La lune dans les étoiles

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Le Capitaine Pouic n'en revient pas. Tibou a disparu ! Certes on n'y voit goutte dans cette nuit de pleine mer depuis qu'un nuage a masqué la lumière de la lune, mais le ponton n'est pourtant pas si grand tout de même !
Il harangue Cruvar, le plus vaillant de ses flibustiers :

— Mais sacrebleu, où est donc passé Tibou, notre jeune et joyeux moussaillon ?
— Euh... comment te dire, capitaine... répond Cruvar mollement, avec un regard fuyant.
— Eh bien ! Accouche !
— Il est là-haut...
— Comment ça, là-haut ?

Les deux hommes lèvent la tête à l'unisson et découvrent, accroché tout en haut du mât du navire, le jeune Tibou dont on entend faiblement les pleurs.

— Mais bon sang de bonsoir, que diable fait-il au bout de ce mât ?
— Tu lui as dit, Capitaine, qu'avec la joie qui l'animait, la volonté de vivre et de travailler qu'il avait chevillée au corps, très vite il décrocherait la lune. Alors il est monté pour voir s'il pouvait l'attraper !
— Mais nom d'un poulpe avarié, il est idiot ou quoi ?
— Non, pas idiot, il est juste encore un peu jeune, naïf et inexpérimenté.
— C'est pas la lune qu'il faut décrocher maintenant, mais lui ! C'est trop dangereux, la mer commence à bien bouger, le bateau à tanguer, il va être balloté comme un fétu de paille là-haut.
— C'est que... il a le vertige, Capitaine !
— Quoi ! Mais oui, c'est vrai, il me l'a dit ! C'est moi qui suis dans la lune, sacrebleu !

Le capitaine se gratte la barbe et tente de réfléchir. Comment faire descendre l'imprudent moussaillon ?

— Il faut l'appâter, Capitaine !
— Comment ça ?
— Eh bien, son envie de décrocher la lune était plus forte que sa peur du vide, alors promettez-lui... je ne sais pas, moi... des étoiles, peut-être ?
— Des étoiles en bas ? Et non pas dans le ciel ?
— Tout est question d'imagination, Capitaine, mais une chose est sûre, il faut le décrocher avant que le bateau balance trop fort d'avant en arrière. Il est urgent de faire quelque chose !

Le capitaine gratouille une nouvelle fois sa longue barbe très fournie, geste qui l'aide souvent à réfléchir. Puis, au bout de quelques instants suspendus (comme Tibou...), il lance :
— Nom d'un calamar fatigué ! J'ai une idée.
Il positionne ses deux mains de chaque côté de sa bouche, en porte-voix, afin d'avoir plus de chance de se faire entendre.
— Tibou ! À défaut d'une lune, je peux t'offrir une étoile !
— Comment ? hurle de là-haut le moussaillon apeuré par le mouvement de balancier de plus en plus prononcé du bateau.
— Si tu descends, je peux t'offrir une étoile ! répète le Capitaine Pouic.

Tibou regarde alors dans le ciel et, incrédule, se demande comment le capitaine a pu décrocher une étoile : elles semblent si loin d'ici... Mais le capitaine est un homme si fort, il en est peut-être capable ! Et puis, posséder une étoile, ce serait formidable !

Alors prudemment, centimètre par centimètre, posant les pieds sur les haubans et serrant fort la longue pièce de bois tout au long de son trajet, Tibou redescend. Il a tellement envie d'avoir son étoile qu'il retrouve la force et la lucidité nécessaire pour affronter son vertige !

En bas, serein, le capitaine l'accueille. Même s'il est très soulagé, il ne le prend pas dans ses bras, pas de contact trop fraternel, nous sommes entre marins virils !

— Et maintenant ? demande innocemment le moussaillon enfin descendu de son périlleux perchoir.

Le capitaine Pouic arbore alors un large sourire, plonge son bras dans un des tonneaux du ponton solidement fixé par une corde et en sort... une étoile de mer !

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Image de La lune dans les étoiles
Illustration : Pablo Vasquez

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