Il était une fois, une contrée lointaine où les animaux régnaient en maitres. Tous, herbivores et carnivores vivaient en paix, nul ne mangeait plus que ce dont il avait besoin pour vivre. Mais un jour, un lion puissant et vaniteux se proclama roi de ces terres idylliques, chassant tous ceux qui tentaient de le défier. Ce lion ne tuait pas pour survivre, il dévorait ses proies par plaisir. Il chassait toutes les proies des carnivores, piétinait et arrachait l'herbe sous le museau des herbivores, affamant toutes les bêtes afin de rester roi pour toujours. Une nuit, un groupe d'animaux unis dans leur malheur se réunit au fond d'une forêt éloignée de la tanière du lion. Des murmures inquiets parcouraient l'assemblée. Le loup prit la parole de sa voix rauque.

-Merci à tous d'être venus. Murmura-t-il. Nous sommes là pour décider... 

Il fut interrompu par un mouvement de la foule. Les animaux s'écartaient au passage de l'un des leurs.

-Puis-je faire une suggestion ? Demanda le renard. Tout le monde se tut. Le renard était respecté de tous, et il avait la réputation d'être l'animal le plus malin et intelligent de la forêt.

-Eh bien parle, Renard ! Gronda le loup, méfiant. Nous t'écoutons. Le renard, ravi de l'effet qu'il produisait, grimpa sur une pierre pour être entendu de tous. Il avait, comme les autres, beaucoup maigri depuis l'arrivée du lion, mais ainsi dressé sur son rocher, il était tout de même très impressionnant. 

« Il faut faire si peur au lion qu'il ne reviendra jamais par ici. 

-Mais comment ? Se lamenta une brebis. Mêêême si on l'attaquait tous à la fois, je ne suis pas sûre qu'il aurait peur !

-Oh, mais il n'est pas question de l'attaquer... susurra le renard. J'ai un plan. 

Il promena son regard rusé sur la foule. Loup, c'est toi, l'animal le plus fort ici, n'est-ce pas ?  L'intéressé bomba le poitrail. 

-Indéniablement. Répondit-il.

-Parfait. C'est toi qui seras blessé.

-Pardon ? s'indigna le loup, qui n'appréciait pas la tournure que venait de prendre la conversation.

Sans lui prêter attention, le renard reprit :

-Il faut que nous fassions croire au lion qu'une bête épouvantable, assez forte pour blesser mortellement un loup adulte, rôde dans les bois. Il se tourna vers le loup, qui était à présent très inquiet. Ne t'en fais pas. Il y a un arbre près d'ici dont la sève est rouge sang. Tu n'auras qu'à te rouler dedans, tu paraitras ainsi gravement blessé. Rassuré, le loup acquiesça. 

- Mais, intervint un blaireau, sceptique, le lion ne se laissera pas tromper par de la sève rouge, il faudra bien plus que cela pour l'effrayer ! 

- J'y viens, justement. L'un de nous devra aller chercher le lion et lui expliquer la situation, en exagérant les détails terrifiants. Lorsque le lion arrivera, il verra le loup, qui feindra d'être inconscient. Et ensuite, il tombera sur... une trace de la bête !!! C'est là que vous allez m'aider, pour la partie la plus importante de mon plan ! » Il sauta de son perchoir et enfonça profondément l'une de ses pattes dans la boue. « A l'aide de toutes nos traces de pattes, nous allons former la plus monstrueuse des empreintes !!! Alors, qui est avec moi ? 

-Moi !

-Moi !

- ON EST TOUS AVEC TOI !!! »

Toutes les voix des animaux présents acclamèrent bientôt le renard. Celui-ci leva son museau roux, profitant de son moment de gloire. « Merci à tous. Maintenant, au travail ! Occupons-nous d'abord de l'empreinte, ensuite je montrerai l'arbre au loup et... Lynx ! Voudrais-tu bien aller chercher le lion, pendant que nous arrangerons les derniers détails ? » Le prédateur hocha la tête. Puis tous se rassemblèrent pour commencer l'empreinte. Lorsque ce fut fini, les animaux légers, qui ne laissaient pas de trace sur la terre effacèrent les empreintes laissées en dehors de celle de la bête. Ils firent cela si bien que l'on aurait vraiment dit qu'un animal terrifiant et gigantesque avait déambulé dans la forêt. Pendant que les animaux admiraient leur trace, le lynx courut chercher le lion et le renard conduit le loup vers l'arbre à la sève écarlate. Les autres se cachèrent dans les buissons. Le renard revint avec le loup et lui conseilla de s'allonger non loin de la trace. L'illusion était parfaite. Pendant ce temps, le lynx venait de trouver le lion. Il s'inclina devant lui. Il avait pris soin d'ébouriffer sa fourrure et d'avoir l'air épouvanté.

« Votre Majesté ! S'écria-t-il. C'est terrible !

-Qu'y a-t-il ? grogna le lion en baillant. 

-Une horrible bête est arrivée par ici ! Gémit le lynx. 

Elle est énorme, elle a des crocs incroyablement longs, de grands yeux jaunes et cruels, une longue queue, et de gigantesques pattes munies de griffes acérées et mortelles ! Elle a assez de force pour tuer un loup !

A ces mots, le lion dressa les oreilles.

-Un loup, dis-tu ? 

-Oui ! Ce pauvre loup n'avait aucune chance ! Poursuivit le lynx en tremblant. Elle l'a tué d'un coup de patte ! Le lion se leva d'un bond, s'efforçant de ne pas montrer son effroi. Il secoua dédaigneusement sa crinière. 

-Je ne vais en faire qu'une bouchée ! Clama-t-il. Montre-moi où tu as vu cette chose. Dans la forêt, les animaux attendaient patiemment, bien camouflés, pendant que le renard leur répétait les dernières instructions. Enfin, le félin à la crinière d'or arriva, suivi du lynx. Le renard se coula dans les buissons. Lorsque le lion aperçut le loup, qui paraissait grièvement blessé, ses poils se hérissèrent d'horreur.

-Là ! S'exclama le lynx en montrant la trace. En la voyant, le lion pâlit sous sa fourrure. Il fut encore plus terrifié lorsque le lynx chuchota :

-Je me demande si cette bête envisage de devenir reine. Pour cela, il suffirait qu'elle vous chasse, ou vous tue... C'est alors que tous les animaux cachés dans les fourrés se mirent à taper des pattes en rythme, donnant l'impression qu'un énorme animal avançait vers le lion. N'y tenant plus, le lion poussa un grand cri de terreur et s'enfuit à toutes pattes. Pour leur plus grand bonheur, les animaux ne revirent plus jamais la moindre trace de lui.