Aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours été un garçon solitaire coincé dans ma bulle, et plus que tout, j'ai toujours voulu être comme le héros de mes romans policiers préférés : un véritable génie luttant contre le crime.
L'histoire commence en plein mois de mars, alors que j'étais en seconde.
Il faut savoir qu'au Lycée, il n'y avait pas grand chose qui m'intéressait. En cours, je ne pensais qu'aux enquêtes et aux romans que je venais de lire la veille.
A l'époque, mon professeur d'histoire-géographie était Monsieur Dantaface, et avec le peu d'amis que j'avais, nous aimions enquêter sur lui. Une aura de mystère planait sur lui et pour nous, jeunes inspecteurs, c'était un immense plaisir de le suivre alors qu'il ne se doutait de rien. De le suivre à la trace ! Nous allions comprendre plus tard qu'un excès de curiosité pouvait s'avérer fatal.
C'était donc un jour ordinaire jusqu'à ce que mon ami Jean-Michel me propose de le prendre en filature. J'étais depuis toujours habitué à jouer les petits espions. La proposition était tentante et je fis l'erreur d'accepter.
Alors que nous suivions à deux Monsieur Dantaface, j'eus un moment d'inattention et lorsque je regardai à nouveau devant moi, il avait disparu.
J'eus un moment de panique mais Jean-Michel dit que s'il avait disparu ainsi, c'était qu'il devait être un assassin payé par une société secrète pour infiltrer notre école. Je trouvais cela complètement absurde, mais c'était avant de poser ma main sur l'arbre à côté de nous. Je remarquai tout de suite, tel un détective de génie, que l'arbre était creux et qu'il dissimulait certainement un passage secret. Je n'hésitai que quelques secondes et m'engouffrai dans l'arbre artificiel. S'y trouvait une longue galerie un peu boueuse que je pris malgré tout la décision de parcourir car je voulais être un héros et non un lâche.
Je fis quelques pas mais je me figeai à l'instant même où j'entendis des voix.
Je reconnus immédiatement la voix de mon professeur crier un nom et puis plus rien.
Je m'avançais prudemment lorsque je vis une ombre sortir d'une petite pièce, tout au bout du tunnel. J'attendis plus de dix minutes dans ma cachette avant d'entrer dans la pièce obscure, la boule au ventre, songeant qu'à chaque instant, je pouvais me faire décapiter par un tueur fou.
C'est alors que je m'immobilisai au moment où je sentis une odeur de sang...
Je vis alors un cadavre, mais un cadavre tué proprement, rapidement, certainement par un véritable professionnel du crime. Je frissonnai...
Mon professeur, bien qu'un peu spécial, n'aurait jamais psychologiquement été capable de faire cela. Alors était-il fou ? Voilà une question qui restait sans réponses... Dans tous les cas, il fallait appeler les professionnels, les vrais cette fois-ci. Je cherchais longuement une quelconque preuve de la culpabilité de Monsieur Dantaface. Mais je ne trouvais rien. Dans ce cas, comment prouver la culpabilité de mon professeur ? Et même, qui pourrait trouver le cadavre à part moi ?
Personne. Telle était la réponse et je me retrouvais avec cette responsabilité immense sur les épaules. Et c'est là que, comme dans mes romans préférés, j'eus un incroyable éclair de génie ! La preuve était ici, sous mes yeux, et pourtant je ne l'avais pas encore vue !
Une évidence, même pour quelqu'un qui n'y connaîtrait rien, mais pourtant le tueur, si fort soit-il, ne l'avait pas remarquée...
Je venais de trouver la clé du mystère, le morceau du puzzle manquant.
La bonne réponse était sa trace... la trace !
Puisqu'il avait aimé cette cachette, nous allions bien voir s' il allait continuer à l'aimer au moment où les policiers allaient tout comprendre. Grave erreur que de laisser ainsi ses empreintes digitales, non pas sur le cadavre, mais sur l'arbre ! En pensant bien faire, il s'était piégé lui-même en choisissant sa cachette ! La trace du crime !
Je me sentais si fort, je venais de démasquer le coupable et de trouver la preuve de la culpabilité de mon professeur ! Restait maintenant le mobile...
Qu'est ce qui peut bien pousser un homme ayant la quarantaine à emmener sa victime dans une cachette pareille pour ensuite la tuer ?
L'argent ? Non... peu probable ! Mon professeur, bien que pas très riche, n'était en aucun cas avide d'argent et en avait assez pour lui... Dans ce cas, un amour impossible ?
Si ça arrive dans les romans, pourquoi pas dans la vie réelle ? Cette dernière hypothèse semblait plus juste et plus crédible. J'optai donc pour cette seconde option.
Et c'est là que, malheureusement pour moi, il y eut un de ces retournements de situation qui n'arrivent que dans les romans. J'entendis des pas ! La plus grosse peur de ma vie ! Et elle était justifiée car Monsieur Dantaface avait remarqué ma présence. Je sentais le danger et je connaissais le sort qui m'attendait s'il me trouvait, donc je décidai de tenter le tout pour le tout ! Je sautai et me mis à courir comme un guépard enragé. Encore une grave erreur car, en montant sur l'échelle, je laissai des traces de doigts...
Le bandit, rapide, me rattrapa, m'assomma violemment et je perdis connaissance.
Lorsque je me réveillai, j'étais au poste de police, mais pas pour porter plainte. J'avais été arrêté pour avoir commis un meurtre à 15 ans ! Du grand n'importe quoi ! Et pourtant ils avaient retrouvé mes traces sur l'échelle et en avaient conclu que j'avais tué une femme !
C'est là, la fin de l'histoire, le dénouement malheureux d'une histoire policière si palpitante. Mon histoire et j'en suis fier ! Mais lorsque je sortirai de prison, je me souviendrai que même un innocent peut payer pour des traces oubliées.