Ça a duré une bonne minute. Une vraie minute. Une éternité. Un sprint d'une minute où chaque seconde comptait. C'était le genre de moment où on ne s'arrête pas pour regarder derrière. Au début, elle avait commencé sa course bien modestement, innocemment, mais elle prenant rapidement de l'intensité. Elle se concentrait sur sa course : courir, sans s'arrêter, jusqu'à la victoire. Tenace, elle répétait chaque pas, continuellement, ce qui la faisait progresser. Son énergie était inépuisable. Comme une silhouette élégante, elle se glissait furtivement. Rien ne l'arrêterait : elle en était convaincue et était convaincante.
Et surtout, on la remarquait. La foule portait toute son attention sur elle, et seulement sur elle. Elle avait une aura envoutante qui captivait tous ceux qui étaient présents. En plus d'être charmante, elle était authentique. Elle était très vite devenue le centre de l'attention, un symbole de persistance pour certains, un mystère à résoudre pour d'autres. Elle était toujours aussi rapide et déterminée, ce qui rassurait les plus sceptiques. Les encouragements à son égard fusaient de toutes parts, amplifiant son sentiment de confiance et l'alimentant. La foule la suivait de près à mesure qu'elle gagnait du terrain. On ne parlait que d'elle, suscitant la curiosité. On ne pouvait s'empêcher de se demander d'où venait cette énigmatique protagoniste, capable de supplanter toute autre concurrente de manière si satisfaisante. Elle avait une longueur d'avance et tout essai de la dérouter ou de la rattraper était vain. J'en ressentais une panique, une certaine pointe de jalousie. Même si je me dépêchais, que j'agissais le plus rapidement que mon corps et ma tête le pouvaient, je n'arrivais pas à l'arrêter. Elle courait trop vite. J'essayais d'atteindre quelque chose mue par une force invisible.
Je m'étais préparée presque toute ma vie pour aujourd'hui. Mais il m'a suffi d'une regrettable maladresse, une seconde d'inattention, pour que tout ce sur quoi j'avais travaillé me soit retiré. Tout ça à cause d'elle. Elle avait filé si rapidement, et le pire, c'est qu'elle attirait l'attention de tous. J'essayais d'attirer les regards sur moi. Je me tenais droite, gardais une posture confiante et un visage souriant malgré la panique qui me gagnait, pour donner une impression de détermination. Il me fallait l'arrêter. Pourtant, plus j'accélérais, plus elle semblait prendre de l'avance. Elle se déplaçait avec une grâce et une élégance qui défiaient les lois. Mon esprit était en ébullition, cherchant désespérément un moyen de la rattraper, la vaincre. Je tentais de la contourner, d'aller à ses devants, de deviner son prochain coup et de m'y préparer, mais elle me dépassait toujours.
J'ai choisi de changer de tactique. Au lieu de lutter directement contre elle, j'ai décidé de jouer sur son propre terrain. Je me suis laissé inspirer par son charisme et sa détermination. J'ai puisé dans mes propres réserves d'énergie et j'ai laissé mon instinct prendre le relais. Comme elle, je me suis concentrée sur ma course, en repoussant mes limites et en répétant chaque pas avec beaucoup d'acharnement. Alors que nous courions côte à côte, la foule, qui s'était dès les premières secondes concentrée sur elle, commençait maintenant à se diviser, partagée entre deux versions différentes. Mais ce n'était pas assez. La victoire était là, devant elle. C'est alors que le dénouement a éclaté comme un éclair. La révélation a frappé, créant une onde de choc. Elle avait tout remporté, et avait détruit ma crédibilité, la réputation que j'avais bâtie. La rumeur avait été révélée, à tous, au grand jour. En une seule minute, elle peut courir d'une oreille à l'autre. Une rumeur, ça court très vite.