Comme chaque matin, elle grimpe dans sa petite voiture blanche, portant sa tenue menthe à l’eau. Elle vérifie son matériel dans sa mallette. Seringues, compresse, gants et masques. Puis elle jette un dernier regard aux deux petites mains qui lui signent des au revoir depuis la fenêtre de la chambre de ses enfants. Les sept heures et dix minutes vert fluo lui agressent les yeux. Elle enclenche la clé et démarre son bolide.
Quand elle s’est installée à Vernon en Normandie. Elle souhaitait offrir une vie paisible à la campagne à ses enfants. Mais depuis la quarantaine, le calme de la ville est devenu oppressant. En remontant l’allée principale, elle remarque les rideaux métalliques qui ont remplacé les vitrines illuminées de pâtisseries, chocolats et friperies. Elle se gare face à la collégiale Notre-Dame. Elle reste un instant admirer l’imposante façade de l’église et ses flèches qui surplombe le centre-ville. Elle prend une grande inspiration et démarre sa longue journée.
Chaque acte est devenu une habitude, un geste sûr mais jamais désinvolte ou irréfléchi. Chaque prise de sang, injection, pansement changé ou plaie désinfectée est tel une note sur une portée de musique. L’infirmière est à la fois son propre chef d’orchestre et aussi chacun des musiciens. Pourtant, au-delà de tous les soins qu’elle porte à ses patients, c’est bien son humanité qui est au cœur de son art. Et en ces jours de confinement, beaucoup attendent son arrivée pour un échange de regard, quelques mots, en soit un contact humain. Même si sur toutes les lèvres il n’y avait que le mot virus ou pandémie.
Il est déjà quatorze heures, elle s’est posée quelques minutes sur les berges de la Seine. L’eau est calme et les rayons du soleil font apparaitre un rideau de diamants scintillants sur le rivage. Une famille de cygnes glisse sur le fleuve au rythme du gazouillis des oiseaux. La nature a repris une certaine assurance face à la disparition de l’Homme.
Elle se retourne à l’appel de son nom. Une jeune femme arrive près d’elle en courant avec un sac en papier à la main. Elle prend un moment à reconnaitre la fille d’une de ses patientes qui tient la boulangerie du coin. Elle est venue lui offrir un sandwich et un café. Une solidarité indispensable en ces moments si étrange. L’infirmière se permet alors une dizaine de minutes de plus sur la pelouse pour apprécier ce geste qui lui réchauffe le cœur et lui donne la force de continuer.
Finalement, elle passe le restant de l’après-midi avec sa dernière patiente. Une vieille dame qui est née à Vernon et ne l’a jamais quitté. Elle est suivie par notre infirmière depuis déjà douze ans pour des soucis cardiaques et respiratoires. Et depuis trois jours, une toux l’a cloué au lit.
Malheureusement, les symptômes ont empiré. L’infirmière n’a pu que soulager un peu les crises de sa vieille patiente le temps que les secours prennent le relais. Après leur départ, elle passa plusieurs heures à prévenir les proches de sa patiente. Une épreuve éprouvante qui dépasse de loin son rôle mais elle espère que quelqu’un fera ce geste au près de ses enfants si il lui arrivait quelque chose. Enfin, avant de rentrer chez elle, un dernier appel à son ami travaillant aux urgences de Vernon. Les pronostics sont très mauvais pour sa patiente.
La voiture blanche s’arrête à la même place où elle est partie ce matin, treize heures plus tôt. La chambre de ses enfants est allumée. Elle s’était jurée de ne jamais ramener le travail à la maison. Mais quand le travail prend la forme d’un virus, elle se retrouve obliger à prendre des distances avec sa famille. Plus de caresse ou de simple bisou. Elle ne peut empêcher des larmes de couler sur ses joues. La pression fait lâcher sa dernière barrière quel que soit la dureté de sa carapace.
Quand elle s’apprête à sortir de sa voiture, son portable sonne. C’est de nouveau son ami chef des urgences. Elle pense à une mauvaise nouvelle pour sa patiente. Pire. Les urgences sont débordées et elle est appelée en renfort. Elle jette un dernier regard vers la chambre de ses enfants. La voiture reprend sa route.
L’infirmière est au bout de ses forces. Sa famille lui manque. La faim gronde. La peur apparait avec une impression de fièvre dans ses yeux. Vingt heures clignote à l’horloge du tableau de bord. Elle reprend la rue principale du centre de Vernon. Dans la nuit, les fenêtres se sont toutes allumées. L’infirmière entend un bruit s’amplifier à l’extérieur. Elle ouvre sa fenêtre et perçoit le son plus clairement. Ce sont les applaudissements de tous les habitants de Vernon pour le corps médical faisant front à la maladie. L’infirmière lève la tête telle une chevalière sur son destrier. Sa tâche ne fait que commencer. Elle ne sait pas pour combien de temps. Mais ce soir, elle ne se bat pas seul. Elle affronte le virus pour et avec sa ville, Vernon.
Quand elle s’est installée à Vernon en Normandie. Elle souhaitait offrir une vie paisible à la campagne à ses enfants. Mais depuis la quarantaine, le calme de la ville est devenu oppressant. En remontant l’allée principale, elle remarque les rideaux métalliques qui ont remplacé les vitrines illuminées de pâtisseries, chocolats et friperies. Elle se gare face à la collégiale Notre-Dame. Elle reste un instant admirer l’imposante façade de l’église et ses flèches qui surplombe le centre-ville. Elle prend une grande inspiration et démarre sa longue journée.
Chaque acte est devenu une habitude, un geste sûr mais jamais désinvolte ou irréfléchi. Chaque prise de sang, injection, pansement changé ou plaie désinfectée est tel une note sur une portée de musique. L’infirmière est à la fois son propre chef d’orchestre et aussi chacun des musiciens. Pourtant, au-delà de tous les soins qu’elle porte à ses patients, c’est bien son humanité qui est au cœur de son art. Et en ces jours de confinement, beaucoup attendent son arrivée pour un échange de regard, quelques mots, en soit un contact humain. Même si sur toutes les lèvres il n’y avait que le mot virus ou pandémie.
Il est déjà quatorze heures, elle s’est posée quelques minutes sur les berges de la Seine. L’eau est calme et les rayons du soleil font apparaitre un rideau de diamants scintillants sur le rivage. Une famille de cygnes glisse sur le fleuve au rythme du gazouillis des oiseaux. La nature a repris une certaine assurance face à la disparition de l’Homme.
Elle se retourne à l’appel de son nom. Une jeune femme arrive près d’elle en courant avec un sac en papier à la main. Elle prend un moment à reconnaitre la fille d’une de ses patientes qui tient la boulangerie du coin. Elle est venue lui offrir un sandwich et un café. Une solidarité indispensable en ces moments si étrange. L’infirmière se permet alors une dizaine de minutes de plus sur la pelouse pour apprécier ce geste qui lui réchauffe le cœur et lui donne la force de continuer.
Finalement, elle passe le restant de l’après-midi avec sa dernière patiente. Une vieille dame qui est née à Vernon et ne l’a jamais quitté. Elle est suivie par notre infirmière depuis déjà douze ans pour des soucis cardiaques et respiratoires. Et depuis trois jours, une toux l’a cloué au lit.
Malheureusement, les symptômes ont empiré. L’infirmière n’a pu que soulager un peu les crises de sa vieille patiente le temps que les secours prennent le relais. Après leur départ, elle passa plusieurs heures à prévenir les proches de sa patiente. Une épreuve éprouvante qui dépasse de loin son rôle mais elle espère que quelqu’un fera ce geste au près de ses enfants si il lui arrivait quelque chose. Enfin, avant de rentrer chez elle, un dernier appel à son ami travaillant aux urgences de Vernon. Les pronostics sont très mauvais pour sa patiente.
La voiture blanche s’arrête à la même place où elle est partie ce matin, treize heures plus tôt. La chambre de ses enfants est allumée. Elle s’était jurée de ne jamais ramener le travail à la maison. Mais quand le travail prend la forme d’un virus, elle se retrouve obliger à prendre des distances avec sa famille. Plus de caresse ou de simple bisou. Elle ne peut empêcher des larmes de couler sur ses joues. La pression fait lâcher sa dernière barrière quel que soit la dureté de sa carapace.
Quand elle s’apprête à sortir de sa voiture, son portable sonne. C’est de nouveau son ami chef des urgences. Elle pense à une mauvaise nouvelle pour sa patiente. Pire. Les urgences sont débordées et elle est appelée en renfort. Elle jette un dernier regard vers la chambre de ses enfants. La voiture reprend sa route.
L’infirmière est au bout de ses forces. Sa famille lui manque. La faim gronde. La peur apparait avec une impression de fièvre dans ses yeux. Vingt heures clignote à l’horloge du tableau de bord. Elle reprend la rue principale du centre de Vernon. Dans la nuit, les fenêtres se sont toutes allumées. L’infirmière entend un bruit s’amplifier à l’extérieur. Elle ouvre sa fenêtre et perçoit le son plus clairement. Ce sont les applaudissements de tous les habitants de Vernon pour le corps médical faisant front à la maladie. L’infirmière lève la tête telle une chevalière sur son destrier. Sa tâche ne fait que commencer. Elle ne sait pas pour combien de temps. Mais ce soir, elle ne se bat pas seul. Elle affronte le virus pour et avec sa ville, Vernon.