La course

Le début de cette course avait peut-être débuté bien plus tôt qu’on ne le pensait... Elles n’avaient pas le même caractère. L’une était plutôt calme l’autre carrément impulsive. Elles détestaient le fait d’être nées le même jour, d’avoir fréquenté les mêmes classes depuis la maternelle jusqu’au lycée et d’avoir souvent eu les mêmes aspirations personnelles et professionnelles, ce qui pouvait se comprendre... Elles avaient indéniablement des points en commun et elles devraient vivre avec.
Erika était sortie la première du ventre de sa mère, elle lui ressemblait comme deux gouttes d’eau et Ericke, elle, avait pris davantage des traits physiques de son père, jusqu’à ce petit grain de beauté en-dessous du menton.
Leurs parents étaient tellement fusionnels qu’ils ne comprenaient pas pourquoi leurs filles n’avaient pas hérité de cette complicité. Les jumelles excellaient toutes les deux dans l’athlétisme depuis l’âge de 7 ans. Elles n’avaient jusqu’ici jamais concouru l’une contre l’autre. Pour leurs parents, ça tombait bien. Des médailles, elles en avaient ramené à la maison. Dans l’euphorie de leurs victoires, elles arrivaient à fêter en trinquant.
En grandissant, elles se ressemblaient de plus en plus si bien qu’il devenait difficile de les distinguer. Ça ne les rapprochait pas pour autant.
Battantes !! elles l’étaient ! La résultante d’heures d’entrainement acharnées, toujours vocalisées sur leur ligne d’arrivée. Elles savaient se projeter et bien viser pour atteindre leurs buts ! Elles reconnaissaient cette qualité en chacune d’elle et l’appréciait ; Toutefois, secrètement. Elles donnaient la chair de poule quand elles décrivaient les sensations qui les animaient lors d’un cent mètre. Dans les starting- blocks, les sourcils légèrement froncés, elles ne visualisaient que la médaille d’or.
Le 27 février, au lendemain de leur 18ème anniversaire les sœurs allaient concourir pour la première fois l’une contre l’autre. Le championnat des Régions Outres Mers avait lieu cette année-là au creps Antilles-Guyane de Guadeloupe. Toutes les deux étaient favorites ! La préparation s’est faite avec animosité du côté d’Ericka. La course serait la course ! La victoire à tout prix ! S’il arrivait quelque chose à sa sœur pour conforter sa position à elle, elle ne se sentirait pas malheureuse. Enfin... Ericke le savait mais elle restait imperturbable, concentrée sur son objectif également et faisait mine de ne rien capter des coups bas de sa sœur.
Par tirage au sort les filles se retrouvaient côte à côte. Monsieur et Madame Galas ne pouvaient empêcher ce qu’ils redoutaient, en revanche ils accusaient tout le stress que cette situation occasionnait.
Ce jour-là, à 15h10 le nom des sprinteuses, leurs couloirs et dossards étaient annoncés ! Au signal les filles étaient parties comme une seule personne, l’une entendait le souffle de l’autre aux couloirs trois et quatre. Leurs bras et leurs jambes exécutaient respectivement un balancement et des foulées très synchronisés. En tête de course avec environ 3 secondes d’avance sur la redoutable sprinteuse réunionnaise, les jumelles fonçaient droit devant ! L’une et l’autre voyaient déjà l’or ! A l’unissons leurs cœurs battaient ! Plus qu’un seul cœur !!
A deux secondes de la ligne d’arrivée Ericka a dévié sa trajectoire, elle s’est heurtée à sa sœur. Toutes les deux ont chuté sur le tartan.
Ericka était recroquevillée sur le dos à l’arrivée de l’équipe médicale et Ericke étalée presqu’à plat ventre, la main droite dépassant à peine cette ligne d’arrivée...