Toute histoire commence un jour, quelque part. Dans la petite citée d’ordinaire bruyante de Kpètou, village de la commune de Comé et situé à environs 70 km de Cotonou régnait depuis quelque heures un silence glacial. La vie semblait inexistante depuis l’aurore. Et le soleil aussi refusait de se pavaner tel un paon comme à son accoutumée dans la voûte céleste pourtant dépourvue de nuages gris. Les moineaux qui, aux premières lueurs du matin se balançaient sur leurs branches pour faire leur tantinet, ne laissèrent échapper que quelques brins timides de mélodies. Tout semblait terne et on serait tenté de croire que la nature est témoin d’un meurtre doucereux. Doucereux comme le miel qui dégouline d’une ruche. Un meurtre qui peut sembler passionnel, mais tout de même un meurtre qui vous fige le sourire sur le visage tel durant la période de l’harmattan. Néanmoins par ce lever de soleil, on pouvait sentir quelques brises qui caressèrent les peaux nues et soulever les longues mèches de jais des cheveux crépus de certaines nénettes de cette belle citée lacustre.
Des brises qui vous donnent l’envie de vous lover de nouveaux sous la couette.
-Mon enfant, ma douce fille ! Aujourd’hui tu te rebelles et tu rejettes mes conseils. Mais autrefois, tu te calfeutrais entre mes cuisses quand je conseillais tes aînés sur leurs escapades amoureuses et sur leurs prétendants
- Père je suis grande et suffisamment différente de mes sœurs rétorquai-je en furie
- Fille insolente et impatiente ! Chioma ! Cet homme dont tu es si omnibulée causera un jour ta perte si tu n’écoutes pas les conseils du vieil homme que je suis. Que sais-tu de lui ma fille ? Question simple et complexe à la fois que me posa mon père en se levant pour se diriger à pas feutrés vers sa chambre
Quand mon père me parlait, j’avais le cœur transpercé. Ses paroles vraies mais crues me lacérèrent le corps et je me dégoutais. Lui d’ordinaire si gentil et qui n’avait pas la langue pendue est devenu amer par ma faute. Suis-je si mauvaise enfant ? Pourtant, j’ai fini meilleure de ma promotion avec mon diplôme de médecine en poche. Le rêve de tout jeune! Je voulus faire honneur à ce père qui m’a élevé alors que son adorable épouse est morte en m’accouchant. Il ne s’est pas remarié depuis vingt-cinq ans. Il a toujours respecté la mémoire de notre défunte mère et était à la fois une mère-poule et un père autoritaire pour ses enfants. Je suis la dernière d’une fratrie de 4 enfants. Mon nom ? Chioma UKEKE mais le village m’appelle ‘’l’enfant du mal’’. Je ne pu jamais supporter ce sobriquet ; il me donnait l’impression d’avoir tué ma mère.
Alors que je commençais ma quatrième année de médecine, je m’épris follement amoureuse de Igwe. Certes il était vraiment plus âgé que moi ce qui m’attira d’ailleurs. Je ne lui connaissais pas de partenaire et il était d’une certaine maturité. Chaque fois qu’il venait donner son cours d’anatomie dans ma classe, ses explications pénétraient aisément ma cervelle. On flirtait ouvertement. Très tôt il démissionna de son poste et on se mit en couple. J’avais une certaine assurance avec lui jusqu’au jour où il me montra le chemin de l’enfer. Il prit possession de mes entrailles de manière bestiale. C’est vrai que c’était plutôt bizarre. Et la bêtise amoureuse aidant, je le laissai faire de moi son objet. Que dis-je ! Son esclave sexuel. Il ne se gênait pas pour me prendre dans ma chambre, au salon sur le canapé, à la cuisine ; bref tous les coins et recoins de ma maison quand je refuse de me rendre chez lui. Mais jamais il n’a rêvé rencontré mon père.
Ce n’est que fortuitement qu’il vit pour la première fois mon géniteur à mon appartement. Ce jour-là il failli me coller une belle gifle cinglante quand mon père retint son bras. Vous êtes choqué n’est-ce pas ! Moi, encore je plus. Il a osé.
Est-ce la présence de cet bel homme assis dans mon canapé qui le dérange ? Ah oui ! J’ai oublié de vous dire que mon père ne fait pas son âge. Il a le secret de jouvence et reste un dandy.
Igwe ne s’attendait pas à essuyer un tel affront. Pire mon père lui broyait royalement la main pour en faire de la chair à pâté. Ses yeux lancèrent des éclairs et je pris pitié de lui.
- Père lâche-le stp c’est mon copain
Mon père me foudroya du regard et comme s’il ne m’entendait pas, exerça encore une plus grande pression sur lui avant de laisser tomber le bras raide de mon agresseur. Ne demandant pas son reste, igwe tourna les talons.
- Tu es à moi Chioma me jeta-t-il avec dédain par-dessus son épaule avant de quitter la pièce.
A peine se fut-il éclipsé de mon appartement que je voulu remercier mon père pour avoir pris ma défense. Mais ce que je n’avais pas prévu, c’est cette baffe que mon père m’assena. J’en étais toute abasourdie. Un torrent de larmes se mirent à ruisseler et à dévaliser en cascade mes joues.
- Est-ce donc pour que tu te fasses humilier de la sorte que ma reine est morte en te donnant la vie ? le village a eu donc raison de t’appeler l’enfant maudit. Chioma, même les belles de nuit savent mieux se faire respecter. Jamais je n’ai osé lever la main sur ta mère et de quel droit lui, qui n’est même ton fiancé a voulu de déshonorer ainsi mon enfant ?
Je m’affalai sur le sol dans cette pièce qui se mit à tournoyer autour de moi. Je cherchais à quoi m’agripper, mais je ne faisais que m’engouffrer. J’essayais de retenir mon père par le pan de son boubou. Mais sans une once de pitié à mon égard, il sortit de mon appartement me laissant nager dans ma honte.
Quand je me réveillais, l’obscurité a déjà pris place. Je n’avais pas la notion du temps et je me demande quel jour on était. Avec peine, je réussi à m’accouder au canapé. Mes oreilles sifflaient et ma tête fumait une atroce migraine. Ma tristesse était grande et seule une mousse de chocolat pouvait être mon alliée à cet instant. La cuisine m’accueillit avec sa chaleur et je me sentis aimée. Quand j’ouvris le frigo, mes yeux se mirent à picoter et quelques larmes s’échappèrent. Je fini par en extirper les boîtes de chocolat avant de me glisser sous la couette. J’allume Titanic, ce bon film qui vous fait chialer. Après quelques bouchées de ce moelleux Ferrero Rocher, je fouillai entre mes couvertures pour retrouver mon téléphone. Quinze appels manqués et cent huit messages d’Igwe. Pfffff, pas un seul message de mon papounet. Je jetais ce fichu téléphone sur mes draps et il se mit à sonner en affichant la laideur incarné d’Igwe. Après avoir réfléchi quelques secondes je décrochais.
- Merci pour avoir décroché ma princesse. Je te demande de me pardonner, je ne savais pas ce qui m’a pris. Tu me connais. Je me suis senti menacé quand j’ai vu cet homme chez toi alors que je t’ai appelé sans succès à plusieurs reprises. Je t’en prie on peut tout reprendre à zéro. Viens m’ouvrir je suis devant ton appartement.
Je l’ai écouté déblatérer ses idioties, et ensuite j’ai éteins mon téléphone avant qu’il n’essaie de me convaincre. Je mis le volume du poste téléviseur en fond et me concentrai sur les séquences du Titanic.
Tout à coup, je l’entendis tambouriner tel Obélix qui se jette sur les portes gauloises. Je me glisse péniblement hors de mon lit et alla lui ouvrir. Il s’est jeté sur moi et a voulu unir nos corps. Je me réfugiais dans la cuisine. Je ne voulais pas me laisser à lui. Non ! Pas après ce qu’il m’a fait.
Adossée au plan de cuisine, je repassai le film des derniers jours quand je le vis à quelques centimètres de moi. Je n’avais plus mon tee-shirt. Dans le feu de l’action je me retrouve à califourchon sur lui. Il ne m’a pas forcé la main, mais je m’en veux et je lui en veux également. Et folle de rage, je laissai la haine prendre le dessus sur ce désir charnel. Je pris un couteau dans le porte-couteau que je lui plantais sans réfléchir et sans remords dans le dos. Il se retira de moi et tenta vainement d’ôter le couteau de sa colonne. Impossible pour lui. Et comme si la fossoyeuse le guettait depuis belle lurette, il tomba à la renverse et la lame s’enfonça jusqu’à la limite du manche. Prise de panique je me jetai également sur lui et permit à la même de me faire parcourir le chemin du voyage éternel avec Igwe. De l’au-delà, je vous présente mes excuses et j’implore le pardon de mon père. Je regarde chaque jour son cœur pleurer ma mort.
Père je t’aime
Ton enfant,