Toute histoire commence un jour, quelque part. Celle d'Akissi, bien avant d'avoir véritablement commencée, allait probablement s'achever là, dans ce désert perdu au milieu de nulle part.La jeune femme en était sûr, elle allait s'effondrer d'une minute à l'autre. A bout de force, elle tenait à peine debout. Mettre un pieds devant l'autre,lui était pénible. Elle avait bien trop soif et bien trop faim. L'air sec du Sahara lui irritait la gorge. Dans le ciel, le soleil brûlant irradiait une chaleur incandescente qui paraissait lui brûler la peau.Jamais, pensait- elle, elle ne pourrait atteindre le détroit de Gibraltar à pieds. L'avoir cru une seule seconde, relevait de la folie. Elle n'était qu'une folle. Elle l'avait toujours été. Elle et tous ses compagnons de traversée n'étaient rien d'autre que des fous. Il n'y avait que la folie pour expliquer, pour justifier le fait de s'être lancé dans un tel périple. Les risques en étaient bien trop élevés et trop bien connus de tous. Dans son pays, la Côte d'Ivoire, nuls ne les ignoraient. Le gouvernement y avait veillé. Il s'était en effet lancé dans une vaste campagne de sensibilisation contre l'immigration clandestine. Dans les médias et les multimédias on ne parlait que des risques liés à ce phénomène. Hélas,la pression sociale, financière et professionnelle était bien trop forte pour espérer dissuader les éventuels candidats avec quelques malheureuses affiches placardées ça et là dans la ville. L'espoir d'une vie meilleure en occident représentait pour ces derniers la seule alternative. Tous, espéraient fuir les nombreux problèmes que les politiciens étaient incapables de résoudre. Quoi de mieux que de s'exiler pour ne plus vivre dans le désespoir et affronter la misère au quotidien? Convaincue qu'il n'y avait pas d'avenir meilleur autre part qu'ailleurs, Akissi s'était décidée à franchir le pas. Comme bien d'autre avant elle,elle avait voulu tenter l'aventure. Au péril de sa vie, elle avait décidé de rejoindre l'Eldorado. Sa mère avait bien évidemment essayé de la raisonner. Mais Akissi n'avait rien voulu entendre. Elle y avait bien trop réfléchit. Elle avait voulu partir coût que coût et par n'importe quel moyen. Elle en avait eut assez. Elle avait été incapable de supporter plus longtemps sa vie faites d'incertitudes. Elle avait eut cette impression étrange de n'avoir rien à perdre. Elle n'avait eut peur de rien. Sa propre vie lui avait semblé dénuée de sens. Diplômée de l'Université, Akissi était au chômage. A vrai dire, elle n'avait jamais eut un véritable emploi en rapport avec sa formation. Sa survie, la jeune femme de 28 ans ne la devait qu'en vivant de plusieurs petits boulots et principalement de commerce. Pourtant, du travail, la jeune femme en avait cherché du mieux qu'elle avait pu en adressant un peu partout des demandes d'emploie. Mais voilà, le système était bien trop gangrené par le tribalisme et le népotisme. Pour obtenir un emploi ou un simple stage,il fallait généralement être pistonné. Akissi, elle, ne connaissait personne. Elle n'était pas suffisamment brillante non plus pour s'imposer par ses compétences. Alors à la longue, elle avait fini par haïr son pays et la vie en général. Elle n'avait plus voulu survivre. Elle avait voulu vivre. Elle avait voulu vivre ou mourir. En remettant toutes ses maigres économies au passeur, elle avait ainsi espéré s'installer et refaire sa vie en occident. Dans un coin de sa tête,la jeune femme avait imaginé y mener la vie dépeinte dans les films hollywoodiens dont elle raffolait. Comme ses héroïnes de séries télévisées, elle avait cru pouvoir y vivre le paradis. Pourtant,ce fut plutôt en enfer qu' Akissi avait cru atterrir lorsqu'en pleine méditerranée, leur bateau en bois avait été renversé par les vagues déchaînées. Plusieurs parmi les passagers avaient fini noyés, emportés par les flots. Akissi,effarée avait affronté la mort en face. Elle l'avait vu dans les yeux et ne lui avait échappé que grâce à la chance. Accrochée sur la coque du bateau comme les huit autres survivants du naufrage, elle avait été secouru in extremis par un navire marchand marocain. En état de choc et épuisée, Akissi n'avait pourtant pas hésité à suivre les autres rescapés du naufrage, une fois sur la terre ferme. Décidés à rejoindre l'Espagne à tout prix, ces derniers avait pris la route du Sahara à pieds. Akissi avait été idiote de s'être laissée ainsi entraînée. A présent, elle se rendait compte de sa grossière erreur et avait des regrets. Elle aurait dû pendant qu'elle le pouvait encore rentrer chez elle,en Côte d'Ivoire, auprès de sa chère mère. Là-bas au moins, malgré la pauvreté et les incertitudes, il y faisait toujours bon vivre. Sa famille et elle y mangeaient à leur faim et les gens y étaient chaleureux.Dans un éclaire de lucidité, Akissi se rendit compte qu'elle n'aurait jamais dû partir. Elle aurait dû rester dans sa patrie.Il y avait tellement beaucoup à faire là-bas,dans son pays. Les possibilités d'obtenir des revenus étaient si infimes. Elle aurait pu cultiver la terre,se créer une petite ferme ou pourquoi pas développer un commerce rentable avec ses économies. Pourquoi n'y avait-elle pas pensé un peu plus tôt? Pourquoi ? Pourquoi s'était-elle plutôt entêtée à venir mourir ici, sur une terre étrangère ? Perdue dans ses pensées,Akissi en fut soudainement tirée par des bruits de moteurs qui lui parvint, au loin.
La peur au ventre,la jeune femme et ses compagnons s'immobilisèrent avant de tendre l'oreille. Qu'était-ce? se demandèrent-ils en s'interrogeant du regard. Était-ce de simple voyageurs, la police frontalière ou pire encore des trafiquants de migrants ? D'un instinct commun, tous, exceptée Akissi prirent leurs jambes à leurs coups à la recherche d'une dune ou se cacher. Résignée,la jeune femme, elle,ne bougeait pas.Immobile, elle restait plantée là, à découvert, à la vu de tous.Bien trop épuisée pour fuir la mort, elle attendait d'affronter le sort.