Ça a duré une bonne minute. Une vraie minute. Une éternité. Et même si l'éternité en vrai c'est long, je l'assimile ici à la trentaine de minutes que j'ai fait à fixer l'horloge murale, seule dans cette pièce qui m'est peu familière. Ok, de base s'était censé être un truc d'exceptionnel entre ami.e.s, un vrai bonheur l'instant d'une soirée histoire de décompresser un peu. Mais ce n'est pas particulièrement ce qui se passe à la dite soirée qui m'intéresse ce soir. Ce qui m'intéresse depuis tout ce temps c'est ma fameuse horloge, ou plutôt ses aiguilles que je surveille presque comme pour verifier qu'ils fonctionnent correctement.Depuis le début de la soirée je fuis toute civilisation, donc mes amies en tant que des fêtards invétérés et ayant des titres à defendre m'ont fuit eux aussi à leur tour et assez tôt. Je suis donc seule, toute seule encore une fois. Là, face à moi même, j'ai tout le temps pour réfléchir, tout le temps pour ressasser des souvenirs qui ne m'aideront pas. Vous savez il y'a un proverbe qui dit "un.e de perdu.e dix de retrouvé.e.s" et un autre dit même qu'il faille combattre le feu par le feu, de belles conneries je dois dire. Déjà trois mois que mon spleen je le vis en grand, trois mois que je ne me suis pas résolue à passer à autre chose, trois longs mois que je vis dans l'ombre de quelqu'un qui m'a quitté. Et ce vide, ce vide, ce vide qui ne le ramènera pas.Deux heures que ça dure, deux heures que je suis un trou noir à émotions et deux heures que je n'ai plus aucunes nouvelles de mes ami.e.s. Il vient tout juste d'être pas d'heures et je dois me faire une raison. Mes copains, les connaissant sont déjà tous bourrés à cette heure et je ne peux me résoudre à rentrer seule dans la nuit noire. La seule solution serait donc de mieux faire passer le temps. Je me resouds alors à mieux faire passer le temps de cette soirée qui se voulait être salvatrice de base.Je quitte enfin mon réfuge, tel.le un.e survivant.e après une catastrophe naturelle, je suis à la recherche de vies ou plutôt de civilisations humaines. Et ce long couloir qui ne semble avoir de fin et que j'erre depuis peu m'en a déjà servi de toutes les couleurs. Outre les gens qui se shootent avec ce qui doit être de la vodka, les moins résistants ont déjà lâché les armes. Plus j'avance et plus je me dis que l'heure n'est plus aux débats glorieux et remplis de sens car il n'y a plus personnes de lucides à des kilomètres à la ronde. La seule solution serait donc de me mettre au même niveau que mes confrères. Et même si je supporte très mal l'alcool, parceque de mauvaises décisions font de bonnes histoires, je suis à mon troisième verre.Je me réveille enfin après ce qui a dû être une sieste avec cet horrible mal de crâne. L'objectif atteint car je ne sais comment mais je me retrouve au salon, le fief même de la fête avec un groupe de quatre qui planent sûrement autant que moi à ce moment précis. Et ce type depuis un long mais très long moment, qui nous raconte sa vie, c'est fou comme il ne semble ne savoir écouter que lui. Je ne peux qu'être dépitée, j'ai l'impression d'avoir esquiver une marre d'eau pour mieux entrer dans un torrent, tout compte fait je n'etais pas si mal là haut. Je suis là, au bord du gouffre, ne sachant plus où me mettre et à deux doigts de fondre en larmes quand nos regards se croisent enfin.Il semble avoir l'air amusé cet inconnu que je veux connaître, ce qui est d'ailleurs normal vu la tête que je dois faire. Dans son pantalon noir, il m'a l'air sûr de lui et pas si bourré que ça, ce qui est en soi un compliment je dois dire. Je le regarde depuis une bonne minute, une vraie minute, une éternité et ce n'est pas pour me déplaire. En fait, peu à peu dans cette mini peuplade je ne vois plus que lui. Et cette fête partie du mauvais pied commence alors à remonter dans mon estime au fur et à mesure. Sauf qu'il est lui aussi pris au piège par un groupe de personnes et s'est donc contenté de me sourire poliment et puis plus rien. Et tous ces gens que je n'aime définitivement pas qui s'enfoncent plus.Son air gêné me fait sortir de ma rêverie, en effet ça fait un bout de temps que je le fixe sans aucunes raisons. Il se rapproche alors de moi en me fixant du regard, puis semble s'immobiliser à mi-chemin, je suis trop loin de lui pour le dire réellement si oui ou non. Je perds donc patience et commence moi aussi à avancer, puis avant que je n'atteigne son niveau, il se retourne et fait demi-tour. Je suis donc maintenant derrière lui à le suivre d'abord lentement. Ensuite, il accélère le pas et je commence à me demander si ce jeu en vaut vraiment la peine quand soudain il me fait signe de le suivre, ce que je fais. Je cours et je cours, de plus en plus. Plus j'ai l'impression de me rapprocher et plus il s'éloigne tel un mirage. Je recommence alors encore et encore ma course jusqu'à ce que finalement je finisse alors par ouvrir les yeux, car cette voix ne cesse de m'appeler.Il s'agit de ma meilleure amie qui semble inquiète. Sûrement parceque je suis couchée là, comme un cadavre depuis je ne combien de temps.Moi : Qu'est-ce qui s'est passé ?Elle : Je ne sais pas mais apparemment tu t'es évanouie vers une heure du matin.Moi : Alors en gros je me suis ramenée à une soirée, ai broyé du noir un long moment, ai bu deux trois verres, me suis ramassée par terre et ai fantasmé sur le fruit de mon imagination le reste du temps ?!Elle : Bien résumé ma pauvre(rire).Moi : Et bien ! L'amour vaincra sûrement une prochaine fois.Elle : La dignité aussi (rire). Les autres nous rejoignent enfin. Moi : Malgré tout, cette soirée m'a fait un bien fou. Elle : C'etait bien l'effet escompté.Ami : Quelqu'un m'explique ?Elle : Non (rire)Moi : En tout cas, merci à vous d'avoir été là pour moi pendant tout ce temps, sauf ce soir(rire).Nous eclatons alors tous.tes dans un fou rire à l'unisson.Ami : Allez rentrons maintenant !