Toute histoire commence un jour, quelque part... souvent quand on s’y attend le moins, un événement, une rencontre, un milieu social vient subitement casser notre routine. Des passions refoulées en nous explosent aussitôt et l’on se découvre sous un nouveau jour. Alors survient des blessures, des déchirures, des angoisses, désillusions, dépressions et...la mort.
La vie a ceci de particulier qu’elle ne repose que sur un souffle. Ce souffle peut nous être retiré à tout moment par l’Etre suprême, le créateur de toutes choses, Dieu, Jésus pour les chrétiens. Je suis chrétienne, du moins je crois l’être. Le destin m’a malheureusement collé une identité d’assassin, de meurtrière. Je suis passée l’espace d’une nuit de femme vertueuse à femme de petite vertu. Je suis la tristement célèbre Chantal Manga.
Mon histoire est celle d’une femme, d’une épouse, d’une mère. Elle est l’histoire de mes sœurs africaines qui subissent diverses formes de vices dans leur foyer, mais qui sont réduites au silence au nom des mœurs ; elle est celle de toutes ces femmes chrétiennes qui sont réduites à l’avilissement et à l’asservissement au nom de la soumission. Selon qu’il est écrit : « femmes, soyez soumises à vos maris ». Elle est encore l’histoire de milliers de femmes dans le monde qui nonobstant le foisonnement d’ONG de défense de Droits de l’Homme continuent de se taire pour préserver un bonheur apparent, parfois au nom des enfants, pour leurs assurer une sécurité familiale. Mais aussi, souvent, il faut l’avouer, par masochisme, mésestimation, résignation, matérialisme, des motivations souvent inavouées, que seuls les esprits éclairés peuvent déceler dans les regards, ou juste à l’écoute.
En partageant mon histoire avec vous, nulle question pour moi de me lever comme une pasionaria. Je ne suis pas féministe, d’ailleurs je ne crois pas à cette idéologie. J’ai souvent trouvé ces femmes méchantes. Je déteste particulièrement leur condescendance envers les femmes au foyer. Considérant leur vie sexuelle comme ennuyeuse.Elles-mêmes entretenant des rapports peu orthodoxes avec le sexe. La plupart d’entre-elles étant connues comme bisexuelles.
A l’instar de Déborah dans la bible, je me lève comme une mère. Afin de faire retentir la sonnette d’alarme, pour que mon histoire serve de leçon sinon de bouclier à toutes celles qui traversent des épreuves dans leur foyer. Afin qu’elles apprennent « à quitter les choses avant que les choses ne les quittent ». La passivité et l’excès de tolérance étant deux attitudes nocives à la vie de couple.
Yaoundé, Cameroun, 02 mars 2015
Il était 22h30 min, doudou et moi étions enlacés sur l’immense sofa en cuir qui reposait au coin du living-Room. C’était était une nuit spéciale. Elle survenait après une longue période de « jachère » ou si vous voulez de « crise sexuelle » au sein de notre couple.Doudou m’avait pour ainsi dire carrément privé de sexe depuis un an. Coïncidant avec la naissance de notre troisième enfant, Gabriel. Il ne me touchait plus, découchait de plus en plus, et encore c’est un euphémisme. Il passait une nuit sur sept à la maison. Lorsque je lui faisais la remarque au départ, il prétextait le boulot, trop de fatigue. Par la suite il m’envoyait carrément balader, m’assimilant à un porc.
- Non mais regarde-toi madame, tu t’es métamorphosée. On dirait un porc ! et c’est vrai en plus, tu es omnivore. Tu passes ton temps à ingurgiter tout ce qui te passe sous le nez. Qu’attendais-tu après toute cette gloutonnerie ? me faire ravaler ta graisse ? désolée, je n’aime pas le porc, j’ai la « porc phobie », M’avait-il lancé un soir amer. Le lendemain matin je reçu une lettre de demande de divorce. Mes beaux-parents résidaient non loin de chez nous, au quartier Tsinga. Beau-papa était un ancien ministre de ce pays, aussi jouissait-il d’une retraite paisible et honorable. Il avait une très grande influence sur ses enfants. Aussi, ma première réaction fut d’aller vers lui. Il m’avait toujours soutenu, et disait à qui voulait l’entendre que j’étais la meilleure chose qui soit arrivée à son fils. Je lui fis part de l’attitude de Samuel et de sa décision de divorcer. Sur quoi il convoqua son fils le soir même pour une assise familiale. Toute ma belle-famille pris ma défense lors de cette assise. Beau-papa exigea même de Samuel qu’il me présenta des excuses publiquement. Au sortir de cette réunion, doudou ne m’adressa pas un mot durant tout le trajet, il avait la mine serré, je n’osai l’importuner.
- Tu penses que tu as gagné n’est-ce pas ? madame la femme vertueuse ? tu peux tromper tout le monde sauf moi. Non mais, quelle femme normale accepterait de vivre avec un homme qui n’a plus envie d’elle. C’est quoi ton problème ? je me serai plutôt attendu à ce que ce soit toi qui demanda le divorce. Mais non, madame est aux petits soins dans cette maison, elle a épousé un prince ! me lança-t-il tout de go lorsque nous franchirent le seuil de la maison. Tu sais quoi ? ajouta-t-il pensif. Je crois que tu ne m’as jamais aimé en fait, c’est le statut de ma famille qui t’intéresse. Sinon, tu te serais révoltée depuis. Toute femme amoureuse serait jalouse de savoir que son mari couche avec une autre femme. Mais non, pas madame Alléluia ! tout ce qui l’intéresse c’est ma famille et la bible. Sans doute pour te donner bonne conscience. Mais avec moi ça ne marchera pas. Puisque tu as décidé contre vent et marée de t’accrocher à ce folklore que tu appelles mariage, je vais te pourrir l’existence, tu n’auras que tes yeux pour pleurer. J’espère qu’enfin tu prendras toi-même la décision de me libérer. Sur ce il alla se coucher dans la chambre des filles en claquant la porte derrière lui. J’étais mortifiée ;j’avais pourtant essayé d’être une bonne amante et bonne ménagère pour lui, Samuel Manga, avocat au barreau.
Le temps a passé et Samuel me coupa les vivres. J’accusai le coup sans rechigner. J’avais au fil des mois ouvert mon propre atelier, où j’avais recruté une jeune-fille qui écoulait les nattes et rideaux que je confectionnais. Je n’étais plus une« consommatrice », mais une « femme capable ». Des copines qui venaient me rendre visite à la maison s’indignaient de ce que j’acceptais de continuer dans un mariage de façade où l’homme ne s’occupait plus ni de moi de mes enfants. En réalité, l’amour que je ressentais pour Samuel avait cédé la place à l’amertume. Je nourrissais de plus en plus de l’inimitié contre sa personne. J’avais des envies de vengeances.
J’avais commencé un régime et des séances de fitness à domicile. Un matin, en venant ranger un de ses dossiers, doudou me croisa dans le corridor qui menait à la chambre. Il semblait surpris, il me regardait et sembla fasciné. Il venait d’être nommé Ministre d’Etat la veille. J’avais reçu des coups de fil depuis le matin de félicitations. D’aucuns promettaient d’être là le soir pour soulever le champagne. Je l’avais moi-même appelé le matin mais il n’avait pas daigné décrocher. Je ne savais comment m’organiser le soir pour recevoir ses convives. Aussi j’étais soulagée de le voir à cet instant. J’étais d’autant plus soulagée qu’il semblait apprécier mon apparence. Je me disais que mes prières portaient du fruit et que les choses tourneraient en ma faveur.
- Bonjour doudou. Dis-je d’une petite voix. Mes félicitations son excellence... ajoutai-je avec une once d’ironie m’approchant de lui pour déposer un baiser sur ses lèvres. Il se laissa aller, et nous eûmes une longue et douce étreinte.
- Dis-moi que je t’ai manqué... lui murmurai-je tendrement à l’oreille. Et comme s’il se réveillait d’un profond sommeil, il me repoussa fermement et me fixa longuement dans les yeux. Un regard profond, mystérieux, désarmant.
- Ecoute Chantal, les invités seront là le soir. Je ne voulais pas t’accabler alors j’ai fait appel au service traiteur. Ils seront là aux environs de 18 heures. je compte sur toi pour les accueillir. Papa et toute ma famille seront là. Les médias seront aussi là pour prendre nos impressions et faire un reportage. Porte quelque chose de simple, mais de classe. Tu sembles avoir rajeunit, j’aime ça. Je n’ai pas suffisamment de temps. Je dépose ça à la chambre et je file. On se prend le soir. Dis-t-il en déposant un baiser sur mon front avant de tourner le dos.
Je me tins sur le balcon le regardant démarrer sa voiture en me posant mille questions. Comment pouvait-il être aussi sadique ? Il n’avait même pas pu me mentir que je lui avais manqué. Mes beaux-parents devant être là, je n’avais d’autre choix que de bien préparer ce moment. Aussi c’est avec grâce et majesté que nous reçûmes Samuel et moi nos convives le soir. Les journalistes me demandèrent mon impression suite à cette nomination. Avec la grandeur-d ‘âme qui me caractérise, je fis bonne figure. « Je suis très heureuse pour mon mari et je remercie le chef de l’Etat pour cette marque de confiance. J’ai toujours cru à mon époux et cette nomination ne me surprend qu’à moitié ». Répondis-je spontanément aux journalistes sous le regard figé de Samuel. Tout le monde était satisfait, et aux environs de 21 heures, chacun pris congé.
- Tu vas dormir sur le sofa je suppose ? Demandai-je. Il me saisit la main qu’il rapprocha de ses lèvres, il y déposa un tendre baiser sans cesser de me déshabiller du regard.
- On va au coin-câlin ? me demanda-t-il d’une voix suave.
- Tu ne cesseras jamais de m’étonner. Rétorquai-je interloquée
- Chouchou on ne va pas parler de choses sérieuses ce soir. Bébé, je suis désolé, aujourd’hui je me rends compte que j’ai épousé un ange. Sérieux Chantal, tu es un ange. Je ne te mérite pas, tu es un cadeau du ciel. Renchérit-il en voulant m’embrasser
- C’est trop facile...
- C’est toi la chrétienne, tu penses que c’est trop difficile à Dieu de t’exaucer ? ou tu ne priais pas pour notre couple ?
- Si, mais...
- Chut...dis-t-il en m’embarquant dans un baiser langoureux. Il me conduisit au sofa, et de là, la nuit s’annonça merveilleuse. Dans ses bras je retrouvais la vie, je me sentais femme, plus rien ne comptait à ce moment que de sentir sa peau sur la mienne. Ces moments m’avaient tellement manqués que je savourais celui-ci avec passion.
- Je t’aime. Chuchota-t-il à mon oreille. Je sentis à cet instant la chair de poule m’envahir, j’avais juste envie de déchirer ses vêtement, de crier de plaisir... quand soudain, un bruit vint rompre le charme.
- Levez-vous ! lança une voix d’homme derrière nous. Doudou se leva d’un bond, nerveux.
- Non, non. Ne faites pas ça. Lança subitement Samuel. Au son de sa voix et à son attitude, j’avais l’impression qu’il connaissait ces hommes. Ils étaient cinq. Deux se dirigèrent dans les chambres des enfants. Ils étaient tous masqués.
- Qu’ils ne fassent pas quoi ? rétorquai-je. Tu sais pourquoi ils sont là ? lui demandai-je écarlate.
- Silence madame! lança l’un d’entre eux fébrile. J’étais à peine couverte, je n’avais plus que ma petite culotte sur moi. Le monsieur, assez baraqué, me jeta à nouveau sur le sofa, baissa ma petite culotte et me sodomisa. Ils passèrent tous les trois à tour de rôle sur moi. ils me pénétrèrent dans tout ce qui pouvait constituer un trou sur mon corps, vagin, anus, oreille, bouche, d’aucuns essayèrent même les narines. Tout ce spectacle devant mon mari, qui les regardait impuissant et désemparé, ils le menaçaient avec l’arme. Lorsqu’ils eurent bouclé leur forfait, ils appelèrent leurs confrères dans la chambre des enfants et s’enfuirent au volant d’un véhicule. Me laissant sur le sol, pâle, remplit de sueur et de larmes, suffocante. Bizarre, mon mari restait là à me regarder au lieu d’appeler la police. Ils n’avaient rien pris dans la maison. ce n’était donc pas des voleurs. Ils étaient juste venus me déshonorer. Au bout de dix minutes, Samuel pris enfin le téléphone et fit mine d’appeler la police, il sortit appeler au balcon.
- « qu’est-ce qui s’est passé ? je t’ai pourtant dit d’annuler le coup ! oui, oui, ils étaient là. Diane... » sentant ma présence, il murmura deux ou trois mots avant de raccrocher.
- Tu causais avec qui ? demandai-je depuis le seuil du balcon. J’étais en tenue d’ève et j’avais cessé de pleurer. Mon regard était vide et je ne peux dire ce que je ressentais à ce moment. J’étais telle une morte vivante, perfide. .
- Chouchou... dis-t-il désemparé, gêné de ce que j’avais suivi sa conversation. Tu ne devrais pas te lever. Tu devrais rester coucher, j’ai fait appel aux ambulances.
- Ces ambulances s’appellent Diane j’imagine ? rétorquai-je ironique en me rapprochant de lui. La main derrière le dos.
- Tu tiens quoi là derrière ? Chantal tu me fais peur... recule s’il te plait. Dis-t-il effrayé en faisant la marche arrière
- Toi, le grand Samuel Manga, tu aurais peur d’une si douce et bonne femme comme moi ? je suis un ange doudou, tu le sais ! incapable de faire du mal à une mouche. Mais toi tu es un monstre, et tu sais comment les monstres finissent ? ajoutai-je comme en chantant.
- Je ne sais de quoi tu parles, éloignes- toi de moi. Dis-t-il froidement en me menaçant du regard
- J’aime voir ta véritable nature remonter ainsi à la surface, tu m’avais promis de me pourrir l’existence hein ? j’imagine que c’est avec cette Diane que t’a monté le coup de ce soir. Quoi ? je n’étais plus assez bien pour être la femme de monsieur le ministre ? j’ai entendu que tu passais tes nuits chez une métisse. C’est cette Diane certainement, une Jézabel.
- Attends, tu mélanges tout, je ne suis pas responsable de ce qui s’est passé...
- Trop tard, tu iras expliquer ça aux autres montres de ton espèce en enfer ! lançai-je enragé en le poignardant au ventre. Il retint mon bras avec force. Jeta le couteau par-dessus le balcon, me bouscula sur le passage en tentant de s’échapper. Mais je me saisie aussitôt du marteau sur la véranda et le frappai à la nuque. Il tomba et se mit à gémir. La moutarde me monta subitement au nez, tandis que je repensais à toutes les humiliations, les insultes, les mauvais traitements que Samuel m’avait infligés. Je le frappai de plus belle en criant de colère. Les enfants virent assister à cette scène affolés. La police aussi nous rejoignit sur le balcon. Je n’arrivais pas à m’arrêter de frapper sur lui, un agent de police vint doucement retirer le marteau entre mes mains. Tandis qu’un autre ramassa une nappe de table pour cacher ma nudité. Ils se mirent à échanger entre eux en inspectant le corps qui jonchait sur le sol. Ils me posèrent des questions mais j’arrivais à peine à discerner leurs mots. J’avais la tête tellement dans les vapes que ça me donnait le vertige. Je voulais tant que Morphée vienne me prendre dans ses bras. Ce qu’il fit violemment. Je ne me réveillai qu’au petit matin, sous perfusion dans une cellule, avec un lot de journaux à mon chevet. Leurs titres étaient aussi hilarants que désolants : « Armée d’une hache, Mme Chantal Manga abat le ministre » ; « le ministre Samuel Manga égorgé comme un chien par sa femme » ; « Quand une femme décide de briser la carrière de son mari par un coup de marteau ».