La voiture se gare dans la cour de graviers. Une immense bâtisse à la façade en pierre ancienne recouverte de lierre se dresse devant moi. Je suis impressionnée, et je n'ai soudainement plus envie de rencontrer mon père. J'ai envie de retourner dans la voiture et partir loin d'ici pour continuer ma vie comme avant malgré mes questions. Pourtant, la curiosité est plus forte, puisque je m'avance vers la porte. Je sonne, et j'attends suffisamment longtemps pour penser qu'il n'y a personne. Alors que je m'apprête à faire demi-tour, la porte s'ouvre. Un homme se tient dans l'embrasure. Il est grand, et je retrouve quelques-uns de mes traits – mêmes yeux bleus, mêmes cheveux roux, même nez fin. Il me fait signe d'entrer sans un mot et me conduit dans un salon. Il est lumineux, même sous la lumière déclinante du crépuscule.
« Je m'appelle Julien », dit-il d'une voix grave.
Je n'ajoute rien et un silence pesant s'installe. Je laisse mon regard se promener sur les murs, lorsqu'un détail attire mon attention. Une empreinte de doigt à la peinture bleue sur l'une des vitres. Un doigt d'enfant.
« C'est à qui ? je demande
- Ce serait trop dur et trop long à expliquer.
- J'ai tout mon temps.
- Très bien. Cette empreinte t'appartient.
- Impossible. J'ai emménagé avec maman juste après l'accouchement. Je ne suis jamais venue ici.
- Si. Le temps que ta mère trouve un logement, tu as vécu ici. Cette empreinte en est la preuve. Ça m'a toujours permis de me rappeler que tu avais vraiment existé, et que tu existes toujours. Pour moi, c'est ta Trace. »