La non-violence

« Maître ? Vous plaisantez ? Vous pouvez me cogner, comme l'ont fait tous les autres mais je ne vous appellerai pas maître », martela nègès Toy'Art. Elle était originaire du Dahomey. Elle travaillait dans l'habitation du colon Dejoly, où vivait également son neveu.
Sa forte personnalité, qui la faisait commander cinquante hommes dans les travaux des champs comme « un général », la fit remarquer par les amis de Dejoly.
Toute sa vie, elle a conservé son humeur, sa douceur, sa charité active, sa force de volonté dans le bien et son élégante simplicité de mœurs. Armée toujours de bienveillance et de bon cœur, Toy'Art s'intéressa au sort des prisonniers. Après l'assassinat de son mari, sa vie se trouva bouleversée. Les détracteurs de son conjoint séquestrèrent tous ses biens, la laissant sans aucun moyen de subsistance.
Elle vécut une fin de vie très difficile, truffée d'humiliation et d'indignation. Tenant compte de ses problèmes financiers, elle décida d'aller vivre chez Dejoly pour fuir cette misère chronique et persistante.
« Ce n'est pas une supputation infondée et je ne ferai pas amende honorable. Ce n'est non plus un langage sous des apparats de violence avec toute la déférence que je vous dois. Et cela au nom de ma liberté d'expression, de conscience, et du respect des différences. Le respect se donne aux personnes qui le méritent et non à celles qui le demandent », continua-t-elle
« Le respect, j'adore ce mot ! Si on ouvre les portes du respect en respectant soi et autrui, ça nous permettra d'être respecté », retorqua Dejoly
- Je sais qu'il sera difficile de trouver les bases légales pardon vos bases légales, statutaires ou réglementaires d'une telle démarche dans les textes, parce que votre finalité est claire : D'une part, user de la brutalité, la force, et l'intimidation comme moyen pour affirmer ta suprématie sur un être inférieur. D'autre part, me contraindre à faire ce que mon libre arbitre ne m'incline à faire.
Permettez-moi de vous demander : Est-on vraiment dans vos cours que l'on nous avait contés et racontés dans nos écoles, la liberté, la fraternité et l'égalité pour tous ? »
Il est un principe élémentaire en droit qui dit que nul ne peut être tenu à apporter la preuve d'un fait négatif. Nous devons tous nous sentir concernés par toutes les discriminations et pas seulement celles qui nous touchent personnellement (...) La tournure dont vous voulez me cognez est d'autant plus inquiétante en ce qui concerne le respect des droits élémentaires qui sonne comme une sentence comminatoire sans jugement préalable.
En ne vous appelant pas maitre, je ne valide pas un comportement discriminatoire, le refus de l'autre.
Vous êtes-vous rendu compte que vous êtes en train de me stigmatiser
- De deux choses l'une : soit ces supputations sont infondées et je vous invite sans délai à vous exprimer afin de faire taire ces rumeurs. Soit ces rumeurs sont exactes. Dans ce cas, je vous demande de prendre conscience de la portée de votre geste et de la très grave erreur commise. »
- Votre attitude n'est pas une opinion mais un délit. Même si je m'attire des foudres en ne t'appelant pas maitre mais je préfère être taché de sueur de sang que de honte. Mes choix font ma fierté et mes ancêtres le font. Vous dites que vous luttez pour la liberté et vous piétinez les miennes. Vous usez de mon humanité. Vous rusez.
Je ne peux pas te donner tout ce que le monde renferme mais une chose que je peux te donner et cela pour toujours c'est tout mon respect jusqu'à mon dernier souffle. Je t'avais demandé une seule chose: Ne pas me faire souffrir.
Regarder l'autre non comme un ennemi c'est le respect, c'est découvrir des voies multiples. Accepter la différence, rejeter l'indifférence, c'est laisser du nouveau advenir. Accepter la pluralité, c'est trouver des chemins communs, éviter la destruction et préparer l'aube de demain
Ainsi se présente toute la problématique des libertés de nos jours, elles ne sont plus universelles : il y a celles que l'on promeut voire impose, même au forceps s'il le faut, d'autres pour lesquels on détourne la tête et qui ne bénéficieront jamais de l'aval de plus d'un.
Quand l'éthique se base sur l'hypothétique et le diktat, la liberté individuelle est en péril.