. Jamais, répondit le prisonnier. Bâillonnez-le, laissa-t-il entendre aux gardes avant de prendre congés de ce lieu macabre dont l'existence était inconnue du citoyen lambda. Dès que, Nouado, le chef, le bien-aimé du peuple sortit et que la porte se fut refermée après lui, l'obscurité habituelle qui caractérise ces lieux revint couvrir le prisonnier. Il se replongea dans des réflexions profondes telles qu'il s'y était habituées depuis les cent vingt sept jours où il avait été arrêté pour avoir prétexté vouloir concurrencer le chef, pour la conquête du pouvoir d'état. L'on l'avait quand même avertit du danger de vouloir se faire élire au poste de haut magistrat d'état. Il commença à se demander ce qu'il avait mal fait pour se retrouver au trou. Il se revoyait à la maison avec la bonne ambiance de son gîte. Il revoyait ses deux garçons l'assommer de questions que tous trouvaient trop osées pour leurs âges.
Noukoun, avocat bon teint de son pays avait, disait-on, une vie familiale et sociale exemplaire. Dans sa profession, il avait le crédit de savoir défendre les dossiers confiés à ses soins avec élégance. De par sa profession on l'appelait maître. Ses performances au barreau de Mamadoucho amenèrent ses admirateurs à l'appeler le maître des maîtres. De taille moyenne, « le maître des maitres » a un teint bronzé ; sa démarche exprime ses origines princières. Il est en effet d'un ancien royaume du centre du pays connu pour son adresse en matière de justice et d'équité. Ces vertus, il les portait dans les gènes.
Quelques mois avant le scrutin, il avait osé parcourir le pays à la quête d'une affection électorale que le chef n'apprécia guère. « Que croit-il, avait pensé le chef suprême des armées, me prendre le pouvoir ? On verra bien ce qu'il en sera » C'est sans compter sur le fait que le chef avait déjà exécuté le nombre de mandat constitutionnel qu'il devrait faire et que Noukoun estimait le chef digne de confiance pour respecter les paroles de son serment public, que le jeune avocat s'était proposé de se mettre au service de toute la nation. Il avait pu glaner l'adhésion de députés, de ministres frustrés, du peuple meurtri, d'hommes politiques à la recherche de couverture politique et bien d'autres sympathisants. L'un des derniers qui se joignit à son mouvement, c'est un maire d'une commune du sud qui au pays de Mamadoucho est connu pour sa transhumance. Comme on le dit à Mamadoucho, ce fou du roi avait la honte à la nuque. D'après les indiscrétions, ce serait lui qui aurait fomenté le complot contre le jeune avocat pour conforter sa position chez le chef. On ne sait comment il arrivait à se dédire et à médire de ses anciens amis politiques, publiquement sans cligner de l'œil. Le jeune avocat était prêt pour la compétition électorale. Il avait le soutien d'une frange de la communauté internationale, le peuple aspirait au changement et il représentait une alternative logique. Ben, sa naiveté allait bientôt céder la place à la réalité.
A quelques semaines des examens électoraux, Nouado, le président fit réviser certaines dispositions de la constitution et annonça sa volonté de se représenter, d'être candidat. Il avait préparé la stratégie pour faire rejeter le dossier de celui que l'on appelle « le maitre des maitres » et lui démontrer que lui, en politique, non, en duperie, était son maître. Personne n'osa s'opposer à ce revirement constitutionnel. Tout le monde connait le refrain : « Un homme censé ne peut s'opposer au chef ». A Mamadoucho, chacun sait qu'un jeune réfléchi ne peut qu'être mouvancier ; il ne s'agit pas du peuple mais du ventre du politicien.
A ce moment précis, le bruit des grilles réveilla notre prisonnier de son évasion. Il avait la visite de la seule personne autorisée à le voir, son avocat. Dès qu'ils prirent les nouvelles l'un de l'autre, Noukoun fut informé de l'évolution de son dossier. D'après ce qui se disait dans les couloirs de la justice, le chef voulait l'entendre l'appeler « maitre » avant que son procès ne soit autorisé. Pour lui, se soumettre à cette exigence, c'était, participer à la vente de la démocratie, car, la séparation des pouvoirs est un principe non négociable du régime. Il était pris entre le marteau et l'enclume. Même sa masse corporelle fuyait cette geôle et ne supportait plus toute cette violence, physique, psychologique et morale. De soixante-quinze kilos, il pesait désormais cinquante kilogrammes. Mais de quoi l'accusait-on ? Personne ne savait réellement quels étaient les chefs d'accusation contre l'homme mais son tort était extrêmement grave qu'il fallait le garder pour des raisons d'enquêtes. Sa santé ne tenait plus. Malgré les démarches pour qu'il soit pris en charge, rien n'aboutit. Il était suivit pas un infirmier dont les compétences restent à prouver.
Vingt jours après cette visite, l'avocat de Noukoun reçut un appel. Son client venait de perdre conscience. On le conduisait vers le centre hospitalier de référence. Il y était attendu. Sourou savait en lui que son client était perdu. Lui-même se considérait comme une graine pour le salut de la masse. Seulement, il craignait pour la stabilité du pays, si une nouvelle pareille, à ce moment là, venait à se divulguer ; si le maitre des maitre venait à semer sa vie pour la masse dans ces conditions.