La rébellion de l’asservie.

Maître ? vous plaisantez ? vous pouvez me cogner, comme l'ont fait tous les autres mais je ne vous appellerai pas maître. Ces mots dont je me souviens à peine nourrissaient la mélodie d'une âme meurtrie qui refuse soumission et obéissance.
Je venais d'ouvrir les yeux, les souvenirs s'envolaient des terriers incompris. Il fallait jouer le jeu me diront mes amis. Pour eux, ce malheur est salvateur. Mais moi je suis « Guelwar ». Dans mes veines coulent le sang des « Ceddo » du Cayor. Accepter l'humiliation c'est ruiner l'édifice moral de mes ancêtres et blasphémer le Dieu de mon peuple.
Nous étions sept soldats en mission dans la forêt sombre de la Casamance, dans le village « yama togne ». J'étais le plus jeune mais la rage nourrissait mes envies de guerre. Rien de plus honorable que de vendre les cris de sa naissance pour protéger un peuple, laissant derrière soi amour, amitiés ; et famille pour un retour incertain. Nous allions vers un homme rebelle ; le maître pour eux.
Notre cible est le maître et d'ailleurs le nom de notre mission. Le maître mort ou vif, la mission doit être accomplie.
Tuer des femmes et des enfants ne faisait pas partie du contrat mais la logique nous y oblige car c'est soit leurs vies soit les nôtres. A chacun sa sécurité dans ce champ de bataille. Soit c'est la victoire soit le retour déshonorant à la base. Je suis entré le premier dans le bunker. Le maître est là. Je ne peux pas l'approcher. Il menace de tuer l'enfant qu'il tient, Il sait notre compassion pour les enfants. Mais soldat que je suis, c'est la mission et l'ordre qui me gouverne. Tout à coup il lève le pieds et « boom ». Une explosion. C'est une mine. C'est fini pour lui. Je me suis réveillé à l'hôpital mobile du contingent.
Voilà ce que j'ai vécu. Alors de nous deux qui est le maitre ?
- certainement toi frère.
- tu sais Moustapha, les titres ne nous définissent pas, les hiérarchies ne nous gouvernent point, laissons nos egos de côté et vivons la modestie d'un citoyen modèle. Que je t'appelle maître ou esclave, peu importe. Ce qui compte le plus dans ce monde c'est la solidarité, l'entre aide, la bonne conduite et le vivre ensemble. Dieu reste et demeure l'unique maître.
Hier j'étais soldat. Aujourd'hui je suis civil, Qui serai-je demain ? La logique définit les hommes mais la bonne conduite dans la logique gouverne leur personnalité : soit modeste.
- leçons de vie que je n'oublie jamais. Mais dit moi qui sont les autres qui t'ont cogné ?
- Moustapha je ne réponds jamais à des questions piège. Bonne journée et à suivre.