La petite Géna.

Cet été 1970, l'école est finie depuis le 10 mai. Géna qui n'était pas en classe d'examen, est pressée de rentrer au village. Tout lui manque ! Surtout sa grand-mère qu'elle chérit tant. C'est elle qui l'a élevée car à l'âge de 7 ans, elle fut orpheline de ses parents.
Dès son arrivée au village, à deux heures de route de la capitale sénégalaise, elle enfile une tenue traditionnelle. Sans attendre, elle s'active aux travaux domestiques aidant sa tante - l'épouse de son oncle maternel - sans oublier l'entretien et les commissions de sa chère grand-mère.
A dix- sept ans, Géna est de taille moyenne. Son nez épaté et ses dents blanches font le charme de son sourire. D'une gentillesse exceptionnelle, elle arbore souvent son côté diablotin et une humeur papote. On ne s'ennuie jamais en sa compagnie.
Elle passe beaucoup de temps avec sa grand-mère. Ce jour d'arrivée au village, elle attend impatiemment le soir pour retrouver ses camarades. C'est pendant ces moments de retrouvailles que le programme des grandes vacances est ficelé.
Très entreprenante, Géna incite ses copines à commencer les travaux d'équipe, les autres les prendront en cours ultérieurement à leur arrivée. Sans tarder, elle déroule sa feuille de route quant au chronogramme des vacances tout en tenant compte des activités de la grande association du village qui regroupe tous les ressortissants.
Parmi les activités, on note :
     - le 15 août, préparatifs de la fête de l'Assomption,
     - les activités lucratives et ludiques,
     - les visites inter-villages suivies de bals.

   Pour ce 15 août, il s'agit de mener des activités lucratives en groupe et quiconque s'absente paiera une amande d'un montant fixé auparavant par les membres. Si la somme récoltée lors de ces prestations ne suffit pas pour la fête, une cotisation sera vite fixée.
D'autres activités lucratives comme la cueillette et la vente de produits préparés (beignets, raviolis) ou toutes autres activités génératrices d'argent sont aussi programmées. Pour les activités ludiques, c'est surtout le sport qui se tient chaque samedi après-midi car il y a les travaux domestiques quotidiens et les séances de danse folklorique organisées pour la recherche de fonds. Les visites inter- villages dépendront de la disponibilité des différentes actrices.
Mais cette année dès la fin des festivités, sa grand–mère décède. Tout un chapelet de difficultés se dessine alors devant elle. Contre vents et marées, elle s'accroche et suit son destin avec beaucoup de foi, de courage et d'abnégation sans comprendre les nombreuses défaites et déceptions. Une seule chose est sûre, croire en l'avenir et ne jamais baisser les bras.
Chaque vacance, au retour au bercail, la vie reprend son cours normal. Mais pour elle ce n'est plus pareil. Toujours active, avec sa tante elle part en brousse au chant du coq pour chercher du bois de chauffe, puise de l'eau au puits, cultive le riz, cherche du poisson frais en mer ou des moules... Elle vit ainsi toute sa jeunesse entre le village et la ville.
Souvent, elle s'isole dans un coin toute pensive et une multitude de questions se bouscule dans sa tête. Mais une nuit dans un rêve, elle entend une voix étrange méconnue mais familière lui dire de ne pas se laisser envahir par le malheur :
« Tu mérites mieux et tu peux bel et bien réussir.
- Qui êtes-vous ?
- Je suis de ta famille et je veille sur toi »

Etait-ce sa grand-mère ? Certainement.

                                                                                     ***

    Bien des années après, l'heure de la réussite a enfin sonné. Chef d'entreprise, elle gagne bien sa vie. Un jour, sa fille lui demande : Maman, comment as-tu fait pour réussir ?
Après moult explications, du haut de son balcon en face de la mer, elle se souvient de son parcours et explique à sa fille l'histoire de sa vie.