Nouvelles
4 min
Université Catholique de l'Afrique de l'Ouest
La mort d'une personne importante
« Ça a duré une bonne minute. Une vraie minute. Une éternité ». Et pourtant je suis toujours septique.
L'Afrique dans sa splendeur, sa beauté, sa chaleur, son hospitalité, a aussi cette parenthèse assassine et criminelle. J'étais revenu tout enthousiasmer du séminaire le dix-sept Avril deux mille vingt-deux, après avoir passé un trimestre mirobolant couronné par la célébration de la résurrection du Christ. Laquelle, pour la première fois, j'ai célébrée hors de mes mûrs. C'était aussi beau et époustouflant qu'il le fallait. Une fois chez les miens, tout le monde étaitjoyeux.Je passai mes jours dans une ambiance bénigne aussi bien à la paroisse qu'à la maison. Le trois Mai de cette année, bon gré mal gré, je pris la route pour rejoindre ma seconde demeure, je veux nommer le séminaire. A ma descente, au séminaire, j'eus le temps de papoter avec mes confrères après avoir pris le soin de ranger mes clics et mes clacs. Que c'est merveilleux de se raconter les meilleurs moments passés dans la chaleur familiale. A 18h tapantes, heure fétiche dans les séminaires, nous fîmes comme à l'accoutumée nos devoirs qui consistaient à arranger la maison. Clopin-clopant, l'année continua son cours normal jusqu'au 12 mai.
22h ! 22h sonnait ce douze mai lorsque la fâcheuse nouvelle tomba dans les oreilles comme un caillou violemment lancé dans un cours d'eau ; une étoile venait de s'éclipser. Une vie venait de s'éteindre. Oh, la mort ! Parfois, je me demande si Dieu n'oublie pas nos prières à certains moments cruciaux de notre existence. Certaines personnes dont un instant on ne put imaginer leur mort. Vraiment la mort !
Je ne pus retenir un instant mes larmes quand je me rappelle de cette dame. Celle-là qui a été plus qu'une mère pour moi depuis ma tendre enfance après que j'eusse perdu précocement grande sœur. Comme une brebis égarée, elle m'a accepté dans son ménage. Avec elle, j'ai parcouru des chemins épineux comme sinueux. Et voilà qu'elle est partie. Partie sans même prendre un paracétamol. Partie sans même dire aurevoir à ses enfants. Ô cieux, pourquoi ? Pourquoi elle ? Alors que d'autres souffrent et appellent le secours de la mort sans avoir l'heur de humer son odeur ? D'ailleurs ne dit-on pas que « les bonnes choses et les bonnes personnes ne durent pas ». C'est sur cet aphorisme que je faisais fi mon amertume.
Quelques semaines après, nous préparâmes les festivités d'inhumation du corps. Ce corps qui ne peut plus ouvrir la bouche pour dire quoique ce soit. Ah Dieu ! Déjà le mardi, avant son inhumation, les veillées nocturnes en sa faveur débutèrent. Des moments favorables pour chacun de témoigner ce qu'il a vécu de bien comme de mal avec la défunte. Surtout du bien. Et, même si éventuellement la défunte avait une dissension avec quelqu'un, ce dernier ne l'avoue pas. C'est en cela que je puis dire que la conception de la mort d'un africain est toute autre que celle d'un occidental. Pour un africain, le corps est sacré comme l'affirme d'ailleurs le docteur de la grâce : les corps eux-mêmes en aucun cas ne doivent être rejetés.
Après ces veillées successives, le lendemain, très tôt le matin, nous nous dirigeâmes à la morgue pour l'emmener dans sa dernière demeure. Une fois là-bas, nous éprouvâmes un peu de difficulté à reconnaître le corps parmi les mille et une qui y sont posés en raison de leur solidification. Une fois entrée en possession du corps, nous glissâmes quelques billets en signe de gratitude à ces hommes qui assurent le bien-être de la population sans le savoir. Derechef, des larmes torrentielles tombaient des paupières. Personne ne pouvait résister à ce silence macabre et lugubre qui planait dans ce corps. Kpèvi ! Anti-kpèvi ! Grande-Sœur ! Ces pseudonymes se faisaient entendre de part et d'autre. Même le plus téméraire de la famille n'a pas pu se contenir. Moulée dans une robe violette, les chaussettes aux pieds et aux mains, un képi sur la tête, dressée dans un cercueil, je méconnus ma grande sœur. C'était difficile pour moi de concevoir que ma grande sœur, que dis-je, ma mère, ne fera plus partie de notre monde. Je l'appelai mais elle ne me répondit pas. A ce moment précis un ruisseau d'eau roulait davantage de mes paupières sans que je ne le sache. Vraiment, la mort est cruelle ! Malgré tout notre désir, l'armoire fut fermée et mit dans la voiture funèbre. Une première escale fut faite dans la maison de son mari avant de l'emmener dans celle de son père. Exposée sur une esplanade bien ornée, il recevait des visites, des louanges de deuil mêlées et entremêlées de larmes. Après quelques heures de repos, suivie d'un cortège assez remarquable, elle fut transportée à la chapelle Ephrata.Chapelle dans laquelle elle a servi pendant presque toute sa vie en louant avec sa voix fine ce monsieur que bon nombre adulait. Choriste, trésorière, conseillère, elle s'est fait remarquer par sa bravoure, sa détermination, son abnégation, sa générosité et ses relations avec les frères et sœurs. Elle était la préférée de tous dans le temple.
Après l'avoir installée devant l'autel du Seigneur, une messe présidée par le président de l'Eglise Protestante Méthodiste du Bénin, qui d'ailleurs est son oncle, fut dite en son nom et épiloguée par un discours d'adieu lu par sa cadette.
A la fin de la messe, elle fut conduite au cimetière, sa dernière demeure pour y reposer. Se reposer à jamais dans un caveau. Finir les navettes. Finir les peines. Finir les moments de réjouissance. S'en ai fait. Elle est partie pour toujours. Toujours et toujours !
« Ça a duré une bonne minute. Une vraie minute. Une éternité » avant que je sache que la mort est un mystère. Oui un mystère.
L'Afrique dans sa splendeur, sa beauté, sa chaleur, son hospitalité, a aussi cette parenthèse assassine et criminelle. J'étais revenu tout enthousiasmer du séminaire le dix-sept Avril deux mille vingt-deux, après avoir passé un trimestre mirobolant couronné par la célébration de la résurrection du Christ. Laquelle, pour la première fois, j'ai célébrée hors de mes mûrs. C'était aussi beau et époustouflant qu'il le fallait. Une fois chez les miens, tout le monde étaitjoyeux.Je passai mes jours dans une ambiance bénigne aussi bien à la paroisse qu'à la maison. Le trois Mai de cette année, bon gré mal gré, je pris la route pour rejoindre ma seconde demeure, je veux nommer le séminaire. A ma descente, au séminaire, j'eus le temps de papoter avec mes confrères après avoir pris le soin de ranger mes clics et mes clacs. Que c'est merveilleux de se raconter les meilleurs moments passés dans la chaleur familiale. A 18h tapantes, heure fétiche dans les séminaires, nous fîmes comme à l'accoutumée nos devoirs qui consistaient à arranger la maison. Clopin-clopant, l'année continua son cours normal jusqu'au 12 mai.
22h ! 22h sonnait ce douze mai lorsque la fâcheuse nouvelle tomba dans les oreilles comme un caillou violemment lancé dans un cours d'eau ; une étoile venait de s'éclipser. Une vie venait de s'éteindre. Oh, la mort ! Parfois, je me demande si Dieu n'oublie pas nos prières à certains moments cruciaux de notre existence. Certaines personnes dont un instant on ne put imaginer leur mort. Vraiment la mort !
Je ne pus retenir un instant mes larmes quand je me rappelle de cette dame. Celle-là qui a été plus qu'une mère pour moi depuis ma tendre enfance après que j'eusse perdu précocement grande sœur. Comme une brebis égarée, elle m'a accepté dans son ménage. Avec elle, j'ai parcouru des chemins épineux comme sinueux. Et voilà qu'elle est partie. Partie sans même prendre un paracétamol. Partie sans même dire aurevoir à ses enfants. Ô cieux, pourquoi ? Pourquoi elle ? Alors que d'autres souffrent et appellent le secours de la mort sans avoir l'heur de humer son odeur ? D'ailleurs ne dit-on pas que « les bonnes choses et les bonnes personnes ne durent pas ». C'est sur cet aphorisme que je faisais fi mon amertume.
Quelques semaines après, nous préparâmes les festivités d'inhumation du corps. Ce corps qui ne peut plus ouvrir la bouche pour dire quoique ce soit. Ah Dieu ! Déjà le mardi, avant son inhumation, les veillées nocturnes en sa faveur débutèrent. Des moments favorables pour chacun de témoigner ce qu'il a vécu de bien comme de mal avec la défunte. Surtout du bien. Et, même si éventuellement la défunte avait une dissension avec quelqu'un, ce dernier ne l'avoue pas. C'est en cela que je puis dire que la conception de la mort d'un africain est toute autre que celle d'un occidental. Pour un africain, le corps est sacré comme l'affirme d'ailleurs le docteur de la grâce : les corps eux-mêmes en aucun cas ne doivent être rejetés.
Après ces veillées successives, le lendemain, très tôt le matin, nous nous dirigeâmes à la morgue pour l'emmener dans sa dernière demeure. Une fois là-bas, nous éprouvâmes un peu de difficulté à reconnaître le corps parmi les mille et une qui y sont posés en raison de leur solidification. Une fois entrée en possession du corps, nous glissâmes quelques billets en signe de gratitude à ces hommes qui assurent le bien-être de la population sans le savoir. Derechef, des larmes torrentielles tombaient des paupières. Personne ne pouvait résister à ce silence macabre et lugubre qui planait dans ce corps. Kpèvi ! Anti-kpèvi ! Grande-Sœur ! Ces pseudonymes se faisaient entendre de part et d'autre. Même le plus téméraire de la famille n'a pas pu se contenir. Moulée dans une robe violette, les chaussettes aux pieds et aux mains, un képi sur la tête, dressée dans un cercueil, je méconnus ma grande sœur. C'était difficile pour moi de concevoir que ma grande sœur, que dis-je, ma mère, ne fera plus partie de notre monde. Je l'appelai mais elle ne me répondit pas. A ce moment précis un ruisseau d'eau roulait davantage de mes paupières sans que je ne le sache. Vraiment, la mort est cruelle ! Malgré tout notre désir, l'armoire fut fermée et mit dans la voiture funèbre. Une première escale fut faite dans la maison de son mari avant de l'emmener dans celle de son père. Exposée sur une esplanade bien ornée, il recevait des visites, des louanges de deuil mêlées et entremêlées de larmes. Après quelques heures de repos, suivie d'un cortège assez remarquable, elle fut transportée à la chapelle Ephrata.Chapelle dans laquelle elle a servi pendant presque toute sa vie en louant avec sa voix fine ce monsieur que bon nombre adulait. Choriste, trésorière, conseillère, elle s'est fait remarquer par sa bravoure, sa détermination, son abnégation, sa générosité et ses relations avec les frères et sœurs. Elle était la préférée de tous dans le temple.
Après l'avoir installée devant l'autel du Seigneur, une messe présidée par le président de l'Eglise Protestante Méthodiste du Bénin, qui d'ailleurs est son oncle, fut dite en son nom et épiloguée par un discours d'adieu lu par sa cadette.
A la fin de la messe, elle fut conduite au cimetière, sa dernière demeure pour y reposer. Se reposer à jamais dans un caveau. Finir les navettes. Finir les peines. Finir les moments de réjouissance. S'en ai fait. Elle est partie pour toujours. Toujours et toujours !
« Ça a duré une bonne minute. Une vraie minute. Une éternité » avant que je sache que la mort est un mystère. Oui un mystère.