C'était un de ces fameux jours pluvieux de novembre, froid, sombre et déprimant. Je me retrouvais devant un de ces fameux cercueils, froid, sombre et déprimant. Ma mère pleurait, comme la plupart de ma famille. Moi, non, enfin, je ne sais pas trop. C'est vrai, c'était quelqu'un de ma famille, mais je ne le connaissais pas si bien que ça. Pourtant, il m'avait légué une maison sur la côte.
Quand je suis arrivée dans cette maison pour la première fois, ça se voyait qu'elle n'avait pas été utilisée depuis des années. Le garage était infesté de rats, la nourriture dans les tiroirs était moisie... Et le grenier, ne m'en parlez même pas ! Mais pourtant, il y avait quelque chose qui m'intriguait : un carton mystérieux avec écrit dessus « Ne pas toucher », qui était éclairé par la pauvre petite fenêtre qu'il y avait. J'avais décidé de ne pas y toucher. J'avais. C'était vrai, il y a écrit « Ne pas toucher » mais l'envie me démangeait.
Alors, aujourd'hui, moi Maxine Geyce, 20 ans, en ce 25 novembre 1960, je décide d'ouvrir ce fichu carton ! Après avoir donné un coup de balai, je m'assois par terre et commence à ouvrir le carton. Il y a des lettres à l'intérieur, exactement 11. J'ouvre la plus ancienne :
« 15 septembre 1939 : Ma chère bien aimée, la guerre m'a obligé à te quitter, et j'en suis navré. Ce n'est que point de ma faute, mais de ceux qui nous attaquent. Le temps me manque, j'aimerais t'écrire plus, mais il m'en serait pour l'instant impossible. Bien à vous ma chère, Lucien votre bien aimé ».
Encore une autre : « 27 décembre 1939 : Joyeux noël ! je sais, je suis en retard mais c'est compliqué, je ne trouve point le temps, mais je pense encore fort à vous. Comme cadeau, je vous offre le pauvre peu d'argent que j'ai gagné en travaillant le soir. Tu n'es pas obligée de m'offrir un cadeau, sachant qu'en plus, le pauvre cadeau que je t'offre n'est que rien. Je vous aime et j'en ai l'espérance que vous aussi. Lucien, encore ». Je décide d'arrêter pour aujourd'hui.
Le lendemain, le soleil se lève à peine que mon envie me replonge déjà au fond de ce grenier, dans un carton, dans des lettres qui ont mon âge. Une autre : « Et moi qui ne t'ai offert que peu de mes médiocres billets ! Tu m'offres ici le plus beau des cadeaux. Mais cette pousse grandira sans moi, ce que je ne veux pas. Terminons cette guerre ! Mon chef d'œuvre doit absolument me rencontrer ! En attendant, je vous embrasse fort. Lucien, futur papa ».
L'émotion me prenait mais je ne l'avais jamais connu alors...
Encore une. Cette fois-ci du 30 août : « Je m'en excuse encore mille fois ! La guerre me fait oublier de vous écrire et mes supérieurs ne me l'autorise que très rarement. Comment va ce bout de chou ? Quel jour est-il né ? ou est-elle ? Je n'ai rien contre les filles. Te ressemble-t-elle plus ou inversement ? Ou il. En espérant des réponses prochainement. Lucien, un homme très heureux ».
Je dévorai ces lettres intégralement, et cela me faisait le plus grand de tous les biens. Puis une autre, qui débattait sur des choses variées, et encore une, qui parlait des changements de la société et autre. Puis le moment de fin fut arrivé, la dernière lettre.
3 mars 1944 : « Ça y est ! Le moment final est enfin arrivé ! Nos supérieurs nous ont apporté ce matin même, de très bonnes nouvelles. Mais nous ne lâchons rien. Bientôt terminé n'est pas fini. Puis ne le dis à personne, rien n'est sûr, l'espoir dure. Dit à ce petit bout de moi que je l'aime fort. Au revoir Marilyn. Lucien ».
Cette lettre était différente. Il ne parlait pas de quand il reviendra, il ne parlait pas de lui, il ne s'incluait pas dans les choses, il écrivait comme si c'était la fin. Et c'est là que j'ai compris la funeste vérité, tout s'éclaircissait. Je ne voulais pas l'entendre mais je le savais : cet homme, celui qui était parti sans jamais revenir, celui que j'avais enterré il y a une semaine, celui qui m'avait abandonnée à ma naissance ! Les larmes coulaient le long de mon visage. C'est alors que m'est venu ce mot ridiculement petit mais qui décrivait notre relation en 4 simples lettres. Alors dans un moment de sanglots, je cria : « Papa ! ».