La témoignage de la femme de Lune, fille du Soleil

Ça a duré une bonne minute. Une vraie minute. Une éternité. Au départ, tout était paisible, bien que noir. Comme tout être, je peux voir et entendre, bientôt toucher les cœurs et les choses. Si chaude, mère Soleil m'attire à elle. On ne peut savoir à l'avance quel sera notre dessein, mais chacun le souhaite au moins nuageux, sans trop de pluie ni brouillard. Il sera ce qu'il est mais il sera. Le cri de l'amour retenti, il peut s'appeler la vie. Dans la pénombre, le rêve était permis. Tantôt triste, tantôt enjouée, c'est ainsi que je suis née. Tel l'astre visible du soir, ciel de sombre clarté, fille du Soleil mais femme de Lune.
Le Soleil aime à créer ses rayons de guerre, l'astre lunaire préfère rêver et suivre ses phases. Les ras de marées démontrent ma présence mais je suis en droit de me demander qui est cet être à l'allure puissante mais impassible. Bien que discrète, les éléments se déchainent face à cette femme lunaire. "Pour un avenir radieux, ne devrais-t-elle pas se taire et suivre le mouvement ?" pouvait-on entendre. La mère Soleil me tendrait bien les bras mais elle brûle. Seule, la Lune se rattacherait bien à un univers, cependant la Terre est son unique encrage ; c'est l'astre de chaleur qui y domine. Froid, l'astre lunaire est destiné à obéir pour l'harmonie. « Tout comme la Lune, tu parais entourée mais tu es seule, tu es différente, bizarre, ce monde n'est pas le tient. » : ces mots résonnent dans ma tête.
 
L'identité, de sa simple complexité me ramène à ce que je connais, l'origine. Mais qui suis-je réellement ? Le Soleil est bien loin de me réchauffer, pourtant il est si proche. Il est la seule étoile que je connaisse, toutes finissent englouties dans les méandres de ma vie tourmente. L'astre le plus brillant ne pourrait supporter ce qui saurait être clinquant. Les fissures de mon âme témoignent de mes souffrances ; néanmoins si petite, je dois accepter mon sort en silence. La pluie ne peut exister, autrement gare aux tempêtes ; voilà pourquoi il ne pleut pas ici mais on ne voit que des éclaircies. Feindre les émotions positives, ça je sais faire. Le vide dans lequel je nage m'interdit d'être entendue ; il ne me reste plus qu'à me taire. Seul le dénommé Apollon a droit de parole et de regard. Je devrais pouvoir le faire, cela m'a été promis dès la genèse, et pourtant. Retenue par une planète solaire, explorer l'Univers se révèle impossible, toucher les étoiles, impossible. Ne rêve pas trop, il faut se résigner à toucher la Terre. L'orage fait partie du paysage, je le vois chaque jour traverser les étapes de ma vie. Ayant pour seule action l'absence de parole, celle-ci traduit la détresse du for intérieur. C'est un peu la fête dans mon ciel, les nuages ne sont que de passage mais d'autres reviendront me tenir compagnie. Les rayons de ma mère Soleil souhaiteraient me voir fondre ; ils devraient savoir que je ne suis pas que de glace.
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