Nouvelles
5 min
Université des Sciences, des Techniques et des Technologies de Bamako
Finaliste
La cité des Balanzans
- Maître ? Vous plaisantez ? Vous pouvez me cogner, comme l'ont fait tous les autres, mais je ne vous appellerai pas maître !
Je me retournai brusquement dans mon lit. D'où venait cette voix pointue et sanglante ? Les lumières étaient éteintes et je dormais seule. Je me redressai lentement et scrutai diligemment la pénombre avec attention. Ma porte était soigneusement fermée à clef et les fenêtres n'étaient pas ouvertes non plus. La chaleur ségovienne nous obligeait tous à dormir sous climatisation. Nous résidions à l'Hôtel Les Libellules, un très bel établissement traditionnel en banco. Niché à l'orée des Balanzans, symbole emblématique de la belle métropole, notre antique lieu de séjour s'érigeait en un ensemble architectural imposant, fastueux, pittoresque et remémorant la grandeur souveraine que fut autrefois la terre ancestrale majestueuse, la cité des Balanzans, bercail des plus grands rois Bamanans du Mali. Nous nous trouvions dans la belle ville de Ségou à l'occasion d'un séminaire organisé par le ministère de l'industrie et du commerce. Tournant autour des politiques liées à l'entreprenariat, le séminaire s'établissait sur une semaine et nous n'étions encore qu'à notre deuxième nuit.
Je ne comprenais vraiment pas d'où venait cette voix. Cela dit, je m'étais toujours targuée d'être quelqu'un de rationnel, de logique et de cartésien. Je ne m'épandais jamais en débats inutiles sur des sujets que je jugeais fantaisistes et fantasques. Mais depuis mon arrivée dans cette ville, un pressentiment étrange s'était installé en moi. Il était tellement puissant que je n'arrivais ni à l'ignorer ni à le faire disparaître. Et j'essayais de renier cette sensation obscure autant que je le pouvais, mais ce qui venait de se passer m'avait indubitablement glacé le sang. Je n'avais pas rêvé et je sais que je n'étais ni somnolente, ni inconsciente. Mon temps d'endormissement était généralement long et il pouvait m'arriver de rester des heures, éveillée, avant de pouvoir réussir à trouver le sommeil. Mais tout d'un coup, pour quelqu'un qui ne croyait ni à l'occulte ni au surnaturel, j'avais l'impression que ce ressenti sinistre qui se propageait dans tout mon corps et qui me criait agressivement de me barrer immédiatement d'ici n'était pas qu'une simple intuition. J'étais de plus en plus angoissée. D'où venait cette voix ? Pourquoi cette phrase ? Et ce silence subit beaucoup trop bruyant opprimait mon être entier.
Je patientai quelques minutes encore dans mon lit, le temps d'être sûre de n'entendre aucun autre son identique. Mon rythme cardiaque ne déchantait guère cependant et la frayeur qu'avait occasionné cette voix en moi était plus que jamais omniprésente. Je respirai un grand coup, fermai les yeux et mis la main sur la poitrine. J'essayai de me calmer autant que je le pouvais afin de me recoucher même si quelque part au fond de moi, je savais que c'était peine perdue. Cependant, après quelques minutes de recueillement bref, je décidai malgré tout de me rallonger priant que tout ceci ne soit que le fruit sauvage de mon imagination. Je remis ma couverture sur moi et fermai doucement les yeux. C'est alors que je sentis brusquement comme un bruit de respiration dans mon dos. Comme si quelqu'un inspirait et expirait très lentement derrière ma nuque. Mon sang ne fit qu'un tour et je me retournai brutalement. Personne ! Il n'y avait personne ! La panique me foudroya alors vigoureusement. J'étais horrifiée et je commençai à respirer bruyamment. Que se passait-il dans ce fichu hôtel ? Je sortis promptement de mon lit et me dirigeai rapidement vers les interrupteurs. La veilleuse était déjà allumée mais elle n'était soudainement plus suffisante pour calmer les ardeurs de mon cœur qui battait à en exploser.
A peine allumai-je la lumière que je parcourus furieusement l'ensemble de la pièce d'un regard investigateur. J'étais bel et bien seule. Ou bien l'étais-je réellement ? Je n'avais pas seulement entendu le bruit de respiration, j'avais également senti un léger souffle sur ma nuque. Subtil oui, mais pas au point d'être négligé comme une simple illusion. Je commençai alors à avancer lentement jusqu'au centre de la pièce. Engaînée d'effroi, je marchais avec extrême prudence. Et très honnêtement, je ne savais pas pourquoi je me déplaçais ainsi, je ne savais pas non plus ce que j'essayais d'éviter mais j'étais convaincue dans les tréfonds de mon âme qu'il fallait que je l'évite à tout prix. Je m'assis calmement sur le lit. Je restai là, immobile pendant une dizaine de minutes. Je fermai les yeux et commençai à réciter délicatement des sourates protectrices pour apaiser mon esprit. Et au fur et à mesure que je continuais ma récitation, mon rythme cardiaque décèlerait et je paraissais reprendre un semblant de contrôle sur ma personne. Les yeux toujours fermés, les mains moites, j'essayai de me rassurer autant que je le pouvais. Je finis par ouvrir les yeux quelques secondes après. Je pris mon téléphone sur la table de chevet et constata l'heure. Il n'était que 2h du matin. Je lançai un gros soupir. La nuit risquait d'être très longue. Je remis le téléphone à sa place et repris ma place dans mon lit. Je m'allongeai sur le dos et fermai les yeux.
Je sentis subitement un bourdonnement lourd au niveau de mon oreille droite. Une mouche ? Maintenant ? Je trouvais ça assez inusuel venant de la part d'un insecte diurne mais sans plus. Je bougeai frénétiquement la main dans le but de la chasser, sans pour autant ouvrir les yeux. Cependant, le bourdonnement n'était pas constant, il se manifestait en oscillations d'intensités variables mais il était persistant et irritant et l'insecte ne semblait pas décider à partir. Je me tournai alors sur le côté, ce bruit lourd me grillait les tympans et les nerfs. Le sommeil ne me venait toujours pas et j'essayai de me distraire en pensant aux activités du lendemain. Mais le bourdonnement revint de plus belle. Cette mouche ne voulait pas s'en aller et il était hors de question que je me la coltine alors que j'étais déjà très sévèrement tendue. J'ouvris donc brusquement les yeux dans un geste courroucé et exaspéré et je m'immobilisai net devant le spectacle qui s'offrait à moi.
Devant mes yeux ébahis s'élevait en une immense colonne tourbillonnante un gigantesque essaim d'insectes virevoltant en synchronisation. J'étais tellement ahurie qu'aucun son ne sortit de ma bouche. Cependant, mon instinct de survie me secoua violemment et un frisson saisissant s'abattit sur mon être entier. « Tu dois fuir ». C'est tout ce qui me venait à l'esprit. Je savais que ce phénomène n'était pas normal et cette sensation imminente de danger était terrassante. Je me redressai alors vivement de mon lit et accourut de toutes mes forces vers la porte d'entrée en faisant bien attention à contourner l'essaim monstrueux. J'ouvris la porte sans aucun mal. Mais à peine mis-je les pieds dehors que je me retrouvai violemment projetée à l'intérieur de la pièce. Le coup était tellement intense et bestial, que je me tortillai frénétiquement de douleur. Je ne sentais plus mes membres et je voyais complètement flou. J'avais l'impression que mes os dansaient contre mes muscles et que mes viscères me remontaient à la gorge. Comme si j'avais reçu un énorme coup de pied au ventre. C'est alors que je senti une présence écrasante en face de moi. Essayant de distinguer tant bien que mal, ce qui se dressait vaguement devant mes yeux, j'aperçus progressivement des pieds, puis des jambes, un torse et enfin un visage. Une face balafrée déchirée par une bouche béante se dessinant en un sourire cruel et sanguinaire, les yeux exorbitants et le crâne à moitié chauve avec des vers qui en sortaient, me fixait intensément. Une dague luisant à la lumière des ampoules de la chambre à la main, d'une voix aigüe, glaçante, railleuse et ironique, j'entendis alors ;
- Maître ? Vous plaisantez ? Vous pouvez me cogner, comme l'ont fait tous les autres, mais je ne vous appellerai pas maître...
Je me retournai brusquement dans mon lit. D'où venait cette voix pointue et sanglante ? Les lumières étaient éteintes et je dormais seule. Je me redressai lentement et scrutai diligemment la pénombre avec attention. Ma porte était soigneusement fermée à clef et les fenêtres n'étaient pas ouvertes non plus. La chaleur ségovienne nous obligeait tous à dormir sous climatisation. Nous résidions à l'Hôtel Les Libellules, un très bel établissement traditionnel en banco. Niché à l'orée des Balanzans, symbole emblématique de la belle métropole, notre antique lieu de séjour s'érigeait en un ensemble architectural imposant, fastueux, pittoresque et remémorant la grandeur souveraine que fut autrefois la terre ancestrale majestueuse, la cité des Balanzans, bercail des plus grands rois Bamanans du Mali. Nous nous trouvions dans la belle ville de Ségou à l'occasion d'un séminaire organisé par le ministère de l'industrie et du commerce. Tournant autour des politiques liées à l'entreprenariat, le séminaire s'établissait sur une semaine et nous n'étions encore qu'à notre deuxième nuit.
Je ne comprenais vraiment pas d'où venait cette voix. Cela dit, je m'étais toujours targuée d'être quelqu'un de rationnel, de logique et de cartésien. Je ne m'épandais jamais en débats inutiles sur des sujets que je jugeais fantaisistes et fantasques. Mais depuis mon arrivée dans cette ville, un pressentiment étrange s'était installé en moi. Il était tellement puissant que je n'arrivais ni à l'ignorer ni à le faire disparaître. Et j'essayais de renier cette sensation obscure autant que je le pouvais, mais ce qui venait de se passer m'avait indubitablement glacé le sang. Je n'avais pas rêvé et je sais que je n'étais ni somnolente, ni inconsciente. Mon temps d'endormissement était généralement long et il pouvait m'arriver de rester des heures, éveillée, avant de pouvoir réussir à trouver le sommeil. Mais tout d'un coup, pour quelqu'un qui ne croyait ni à l'occulte ni au surnaturel, j'avais l'impression que ce ressenti sinistre qui se propageait dans tout mon corps et qui me criait agressivement de me barrer immédiatement d'ici n'était pas qu'une simple intuition. J'étais de plus en plus angoissée. D'où venait cette voix ? Pourquoi cette phrase ? Et ce silence subit beaucoup trop bruyant opprimait mon être entier.
Je patientai quelques minutes encore dans mon lit, le temps d'être sûre de n'entendre aucun autre son identique. Mon rythme cardiaque ne déchantait guère cependant et la frayeur qu'avait occasionné cette voix en moi était plus que jamais omniprésente. Je respirai un grand coup, fermai les yeux et mis la main sur la poitrine. J'essayai de me calmer autant que je le pouvais afin de me recoucher même si quelque part au fond de moi, je savais que c'était peine perdue. Cependant, après quelques minutes de recueillement bref, je décidai malgré tout de me rallonger priant que tout ceci ne soit que le fruit sauvage de mon imagination. Je remis ma couverture sur moi et fermai doucement les yeux. C'est alors que je sentis brusquement comme un bruit de respiration dans mon dos. Comme si quelqu'un inspirait et expirait très lentement derrière ma nuque. Mon sang ne fit qu'un tour et je me retournai brutalement. Personne ! Il n'y avait personne ! La panique me foudroya alors vigoureusement. J'étais horrifiée et je commençai à respirer bruyamment. Que se passait-il dans ce fichu hôtel ? Je sortis promptement de mon lit et me dirigeai rapidement vers les interrupteurs. La veilleuse était déjà allumée mais elle n'était soudainement plus suffisante pour calmer les ardeurs de mon cœur qui battait à en exploser.
A peine allumai-je la lumière que je parcourus furieusement l'ensemble de la pièce d'un regard investigateur. J'étais bel et bien seule. Ou bien l'étais-je réellement ? Je n'avais pas seulement entendu le bruit de respiration, j'avais également senti un léger souffle sur ma nuque. Subtil oui, mais pas au point d'être négligé comme une simple illusion. Je commençai alors à avancer lentement jusqu'au centre de la pièce. Engaînée d'effroi, je marchais avec extrême prudence. Et très honnêtement, je ne savais pas pourquoi je me déplaçais ainsi, je ne savais pas non plus ce que j'essayais d'éviter mais j'étais convaincue dans les tréfonds de mon âme qu'il fallait que je l'évite à tout prix. Je m'assis calmement sur le lit. Je restai là, immobile pendant une dizaine de minutes. Je fermai les yeux et commençai à réciter délicatement des sourates protectrices pour apaiser mon esprit. Et au fur et à mesure que je continuais ma récitation, mon rythme cardiaque décèlerait et je paraissais reprendre un semblant de contrôle sur ma personne. Les yeux toujours fermés, les mains moites, j'essayai de me rassurer autant que je le pouvais. Je finis par ouvrir les yeux quelques secondes après. Je pris mon téléphone sur la table de chevet et constata l'heure. Il n'était que 2h du matin. Je lançai un gros soupir. La nuit risquait d'être très longue. Je remis le téléphone à sa place et repris ma place dans mon lit. Je m'allongeai sur le dos et fermai les yeux.
Je sentis subitement un bourdonnement lourd au niveau de mon oreille droite. Une mouche ? Maintenant ? Je trouvais ça assez inusuel venant de la part d'un insecte diurne mais sans plus. Je bougeai frénétiquement la main dans le but de la chasser, sans pour autant ouvrir les yeux. Cependant, le bourdonnement n'était pas constant, il se manifestait en oscillations d'intensités variables mais il était persistant et irritant et l'insecte ne semblait pas décider à partir. Je me tournai alors sur le côté, ce bruit lourd me grillait les tympans et les nerfs. Le sommeil ne me venait toujours pas et j'essayai de me distraire en pensant aux activités du lendemain. Mais le bourdonnement revint de plus belle. Cette mouche ne voulait pas s'en aller et il était hors de question que je me la coltine alors que j'étais déjà très sévèrement tendue. J'ouvris donc brusquement les yeux dans un geste courroucé et exaspéré et je m'immobilisai net devant le spectacle qui s'offrait à moi.
Devant mes yeux ébahis s'élevait en une immense colonne tourbillonnante un gigantesque essaim d'insectes virevoltant en synchronisation. J'étais tellement ahurie qu'aucun son ne sortit de ma bouche. Cependant, mon instinct de survie me secoua violemment et un frisson saisissant s'abattit sur mon être entier. « Tu dois fuir ». C'est tout ce qui me venait à l'esprit. Je savais que ce phénomène n'était pas normal et cette sensation imminente de danger était terrassante. Je me redressai alors vivement de mon lit et accourut de toutes mes forces vers la porte d'entrée en faisant bien attention à contourner l'essaim monstrueux. J'ouvris la porte sans aucun mal. Mais à peine mis-je les pieds dehors que je me retrouvai violemment projetée à l'intérieur de la pièce. Le coup était tellement intense et bestial, que je me tortillai frénétiquement de douleur. Je ne sentais plus mes membres et je voyais complètement flou. J'avais l'impression que mes os dansaient contre mes muscles et que mes viscères me remontaient à la gorge. Comme si j'avais reçu un énorme coup de pied au ventre. C'est alors que je senti une présence écrasante en face de moi. Essayant de distinguer tant bien que mal, ce qui se dressait vaguement devant mes yeux, j'aperçus progressivement des pieds, puis des jambes, un torse et enfin un visage. Une face balafrée déchirée par une bouche béante se dessinant en un sourire cruel et sanguinaire, les yeux exorbitants et le crâne à moitié chauve avec des vers qui en sortaient, me fixait intensément. Une dague luisant à la lumière des ampoules de la chambre à la main, d'une voix aigüe, glaçante, railleuse et ironique, j'entendis alors ;
- Maître ? Vous plaisantez ? Vous pouvez me cogner, comme l'ont fait tous les autres, mais je ne vous appellerai pas maître...