La porte du cellier

Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Peut-être les deux.
Qu’importe, l’obscurité règne autour de toi et se glisse entre tes doigts tout en se propageant le long de ta peau. L’appel d’une voix inconnue se faufile dans le noir et te sauve des épines enfoncées dans ta chair si proche de tes os.
Tu as attendu ce moment bien trop longtemps ou peut être juste quelques minutes après tout, chaque moment se fond dans le moule de l’éternité à force de fixer cette noirceur sans fin.On t’a abandonnée sur cette chaise où tu as saigné jusqu'à adopter une nuance de pâleur.Tu croyais que quelqu’un viendrait à ta rescousse après avoir entendu tes cries internes qui n’arrivaient même pas au seuil de ta langue.L’espoir s’empila en vain.
L’echo de tes cries percutait le vide jusqu'à ne plus avoir de sens et se tut dans le lourd silence, l'attente était la seule option et l’attente fut une bonne solution, quoique l’angoisse grandissait chaque jour autant que les mauvaises herbes dans un jardin.Tes désires furent étranglés par l’incapacité de bouger et puis s’ensuit la résignation; tu ne pouvais rien faire d’autre que rester assise dans le noir d’une chambre aux dimensions inconnues. Tout ce que tu savais c'était cette douleur tranchante au niveau du derrière assis un peu trop longtemps sur une chaise au bois dur et ces épines qui n’arrangeaient pas les choses en s’enfonçant chaque jour plus en profondeur.
Le Temps n’etait plus un ami, cependant il n’etait pas non plus un ennemi. Non pas que ce soit le chat le plus poilu à fouetter; tout ce que tu voulais c’était te libérer de cette chaise, sortir de cette chambre, hors de cette agonie.Même les épines devinrent tendres une fois qu’elles frôlèrent la surface de ton âme, comme si elles ne voulaient pas la souiller, juste l’absorber. Pendant ce temps, les hurlements ne cessent pas dans ta tête, ou peut être sont-ils dans la chambre, mais tu ne peux rien voir.Même le scintillement d’une luciole aurait été avalé par cette obscurité, comme si elle possédait des crocs et des griffes acérées pour mieux déguster chaque lueur d’espoir.
A un certain moment, tu en oublie qui tu es. Peut-être pense-tu faire qu’un avec la chaise. Peut-être crois-tu faire qu’un avec l’obscurité, te nourrissant des pauvres lucioles. Cela expliquerait pourquoi tu es toujours en vie après ce qui semble être une éternité.
Durant ce semblant d’hibernation, une voix perce les épais rideaux de noirceur qui t’entourent. Une soudaine sensation de douleur se rue sur ton corps et tu regardes les épines comme si c’était votre première rencontre.D’où vient cet appel indéchiffrable? Il te donne une étrange force et une poussée d’adrenaline qui te fit momentanément oublier la douleur résonnant partout dans ton corps. Les battements de ton cœur prennent contrôle sur tes oreilles, rendant les cries inaudibles. Avec tout ces présents tu réussi à te libérer de cette chaise. A croire que tout tes remuements furent battus par un seul appel.Néanmoins, il faut tenter sa chance quand elle se présente. Sur ce, tu te précipites vers la porte, déjà ouverte. Effectivement, pendant tout ce temps, tu pouvais voir une porte ouverte en face de toi. Juste pour rajouter un peu de tourment a la sauce piquante. Comment pouvais-tu percevoir une porte ouverte dans une chambre plongée dans une monstrueuse obscurité ? D’une manière ou d’une autre, la porte était éclairée par une lumière pâle émanant du couloir, cependant, cette lumière ne dépassait pas le seuil ; aucune lumière ne trépassait; comme si elle avait peur d’être aspirée.
Une fois sortie de cette chambre de torture, tu cours le long du couloir, cherchant la voix qui t’a interpellée, comme si elle pouvait se transformer en une chose avec de long bras qui pourront te tirer hors de ce cauchemar.
Alors sortie du couloir, tu pouvais voir une salle de rituelles occultes, bondée de gens habillés en capes noires, aux visages couverts.Soit la lumière du couloir t’as un peu sonnée soit tu es bel et bien entrain de te donner en spectacle, ou peut-être qu’on te regarde comme l’étrangère que tu es. Qui sait ? leurs visages sont cachés ! Aucun moyen de déceler leurs expressions, ce qui rajoute une dose d’anxiété à toute cette situation. Tu essaies de te faire petite et de sortir calmement par une porte ou une fenêtre, tant qu’il y a une sortie, mais ces personnes ont d’autres plans; ils s’avancent lentement vers toi. Bien trop lentement, comme si, peu importe le temps que cela prendrait, ils te rattraperaient.Tu tentes de parler mais ta gorge se serre de manière à ce qu’aucun son ne sorte de ta bouche. Etant donné que les mots ne semblent pas être une arme utilisable, et que la langue des signes a l’air d’être dirigée vers des aveugles, tu opte pour la course poursuite. Ou plutôt, tes jambes prennent la décision à ta place. Si tu croyais que ces inconnus seraient ravis de ton geste si bien réfléchi, tu te trompes. Pas très loin derrière toi, une vague de personnes te suit comme une mer noire; plus vite tu cours, plus vite ils te poursuivent. La vague se déchaîne, jetant des mains comme une mousse de couleur sombre, essayant d'attraper un fil de tes cheveux. Ainsi vint le moment, non pas tant-attendu, où tes jambes décident de rendre l'âme, espérant pour ton esprit de se détacher de ton corps par miracle pour s'envoler vers une échappatoire encore plus miraculeuse. L'appel de cette voix inconnue résonne une fois de plus comme si elle possédait une conscience et que celle-ci la prévenait de ton désespoir. Tu saisis le son et regagne un peu de force pour avancer, les démons toujours à ta poursuite. Appelons-les ainsi; après tout, c'est le mot le plus représentatif pour des gens dont les chaussures n'émettent aucun bruit et seul un démon pourrait courir aussi vite avec de telles capes sur le dos.
Tu atteins enfin une porte, sauf qu'elle est fermée, tu tournes la poignée autant de fois qu'il n'en faut pour la casser. Ce bout de bois a l'air tellement fragile qu'un coups de pied pourrait le faire tomber cependant, il en a fallut plus qu'un pour faire tomber cette porte moisie. Et une fois le travail fait, les démons pouvaient aussi entrer. Espérons que cette porte mène vers l'extérieur. A ce stade, l'espoir n'a aucune résonance. Au lieu d'un beau jardin, ou une vue vers le monde extérieur, tu fais face a une chambre qui sent l'ancien, avec de grandes fenêtres couvertes d'immenses rideaux, et remplie d'objets de valeurs. Malheureusement, pas le temps de contempler; derrière toi, les capes noires approchent à grand pas du cadre de la porte. La vue de cette vague noire est suffisante pour te vider de toute ton énergie, une vive douleur se frotte a ton coeur. La sueur se mélange à tes larmes et le sang de tes blessures. Tu n'en peux plus, et au moment même où tu t'apprêtes a t'écrouler sur la jolie tapisserie, l'appel transperce tes tympans plus fort qu'avant, comme si cette voix était a proximité. tu détournes ton regard des démons, et regarde le miroir devant toi; son cadre doré est orné d'innombrables fleurs sculptées, ainsi que quelques plumes parsemées. Le cadre est d'une splendeur hypnotisante mais ta réflection sur le verre est d'autant plus intrigante qu'elle se saisi de ce dernier souffle que tu comptais laisser glisser sur le tapis. Elle te regarde avec un regard qui n'est pas le même que celui que tu projette. Comme si vous étiez deux personnes différentes, se regardant avec différents expressions faciales. La tienne, en sueur et choquée. La sienne, calme et posée, sans aucun signe de lutte contre un tas de capes noires courant à une vitesse surhumaine. Ton attention retombe sur la surface bien dure de la réalité quand tu remarque les démons sur le point de mettre la main sur ton visage. Alors que tu passes tes derniers instants a contempler en slow-motion les mains en mouvement, quelque chose, ou plutôt quelqu'un te tire.
Tu plonges dans le miroir, jetant un dernier coup d'œil vers les silhouettes qui se fondent dans la mousse noire.