La main qui sème la mort

Toute histoire commence un jour, quelque part puis se poursuit comme une rose que la brise détache d’un verger pour enfin se perdre dans les annales de l’oubli de ce petit jour où le plomb et l’acier se mélangent, au cœur de cette ville sous l’impulsion des balles qui pleuvent. Dans une contrée où l’horizon scruté de montagnes nous cachait tout un univers de mystère enfoui sous la chair et le sang. Il avance doucement le visage pâle, émacié vêtu de haillons sales de la vieille ville Saint-Martyr qui pendaient sur son horizon. Ses yeux inoffensifs laissent percer l’intrigue de ses douze ans, ses jambes tremblotaient, car son quotidien lassant s’annonce très périlleux et famélique. Et il est déjà dix heures du matin...
Il fouinait déjà dans le palabre silencieux des fanges du bord de mer. Orphelin par la fatalité, il baladait déjà sur les ailes du néant car dès ses deux ans son père a battu violemment sa mère puis elle s’est enfilée du linceul du noir destin. Et depuis, le temps a contraint le père à percer les mystères insolites des rues aux yeux sales, devenu furieux et frustré, emportant tout sur son passage et parfois même la vie des âmes en quête d’une lueur dans leur quotidien boueux et macabre.
Lui, il continue de remémorer l’histoire de sa mère, son père qu’il ne connaissait même pas, a été abattu dans un affrontement entre son clan et les autres fugitifs de la frustration du quotidien.
Maintenant, le destin, les défis de cette vie et ses caprices l’attendaient. C’est ainsi que mourir ou survivre vont lui imposer un choix et il n’a pour héritages que des sublimes frustrations dont il a la rage de huer via la sagesse d’une arme.
Depuis que son entourage qui lui servait de famille, s’effritait pour un pot-de-vin des gens venus d’en haut afin de semer la pagaille, il ne trouve plus rien pour apaiser sa faim d’une atrocité ineffable. Alors, des bribes de haillons sales sur le dos, un habit de fortune en lambeau, ses yeux attentifs et demi-teintes, l’absence de quoi à manger lui efforce à se déambuler à travers les traces poussiéreuses de la vieille ville Saint-Martyr.
Et, pour défier son destin, il quémanda, car son jeune âge lui fait hésiter encore à faire détonner le flingue caché sous son long manteau de fortune habituel. C’est ainsi qu’il effectua son tour d’horizon en quête de quelque chose.
Garer un peu à côté du parc, une luxueuse bagnole Japonaise, le dernier modèle de cette marque que laisse soudainement un homme vêtu d'un lin blanc et d'un noir velouté. Elle est là juste pour retrouver sa fraîcheur après avoir connu l'horreur et l'enfer des fanges du bas de la ville. Maintenant, il s'arrête de sa tournée de nulle part, un peu essoufflé, des jambes qui grelottent sous le coup fatiguant de la distance. Il s'assit sur un tas d'immondices non loin de la fortune roulante dont le coût de carburant coûte plus que le coût de sa ration d'une semaine. Ses plaies purulentes de la jambe gauche, saignent à présent. Il essaye de les arrêter par quelques morceaux de haillons qu'il tire des ordures. Les autres l'ennui mais il se leva pour aller se positionner vis-à-vis de l'homme, qui dégusta un plat fumant.
-.Eh, kokorat. Comme ça il l'appela car il n'a pas de nom, sinon que des pseudonymes.
-.viens me laver cette voiture. Il l'attendait fort longtemps et se rua sur un sceau rempli d'eau. Et, s’est mis à polir la voiture avec soin, finit la besogne, l'homme se plaît à lui donner le reste de la nourriture. Souriant, il s'en retira pour croquer l'essence de sa journée avec les autres, et l'homme se contenta aisément de les observer impitoyablement.
Les jours se faufilent entre les antres obscurs du temps. Et, un jour pendant que je marchais au bord de la rue de la villeruine, soudainement je sens quelqu’un me retient, s’était lui qui me tendit la main. Aussitôt je lui profère un regard attentif et sur ses joues graciles commencent à ruisseler des cristaux de larmes que ses paupières ne peuvent plus en retenir. Il me fixa encore, cette fois mes yeux se mettent à verser des pleurs à leur tour, comme la pluie sur cette portion de terre tropicale obscurcissante et je plonge ma main dans le sac pour lui tendre un morceau de pain que j’achète au marché, pris de stupéfaction, il dégaina brusquement son flingue et le pointa, c’était moi la première victime...
Lui, il continue à travestir les mares suppurantes de sa vie somnambule. Et, ses vieux jours errants face aux vents brûlants du quotidien, continuent à le faire tituber, noyer dans le cercle macabre de son destin. C’est ainsi qu’il traine sa peau, sa conscience, son âme enfantine dans l’environnement harassant du bas de la ville. On l’utilise pour faire voler en éclats la vie de ces gens qui pleurent, prient pour amadouer le quotidien. Et, le jour des funérailles j’entends des voix, des bruits assourdissants, lugubres. Parmi toutes les voix, je distinguais celle d’une femme, on dirait que ses pleurs sont mélangées de caillots de sang noirs qui faisaient fuir même les oiseaux pris d’ébriétés par les vacarmes. C’était la voix d’une proche des membres de ma famille qui était venu assister à mes funérailles. C’était sa tante, elle pleurait car il y a juste quelques minutes, dans une ambiance festive au bord de la mer, des malfrats qui boivent, rient à perdre les dents, luttaient pour avoir un quelconque privilège. Lui, ligoté il est debout sur le sable chaud. Et le soleil piqua du bout de son nez l’horizon. C’était pour ne jamais réapparaitre. Et, d’un vif geste ils lui écrabouillèrent la tête de balle, la cervelle toute fraîche lui ruisselait sur le visage. Et, il s'étend calmement sur le sable.
Et, c’était comme l’horizon qui meurt lorsque le ciel s’est enfoui sous les nuages. Sa vie partait pour l’au-delà, peut-être là il pourrait reconquérir son enfance naguère maudite et redémarrer l’espoir, jadis rêve et fantasme. Si seulement il savait que le poids de son destin équivaut à celui de l’Himalaya enneigé, à peine aurait-il fuir. Le goût pourri que la vie lui laisse sur ses lèvres, après avoir fini de déguster la mort. Son enfance au fond du gouffre que le temps ne parvient pas à éclairer. Voici ce qui constitue la sombre toile de fond de ses regrets.
Maintenant, un petit groupe l’accompagnait pour son dernier départ. Ils chantent, comme si s’était son âme qui pleure. Et, c’est de la manière de ce peuple, ils souffrent, crient, prient, rient et pleurent. Soit ils attendent le Bon Dieu.
Et, là, ils répètent : -.Moi, ma vie, mon trottoir, ma faim, mes haillons, mes illusions...
-Toi, tes millions, tes mépris, tes moqueries, ta mission...
On dirait leur souffle s’entrecoupe par leurs sanglots. Et, ce sont ces seuls petits êtres qui avaient le courage de l’aider à sortir dignement dans ce monde. Une meute de chiens noires, une nuée de fourmis au teint basané autour de son corps qui s’entredéchirent dans ses restes putréfiés, sur un tas d’immondices au bas de la ville.
Et, l’avenir plongea dans l’abime sans pouvoir compter le passé. Et pendant que j’avance dans l’obscurité du monde suspendu, j’entends quelqu’un m’appeler. Comme je n’avais pas d’amis dans l’au-delà, j’hésite à répondre. Surpris, il me tend la main...Cette fois, c’était pour m’accompagner dans le noir destin, et je lui tends la mienne. Et, il m’a dit qu’il vient me chercher afin de retourner en vue de lutter ensemble pour le changement de cette terre, laquelle il m’avait contraint de quitter.