Toute histoire commence un jour, quelque part. Une histoire parsemée de mystères qui nous glace le dos et se passe le jour, la nuit ou à un moment totalement inconnu. L’on m’avait beaucoup parlé de ces personnes qui reviennent après leur mort pour hanter les vies, mais je ne l’aurais jamais cru. Ce jour-là, à Kolikoro, le soleil venait de se lever. Les femmes étaient occupées par les corvées. Les enfants criaient et couraient partout. Mon père était assis un journal à la main. Il écoutait en même temps une radio qui ne cessait de donner des infos inutiles. Et moi, je n’arrivais pas à faire grand-chose. Je pris un bouquin et je me dirigeai vers l’arrière de la maison. A ma grande surprise, j’ai vu une personne de blanc vêtue que je ne connaissais pas se lever. Un foulard blanc sur sa tête, une canne à la main, un grand boubou blanc trainant par terre. Je la dévisageai. Sa présence me donnait des frissons. J’avais peur. J’essayai de courir. Mes pieds devinrent lourds. C’est comme si une force me retenait. J’avais envie de crier. Je n’y arrivais pas : j’avais perdu ma voix.
Soudain, tout devint sombre. J’étais en face de cette étrange personne. Je voyais un halo de lumière autour d’elle qui apparaissait et disparaissait. Je ne voyais pas son visage. Elle était là et ne bougeait pas. Dix minutes ou plus s’écoulèrent. Je ne sais plus combien de temps. Comme par miracle, je me retrouvai à la maison, arrêtée en face de mon père et essoufflée. Le soleil brillait. J’informai aussitôt mon père. Il accourut. Je le suivis. La personne de blanc vêtue était là où je l’avais laissée. Il faisait toujours sombre de ce côté. Mon père s’écria et aussitôt les femmes abandonnèrent leurs corvées et accoururent. Le cri de mon père était comme un battement de tam-tam, une alarme qui avertissait les Kolikorokas d’un danger.
Tout le monde était stupéfait et chuchotait. La personne de blanc vêtue était morte deux semaines plutôt mais je ne le savais pas. C’était une mort mystérieuse qui avait rendu les habitants de Kolikoro silencieux. On ne parlait de sa mort dans aucune concession. Selon les dires, la personne de blanc vêtue était devenue riche d’un coup et juste après la disparition de l’un de ses fils qui était le plus brillant et qu’elle aimait beaucoup. De son vivant, elle ne portait que du blanc, on appelait sa maison : la maison blanche et elle roulait dans une voiture blanche. Les jeudis, elle restait enfermée dans une chambre qui était tout le temps fermée et ne s’ouvrait que les jeudis pour se refermer dernière elle. Après on n’entendait que des conversations dont on ne comprenait rien. Un manguier se trouvait à l’arrière de cette chambre. Chaque jour, à 13heures, une flamme coulait en gouttes entre les feuilles et ne parvenait pas au sol. Les fruits mûrissaient chaque mois et donnaient envie de les savourer. Mais quand on les cueillait pour les manger, ils ne contenaient que des vers blancs. La personne de blanc vêtue était quand même généreuse, tous ceux qui venaient chez elle repartaient avec un grand bol plein de denrées alimentaires et cela était possible tous les jours. Elle était morte un jeudi dans sa chambre mystérieuse.
Mais ce jour-là, elle était là en chair et en os. Aucune marque de décomposition sur son corps. Elle était comme nous et parmi nous. La tombe n’était-elle pas assez profonde ? N’était-elle pas morte ? C’était une revenante ! Quelle abomination !
La personne de blanc vêtue s’approcha de nous. Elle tendit la main à mon père en signe de salutation. Mon père avala sa salive et tendit la sienne. Ils échangèrent les salutations d’usage. La personne de blanc vêtue entra dans la maison. Elle s’assit au salon. Elle regarda autour d’elle et sourit. Je sentis un frisson traverser mon dos. Mes jambes tremblaient.
La nouvelle pris de l’ampleur. Tout le quartier arriva sur place. Une éclipse se produisit. Nous étions dans l’obscurité totale. C’est une abomination ! Mon père dit tout bas aux jeunes : « Allez refaire sa tombe et cette fois faites en sorte qu’elle soit plus profonde ». Quinze minutes après, tout était prêt. Mon père dit à la revenante: « tout le quartier est venu t’accueillir. Nous sommes contents de ta visite. Nous avons passé un moment agréable avec toi. Maintenant, tu veux bien retourner chez les tiens ». La revenante acquiesça de la tête et dit : « je ressens la même chose. Merci pour l’accueil ». Elle se leva et sortit. J’étais soulagée. Les discussions continuèrent. Tout ce que j’entendais c’était : Quelle abomination !
Aussitôt partie, aussitôt revenue. La revenante. C’est là que je constatai que c’était une femme à l’allure d’antilope. Son teint foncé se voyait bien sous ses habits blancs. Cette fois, elle n’avait pas de canne. Pourquoi était-elle revenue ?
Le regroupement recommença. Les sages arrivèrent. Moi, je n’entendais plus ce qui se disait. La revenante alla de porte en porte. Après avoir fait le tour du quartier, elle revint chez nous. Je me cachai dernière le canapé. Ma mère m’appela. Elle me parla. Je n’entendais pas. Elle me tira par la main et me fit signe de saluer la revenante. Je récitai un court verset sur ma main gauche. Je la lui tendis. Elle indexa ma main droite. Je tendis ma main droite moite et tremblante à tel point qu’il était difficile de serrer la sienne. Nos mains se croisèrent quand même et je ne sais comment. La sienne était dure. Les morts ont-ils les mains dures ?
D’un coup, je me retrouvai assise dans mon lit. La sueur dégoulinait de mon corps. Je tremblais comme une feuille morte. L’alarme sonna, il était 7 heures et 30 minutes. J’avais un entretien d’embauche. Je me précipitai dans la salle de bain et ressortit vite, très vite. À l’arrêt des taxis, une vingtaine de personnes attendaient. On était lundi. Je hélais différents taxis qui passaient. Aucun ne s’arrêtait. Ils passaient et repassaient. J’entendais : déplacement. Quels connards ! Me dis-je, ils n’ont pas pitié de nous pauvres gens qui souffrons. Le soleil chauffait nos têtes. Moi, je désespérais. J’avais peur d’arriver en retard. J’avais déposé tellement de dossiers et fait tant d’interviews. Ça durait depuis 5 ans maintenant. J’avais l’impression que j’aurais ce travail. J’avais toutes les chances de mon côté. Mais je me trouvais coincée à la plaque. Il était 11 heures. Dans 30 mn, ce serait l’heure. Je continuai de héler les voitures sans succès. J’étais nerveuse. Une moto s’arrêta et me dit : taxi. Je demandai le prix. Cinquante mille ! me dit le conducteur. J’ai trente mille, dis-je. Le prix ne l’arrangeait pas. Il partit. Un autre conducteur de moto arriva. On négocia. Il allait m’emmener jusqu’à un niveau et j’allais continuer en voiture. On bougea.
Il gara devant un bâtiment somptueux dont la façade était sculptée en pierre noire. Un homme au regard sombre servait de gardien. Sans parler, il pointa son doigt sur une allée. Je pris ce long couloir dont je ne voyais pas le bout. A chaque fois que j’avançais, une flèche indiquait le chemin qui semblait être un labyrinthe. Une femme en costume m’attendait. Elle me fit entrer. C’était mon premier jour au boulot. Pas d’entretien d’embauche. Ce fut juste quelques minutes d’échanges dont je ne me rappelle plus. Tout se passa comme sur des roulettes. J’étais enthousiaste. On me présenta au personnel. Ils avaient des regards bizarres comme si un fantôme était passé par là.
On me montra mon bureau. Je m’installai. Je ne savais pas par où commencer. Il y avait des tonnes de paperasses. Mon nouveau bureau était triste comme si quelqu’un lui manquait. Peu importe ! Je commençai à le ranger à mon goût. Je rangeai les paperasses en suspens d’un côté. Je m’attendais à une passation de service mais personne n’arrivait. Les heures passaient sur la pendule. 13 heures. 15 heures. La pendule, la pauvre n’était qu’une marionnette qui agissait en faveur de son maitre ! Et moi, je la suivais de près.
Je reçus un appel. On m’invitait à une réunion. En entrant dans la salle de réunion, j’aperçus une photo suspendue. Je la regardai. Je la regardai, encore et encore. La femme sur la photo ressemblait à une personne que j’avais déjà vue quelque part. Mais je ne savais où. Je lis : Tu es la meilleure employée qu’on n’ait jamais eue. Repose en paix, Pauline Camara ! Je réfléchis. Je me questionnai. Je m’assis. La réunion commença. On observa une minute de silence à la mémoire de la défunte.
On m’annonça que c’est elle qui était au poste que j’occupais maintenant. Je compris pourquoi le bureau était triste. Je compris les regards des employés. Je contemplai la photo à nouveau. Ce teint foncé, cet ensemble blanc qu’elle portait me rappelait quelqu’un. Je retournai à mon bureau. Je fis des va-et-vient. Je ne parvenais pas à me rappeler la personne. Comme un déclic, je me rappelai la revenante. Était-elle Pauline ? Ce que je savais, c’est qu’elle lui ressemblait tellement. Pourquoi était-elle chez nous?
Soudain, je ressentis une présence. L’horloge balançait. Je vis une ombre se mouvoir sur le mur. Mon sang se glaça dans mes veines. Mes cheveux se hérissèrent. J’avalai ma salive. Une fois, deux fois. Je m’assis. Ce bureau m’appartient à présent, lui dis-je. Si tu as quelque chose à me dire, vas-y.
Soudain, tout devint sombre. J’étais en face de cette étrange personne. Je voyais un halo de lumière autour d’elle qui apparaissait et disparaissait. Je ne voyais pas son visage. Elle était là et ne bougeait pas. Dix minutes ou plus s’écoulèrent. Je ne sais plus combien de temps. Comme par miracle, je me retrouvai à la maison, arrêtée en face de mon père et essoufflée. Le soleil brillait. J’informai aussitôt mon père. Il accourut. Je le suivis. La personne de blanc vêtue était là où je l’avais laissée. Il faisait toujours sombre de ce côté. Mon père s’écria et aussitôt les femmes abandonnèrent leurs corvées et accoururent. Le cri de mon père était comme un battement de tam-tam, une alarme qui avertissait les Kolikorokas d’un danger.
Tout le monde était stupéfait et chuchotait. La personne de blanc vêtue était morte deux semaines plutôt mais je ne le savais pas. C’était une mort mystérieuse qui avait rendu les habitants de Kolikoro silencieux. On ne parlait de sa mort dans aucune concession. Selon les dires, la personne de blanc vêtue était devenue riche d’un coup et juste après la disparition de l’un de ses fils qui était le plus brillant et qu’elle aimait beaucoup. De son vivant, elle ne portait que du blanc, on appelait sa maison : la maison blanche et elle roulait dans une voiture blanche. Les jeudis, elle restait enfermée dans une chambre qui était tout le temps fermée et ne s’ouvrait que les jeudis pour se refermer dernière elle. Après on n’entendait que des conversations dont on ne comprenait rien. Un manguier se trouvait à l’arrière de cette chambre. Chaque jour, à 13heures, une flamme coulait en gouttes entre les feuilles et ne parvenait pas au sol. Les fruits mûrissaient chaque mois et donnaient envie de les savourer. Mais quand on les cueillait pour les manger, ils ne contenaient que des vers blancs. La personne de blanc vêtue était quand même généreuse, tous ceux qui venaient chez elle repartaient avec un grand bol plein de denrées alimentaires et cela était possible tous les jours. Elle était morte un jeudi dans sa chambre mystérieuse.
Mais ce jour-là, elle était là en chair et en os. Aucune marque de décomposition sur son corps. Elle était comme nous et parmi nous. La tombe n’était-elle pas assez profonde ? N’était-elle pas morte ? C’était une revenante ! Quelle abomination !
La personne de blanc vêtue s’approcha de nous. Elle tendit la main à mon père en signe de salutation. Mon père avala sa salive et tendit la sienne. Ils échangèrent les salutations d’usage. La personne de blanc vêtue entra dans la maison. Elle s’assit au salon. Elle regarda autour d’elle et sourit. Je sentis un frisson traverser mon dos. Mes jambes tremblaient.
La nouvelle pris de l’ampleur. Tout le quartier arriva sur place. Une éclipse se produisit. Nous étions dans l’obscurité totale. C’est une abomination ! Mon père dit tout bas aux jeunes : « Allez refaire sa tombe et cette fois faites en sorte qu’elle soit plus profonde ». Quinze minutes après, tout était prêt. Mon père dit à la revenante: « tout le quartier est venu t’accueillir. Nous sommes contents de ta visite. Nous avons passé un moment agréable avec toi. Maintenant, tu veux bien retourner chez les tiens ». La revenante acquiesça de la tête et dit : « je ressens la même chose. Merci pour l’accueil ». Elle se leva et sortit. J’étais soulagée. Les discussions continuèrent. Tout ce que j’entendais c’était : Quelle abomination !
Aussitôt partie, aussitôt revenue. La revenante. C’est là que je constatai que c’était une femme à l’allure d’antilope. Son teint foncé se voyait bien sous ses habits blancs. Cette fois, elle n’avait pas de canne. Pourquoi était-elle revenue ?
Le regroupement recommença. Les sages arrivèrent. Moi, je n’entendais plus ce qui se disait. La revenante alla de porte en porte. Après avoir fait le tour du quartier, elle revint chez nous. Je me cachai dernière le canapé. Ma mère m’appela. Elle me parla. Je n’entendais pas. Elle me tira par la main et me fit signe de saluer la revenante. Je récitai un court verset sur ma main gauche. Je la lui tendis. Elle indexa ma main droite. Je tendis ma main droite moite et tremblante à tel point qu’il était difficile de serrer la sienne. Nos mains se croisèrent quand même et je ne sais comment. La sienne était dure. Les morts ont-ils les mains dures ?
D’un coup, je me retrouvai assise dans mon lit. La sueur dégoulinait de mon corps. Je tremblais comme une feuille morte. L’alarme sonna, il était 7 heures et 30 minutes. J’avais un entretien d’embauche. Je me précipitai dans la salle de bain et ressortit vite, très vite. À l’arrêt des taxis, une vingtaine de personnes attendaient. On était lundi. Je hélais différents taxis qui passaient. Aucun ne s’arrêtait. Ils passaient et repassaient. J’entendais : déplacement. Quels connards ! Me dis-je, ils n’ont pas pitié de nous pauvres gens qui souffrons. Le soleil chauffait nos têtes. Moi, je désespérais. J’avais peur d’arriver en retard. J’avais déposé tellement de dossiers et fait tant d’interviews. Ça durait depuis 5 ans maintenant. J’avais l’impression que j’aurais ce travail. J’avais toutes les chances de mon côté. Mais je me trouvais coincée à la plaque. Il était 11 heures. Dans 30 mn, ce serait l’heure. Je continuai de héler les voitures sans succès. J’étais nerveuse. Une moto s’arrêta et me dit : taxi. Je demandai le prix. Cinquante mille ! me dit le conducteur. J’ai trente mille, dis-je. Le prix ne l’arrangeait pas. Il partit. Un autre conducteur de moto arriva. On négocia. Il allait m’emmener jusqu’à un niveau et j’allais continuer en voiture. On bougea.
Il gara devant un bâtiment somptueux dont la façade était sculptée en pierre noire. Un homme au regard sombre servait de gardien. Sans parler, il pointa son doigt sur une allée. Je pris ce long couloir dont je ne voyais pas le bout. A chaque fois que j’avançais, une flèche indiquait le chemin qui semblait être un labyrinthe. Une femme en costume m’attendait. Elle me fit entrer. C’était mon premier jour au boulot. Pas d’entretien d’embauche. Ce fut juste quelques minutes d’échanges dont je ne me rappelle plus. Tout se passa comme sur des roulettes. J’étais enthousiaste. On me présenta au personnel. Ils avaient des regards bizarres comme si un fantôme était passé par là.
On me montra mon bureau. Je m’installai. Je ne savais pas par où commencer. Il y avait des tonnes de paperasses. Mon nouveau bureau était triste comme si quelqu’un lui manquait. Peu importe ! Je commençai à le ranger à mon goût. Je rangeai les paperasses en suspens d’un côté. Je m’attendais à une passation de service mais personne n’arrivait. Les heures passaient sur la pendule. 13 heures. 15 heures. La pendule, la pauvre n’était qu’une marionnette qui agissait en faveur de son maitre ! Et moi, je la suivais de près.
Je reçus un appel. On m’invitait à une réunion. En entrant dans la salle de réunion, j’aperçus une photo suspendue. Je la regardai. Je la regardai, encore et encore. La femme sur la photo ressemblait à une personne que j’avais déjà vue quelque part. Mais je ne savais où. Je lis : Tu es la meilleure employée qu’on n’ait jamais eue. Repose en paix, Pauline Camara ! Je réfléchis. Je me questionnai. Je m’assis. La réunion commença. On observa une minute de silence à la mémoire de la défunte.
On m’annonça que c’est elle qui était au poste que j’occupais maintenant. Je compris pourquoi le bureau était triste. Je compris les regards des employés. Je contemplai la photo à nouveau. Ce teint foncé, cet ensemble blanc qu’elle portait me rappelait quelqu’un. Je retournai à mon bureau. Je fis des va-et-vient. Je ne parvenais pas à me rappeler la personne. Comme un déclic, je me rappelai la revenante. Était-elle Pauline ? Ce que je savais, c’est qu’elle lui ressemblait tellement. Pourquoi était-elle chez nous?
Soudain, je ressentis une présence. L’horloge balançait. Je vis une ombre se mouvoir sur le mur. Mon sang se glaça dans mes veines. Mes cheveux se hérissèrent. J’avalai ma salive. Une fois, deux fois. Je m’assis. Ce bureau m’appartient à présent, lui dis-je. Si tu as quelque chose à me dire, vas-y.