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Si on m'avait dit qu'un jour j'aurais la nostalgie de l'esthéticienne, qu'à certaines périodes du mois je ne mettrais plus de sucre dans mon café, que je serais angoissée à l'idée de monter sur la balance pour voir que j'avais encore perdu du poids...
Si on m'avait dit qu'on casserait quotidiennement ma séquence ADN, mais que cela ne m'empêcherait pas de faire du sport à haute dose.
Si on m'avait dit qu'une vendeuse blonde, maquillée comme une bimbo, me redessinerait patiemment les sourcils, avec une humanité et une élégance rares.
Si on m'avait dit qu'après avoir vu un documentaire sur Arte, je prendrais un malin plaisir à priver de glucose les cellules ennemies.
Si on m'avait dit que mes proches fondraient sur moi comme un seul homme, qu'ils élèveraient leur affection résolue comme un rempart entre moi et ma solitude. Que les messages ne cesseraient d'affluer et que mon budget resto exploserait.
Si on m'avait dit qu'un dimanche matin comme un autre, je devrais rebrousser chemin avant d'arriver à mon bar attitré parce que mes jambes ne me porteraient plus. Que malgré mon « gros mental », je serais incapable de prendre l'avion pour Vienne ; mais que ce serait une petite victoire d'entendre, plutôt deux fois qu'une, que les fachos ne passeraient pas.
Si on m'avait dit que ma mère mettrait sa vie entre parenthèses pendant de longs mois. Et que mon plus grand réconfort serait de me blottir à nouveau dans ses bras.
Si on m'avait dit que je pourrais éprouver du soulagement à acheter une perruque brésilienne à Barbès, que je me mettrais à courir dans les allées de Monoprix pour vérifier qu'elle ne tombait pas. Qu'une heure plus tard, je siégerais au conseil de classe de mon fils comme si de rien n'était.
Si on m'avait dit qu'un soir, avec le père de mes enfants, on s'assiérait sur une banquette de restaurant et qu'on se dirait : « On le garde ? on le garde pas ? » Mais qu'au lieu de parler d'un bébé, on parlerait de mon sein droit.
Si on m'avait dit que mon oncologue me reprocherait de vouloir vivre « normalement », que mon chirurgien se tromperait de compte-rendu et m'annoncerait que j'avais encore un cancer. Mais aussi que je garderais la capacité à m'émerveiller devant tous ces équipements médicaux, et que je saurais toujours gré aux deux spécialistes en blouse blanche d'être arrivés à faire coulisser un fil de fer dans ma poitrine sans me faire perdre mon sourire.
Si on m'avait dit que je ne supporterais plus mes enfants, que je voudrais les expédier loin de moi, quitter même la maison, jusqu'à ce coup de fil de ma fille, un 14 juillet à 22h36, me disant qu'elle était planquée dans la cuisine d'un hôtel et que des gens s'étaient fait écraser par un camion.
Si on m'avait dit que vingt-trois ans après avoir failli m'embrasser dans le métro Cluny-La Sorbonne, mon mari s'enfermerait avec moi dans la salle de bain, avec les enfants pas loin, et qu'il me raserait la tête.
Si j'avais pu imaginer qu'on trouverait encore le moyen d'en rire.
Si on m'avait dit qu'on casserait quotidiennement ma séquence ADN, mais que cela ne m'empêcherait pas de faire du sport à haute dose.
Si on m'avait dit qu'une vendeuse blonde, maquillée comme une bimbo, me redessinerait patiemment les sourcils, avec une humanité et une élégance rares.
Si on m'avait dit qu'après avoir vu un documentaire sur Arte, je prendrais un malin plaisir à priver de glucose les cellules ennemies.
Si on m'avait dit que mes proches fondraient sur moi comme un seul homme, qu'ils élèveraient leur affection résolue comme un rempart entre moi et ma solitude. Que les messages ne cesseraient d'affluer et que mon budget resto exploserait.
Si on m'avait dit qu'un dimanche matin comme un autre, je devrais rebrousser chemin avant d'arriver à mon bar attitré parce que mes jambes ne me porteraient plus. Que malgré mon « gros mental », je serais incapable de prendre l'avion pour Vienne ; mais que ce serait une petite victoire d'entendre, plutôt deux fois qu'une, que les fachos ne passeraient pas.
Si on m'avait dit que ma mère mettrait sa vie entre parenthèses pendant de longs mois. Et que mon plus grand réconfort serait de me blottir à nouveau dans ses bras.
Si on m'avait dit que je pourrais éprouver du soulagement à acheter une perruque brésilienne à Barbès, que je me mettrais à courir dans les allées de Monoprix pour vérifier qu'elle ne tombait pas. Qu'une heure plus tard, je siégerais au conseil de classe de mon fils comme si de rien n'était.
Si on m'avait dit qu'un soir, avec le père de mes enfants, on s'assiérait sur une banquette de restaurant et qu'on se dirait : « On le garde ? on le garde pas ? » Mais qu'au lieu de parler d'un bébé, on parlerait de mon sein droit.
Si on m'avait dit que mon oncologue me reprocherait de vouloir vivre « normalement », que mon chirurgien se tromperait de compte-rendu et m'annoncerait que j'avais encore un cancer. Mais aussi que je garderais la capacité à m'émerveiller devant tous ces équipements médicaux, et que je saurais toujours gré aux deux spécialistes en blouse blanche d'être arrivés à faire coulisser un fil de fer dans ma poitrine sans me faire perdre mon sourire.
Si on m'avait dit que je ne supporterais plus mes enfants, que je voudrais les expédier loin de moi, quitter même la maison, jusqu'à ce coup de fil de ma fille, un 14 juillet à 22h36, me disant qu'elle était planquée dans la cuisine d'un hôtel et que des gens s'étaient fait écraser par un camion.
Si on m'avait dit que vingt-trois ans après avoir failli m'embrasser dans le métro Cluny-La Sorbonne, mon mari s'enfermerait avec moi dans la salle de bain, avec les enfants pas loin, et qu'il me raserait la tête.
Si j'avais pu imaginer qu'on trouverait encore le moyen d'en rire.
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