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— Prenez place, monsieur Pascal Angst. Quelle est votre question ?
Pascal s'assit docilement sur le siège inconfortable qu'on lui proposait. Il regarda à peine le médecin pour se tourner vers la boîte sur le bureau. De l'extérieur, elle n'était pas très imposante et on aurait facilement pu la confondre avec autre chose. Tenez, avec sa fente sur le dessus, on aurait pu la prendre pour une urne de vote ou une boîte aux lettres. Le seul élément qui intriguait était sa couleur noire : aucune autre couleur n'était aussi profonde et opaque que ce noir-là. Elle renfermait un mystère étrange et indéchiffrable qui mettait Pascal mal à l'aise. Depuis des années, les scientifiques les plus renommés travaillaient à étudier la boîte, mais aucun d'eux n'avait réussi à comprendre son fonctionnement. D'habiles serruriers avaient essayé de l'ouvrir sans obtenir plus de succès. À l'heure actuelle, on savait juste que la boîte noire répondait à n'importe quelle question pour peu qu'on lui donne des informations suffisantes. De nombreuses théories circulaient : certains prétendaient qu'il se trouvait une technologie extraterrestre dans la boîte, ou qu'il y avait un nain qui lisait les messages, d'autres pensaient qu'il s'y cachait un mouton...
On ne savait pas, mais on faisait confiance.
Pascal déglutit et expliqua la raison de sa venue :
— Docteur, je... je suis amoureux.
— Parfait ! Ça vous fait de belles jambes (mais de courtes nuits). En quoi puis-je vous aider ?
— Je voulais avoir l'avis de la boîte noire sur notre relation. Voyez-vous, la boîte m'a déjà beaucoup aidé à trouver du travail : elle m'a conseillé d'être gardien de zoo ! Je suis déjà venu. Vous... vous vous souvenez peut-être de moi ?
— Bien sûr que je me souviens de vous : vous étiez le type qui ne ressemblait à rien.
— Euh...
— Les politesses sont finies, commençons sans plus attendre.
Le médecin sortit alors de son bureau un long formulaire sur lequel était écrit « Vie amoureuse ». Il le tendit à Pascal tout en lui donnant des consignes :
— Vous devez répondre avec franchise et précision. Je ne veux que des informations factuelles. N'écrivez pas les chiffres en toutes lettres : je veux un « 3 », pas un « trois ». Utilisez de l'encre noire, et de préférence ne vous servez pas de la lettre « O » : nous avons remarqué que cela améliorait les prédictions.
— Mais... Sur le formulaire, on me demande mon métier. Je ne vais quand même pas écrire « Gardien de Z » ?
— Mettez « surveillant pénitentiaire des animaux ».
— Et le signe du zodiaque ? Est-ce que je peux sauter cette question ?
— Alors comme ça, monsieur est un anarchiste ! Je vous ordonne de mettre le signe du zodiaque.
— Ma copine est lion, je crois... Je ne suis pas sûr...
— Faites attention : si vous vous trompez dans ce formulaire, les résultats donnés par la boîte noire seront inutilisables ! Connaissez-vous la théorie du chaos ?
— Euh...
— Cette théorie affirme que le moindre changement dans les variables d'entrée impacte massivement les résultats ! C'est de là que vient l'effet papillon. Les résultats donnés par la boîte noire dépendent de toutes vos réponses, alors faites bien attention à ce que vous écrivez. Maintenant, vous allez me faire le plaisir de vous souvenir de ce signe du zodiaque, car on ne plaisante pas avec l'astrologie. On fait de la science exacte ici !
— ... Je vais mettre lion.
— On ne met pas de « O » dans le formulaire ! Mettez « un puma qui fait une fantaisie capillaire ».
Pascal nota docilement. Il s'efforça de répondre le mieux possible à toutes les questions. À chaque fois qu'il bloquait sur quelque chose, il demandait au médecin qui lui faisait alors comprendre en quelques phrases sèches qu'il était un incapable. Malgré tout, Pascal parvint à finir de remplir le formulaire et le rendit timidement.
— Êtes-vous certain de vos réponses ? N'oubliez pas : si les données sont inexactes, la réponse de la boîte noire ne vaut rien.
— Oui, la théorie du chaos...
— Très bien, je vais soumettre votre problème à la boîte noire.
Avec des gestes théâtraux, le médecin souleva le formulaire au-dessus de sa tête et le garda quelques secondes en l'air comme Moïse soulevant les Tables de la Loi. Après avoir murmuré quelques mots pour lui seul, il plongea le formulaire dans la fente d'un geste fluide et recula de trois pas.
... Pendant un moment, il ne se produisit rien. Pascal s'attendait à un bruit quelconque. À vrai dire, la première fois qu'il était venu, la boîte noire avait fait un boucan effrayant ! C'était un mélange déconcertant d'engrenages, de cris d'oiseaux et de rhinopharyngites qui avait empli la pièce un instant. Il s'en souvenait bien, car il avait sursauté et il avait fallu que le médecin le tranquillise. Le silence était encore plus effrayant.
— Monsieur le médecin ?
— Taisez-vous ! La boîte noire réfléchit.
— Elle ?
— Il faut avoir confiance en la boîte noire ! Tenez, votre réponse est en train de sortir.
En effet, avec un bruit d'imprimante, un papier sortit paresseusement de la fente et tomba sur le bureau. Le médecin se jeta dessus comme un puma affamé qui fait une fantaisie capillaire. Mettant de petites lunettes en écaille il lit la prédiction en se frottant le menton. Quand il trouva que Pascal était suffisamment angoissé, il lança comme un couperet :
— Quittez votre copine.
— Quoi ?! Mais... je l'aime. À vrai dire, je voulais la demander en mariage, c'est pour ça que...
Le médecin eut un geste impérieux qui fit taire Pascal. Ôtant lentement ses petites lunettes, il dit avec froideur :
— La boîte noire a toujours raison. Vous avez votre réponse.
— Mais... nous...
— Je ne veux pas le savoir ! Maintenant, sortez d'ici !
Confus et penaud, Pascal sortit sur le trottoir. Il ne savait pas trop quoi penser de ce qu'il venait d'entendre. Quitter Aurore ? Cela lui semblait absurde. Ils vivaient dans le même appartement depuis maintenant trois ans, ils connaissaient les parents l'un de l'autre, ils partaient en vacances ensemble...
C'est vrai que ce n'était pas toujours facile entre eux : ils se disputaient parfois, il y avait des jours où ils ne trouvaient rien à se dire, et ils se taisaient. Ils ne se comprenaient pas totalement... Mais au fond, l'amour, ce n'est pas se comprendre, c'est s'accepter. Oui, c'est ça : ils s'acceptaient. Ils acceptaient les silences, ils acceptaient les concessions, ils acceptaient tout avec le sourire, car ils se faisaient confiance. Ce n'était pas facile, mais c'était beau.
Pourtant la boîte noire voulait qu'ils se séparent.
Pascal sortit son portable et composa machinalement le numéro d'Aurore. Il attendit quelques secondes, et se décida enfin à appuyer sur la touche du téléphone vert. Aurore décrocha presque instantanément :
— Hey Pascal ! T'étais passé où ? Ça fait trois heures que tu es parti, le film commence dans quarante minutes.
— J'étais chez le médecin. Aurore, j'ai deux choses très importantes à te dire.
— Tu as l'air sérieux dis donc.
— C'est quoi ton signe du zodiaque ?
— ... Pascal, pourrais-tu me donner la définition du mot « important » ? Le médecin que tu viens de voir, c'est un psy ?
— C'est très important. Quel est ton signe du zodiaque ?
— Laisse-moi vérifier quelque chose... Ah, voilà : « Face à un fou, il est conseillé d'obtempérer, qu'importe si ses demandes paraissent déraisonnables. » Bon, je suis cancer.
— Pas lion ?
— J'aimerais, mais non. Je suis cancer.
— Tu es sûre de toi ? Il faut prendre l'astrologie au sérieux !
— Cancer, comme la chanson d'Architects. Sinon, ça va la tête en ce moment ?
— Oh... Tu connais la théorie du chaos ?
— Le battement d'aile d'un papillon et ce genre de trucs ? Oui. Pourquoi ?
— Non, rien. Sinon, j'ai un autre truc à te demander.
— Vas-y. Après la première question, je ne sais vraiment pas à quoi m'attendre.
— Est-ce que tu veux m'épouser ?
Pascal s'assit docilement sur le siège inconfortable qu'on lui proposait. Il regarda à peine le médecin pour se tourner vers la boîte sur le bureau. De l'extérieur, elle n'était pas très imposante et on aurait facilement pu la confondre avec autre chose. Tenez, avec sa fente sur le dessus, on aurait pu la prendre pour une urne de vote ou une boîte aux lettres. Le seul élément qui intriguait était sa couleur noire : aucune autre couleur n'était aussi profonde et opaque que ce noir-là. Elle renfermait un mystère étrange et indéchiffrable qui mettait Pascal mal à l'aise. Depuis des années, les scientifiques les plus renommés travaillaient à étudier la boîte, mais aucun d'eux n'avait réussi à comprendre son fonctionnement. D'habiles serruriers avaient essayé de l'ouvrir sans obtenir plus de succès. À l'heure actuelle, on savait juste que la boîte noire répondait à n'importe quelle question pour peu qu'on lui donne des informations suffisantes. De nombreuses théories circulaient : certains prétendaient qu'il se trouvait une technologie extraterrestre dans la boîte, ou qu'il y avait un nain qui lisait les messages, d'autres pensaient qu'il s'y cachait un mouton...
On ne savait pas, mais on faisait confiance.
Pascal déglutit et expliqua la raison de sa venue :
— Docteur, je... je suis amoureux.
— Parfait ! Ça vous fait de belles jambes (mais de courtes nuits). En quoi puis-je vous aider ?
— Je voulais avoir l'avis de la boîte noire sur notre relation. Voyez-vous, la boîte m'a déjà beaucoup aidé à trouver du travail : elle m'a conseillé d'être gardien de zoo ! Je suis déjà venu. Vous... vous vous souvenez peut-être de moi ?
— Bien sûr que je me souviens de vous : vous étiez le type qui ne ressemblait à rien.
— Euh...
— Les politesses sont finies, commençons sans plus attendre.
Le médecin sortit alors de son bureau un long formulaire sur lequel était écrit « Vie amoureuse ». Il le tendit à Pascal tout en lui donnant des consignes :
— Vous devez répondre avec franchise et précision. Je ne veux que des informations factuelles. N'écrivez pas les chiffres en toutes lettres : je veux un « 3 », pas un « trois ». Utilisez de l'encre noire, et de préférence ne vous servez pas de la lettre « O » : nous avons remarqué que cela améliorait les prédictions.
— Mais... Sur le formulaire, on me demande mon métier. Je ne vais quand même pas écrire « Gardien de Z » ?
— Mettez « surveillant pénitentiaire des animaux ».
— Et le signe du zodiaque ? Est-ce que je peux sauter cette question ?
— Alors comme ça, monsieur est un anarchiste ! Je vous ordonne de mettre le signe du zodiaque.
— Ma copine est lion, je crois... Je ne suis pas sûr...
— Faites attention : si vous vous trompez dans ce formulaire, les résultats donnés par la boîte noire seront inutilisables ! Connaissez-vous la théorie du chaos ?
— Euh...
— Cette théorie affirme que le moindre changement dans les variables d'entrée impacte massivement les résultats ! C'est de là que vient l'effet papillon. Les résultats donnés par la boîte noire dépendent de toutes vos réponses, alors faites bien attention à ce que vous écrivez. Maintenant, vous allez me faire le plaisir de vous souvenir de ce signe du zodiaque, car on ne plaisante pas avec l'astrologie. On fait de la science exacte ici !
— ... Je vais mettre lion.
— On ne met pas de « O » dans le formulaire ! Mettez « un puma qui fait une fantaisie capillaire ».
Pascal nota docilement. Il s'efforça de répondre le mieux possible à toutes les questions. À chaque fois qu'il bloquait sur quelque chose, il demandait au médecin qui lui faisait alors comprendre en quelques phrases sèches qu'il était un incapable. Malgré tout, Pascal parvint à finir de remplir le formulaire et le rendit timidement.
— Êtes-vous certain de vos réponses ? N'oubliez pas : si les données sont inexactes, la réponse de la boîte noire ne vaut rien.
— Oui, la théorie du chaos...
— Très bien, je vais soumettre votre problème à la boîte noire.
Avec des gestes théâtraux, le médecin souleva le formulaire au-dessus de sa tête et le garda quelques secondes en l'air comme Moïse soulevant les Tables de la Loi. Après avoir murmuré quelques mots pour lui seul, il plongea le formulaire dans la fente d'un geste fluide et recula de trois pas.
... Pendant un moment, il ne se produisit rien. Pascal s'attendait à un bruit quelconque. À vrai dire, la première fois qu'il était venu, la boîte noire avait fait un boucan effrayant ! C'était un mélange déconcertant d'engrenages, de cris d'oiseaux et de rhinopharyngites qui avait empli la pièce un instant. Il s'en souvenait bien, car il avait sursauté et il avait fallu que le médecin le tranquillise. Le silence était encore plus effrayant.
— Monsieur le médecin ?
— Taisez-vous ! La boîte noire réfléchit.
— Elle ?
— Il faut avoir confiance en la boîte noire ! Tenez, votre réponse est en train de sortir.
En effet, avec un bruit d'imprimante, un papier sortit paresseusement de la fente et tomba sur le bureau. Le médecin se jeta dessus comme un puma affamé qui fait une fantaisie capillaire. Mettant de petites lunettes en écaille il lit la prédiction en se frottant le menton. Quand il trouva que Pascal était suffisamment angoissé, il lança comme un couperet :
— Quittez votre copine.
— Quoi ?! Mais... je l'aime. À vrai dire, je voulais la demander en mariage, c'est pour ça que...
Le médecin eut un geste impérieux qui fit taire Pascal. Ôtant lentement ses petites lunettes, il dit avec froideur :
— La boîte noire a toujours raison. Vous avez votre réponse.
— Mais... nous...
— Je ne veux pas le savoir ! Maintenant, sortez d'ici !
Confus et penaud, Pascal sortit sur le trottoir. Il ne savait pas trop quoi penser de ce qu'il venait d'entendre. Quitter Aurore ? Cela lui semblait absurde. Ils vivaient dans le même appartement depuis maintenant trois ans, ils connaissaient les parents l'un de l'autre, ils partaient en vacances ensemble...
C'est vrai que ce n'était pas toujours facile entre eux : ils se disputaient parfois, il y avait des jours où ils ne trouvaient rien à se dire, et ils se taisaient. Ils ne se comprenaient pas totalement... Mais au fond, l'amour, ce n'est pas se comprendre, c'est s'accepter. Oui, c'est ça : ils s'acceptaient. Ils acceptaient les silences, ils acceptaient les concessions, ils acceptaient tout avec le sourire, car ils se faisaient confiance. Ce n'était pas facile, mais c'était beau.
Pourtant la boîte noire voulait qu'ils se séparent.
Pascal sortit son portable et composa machinalement le numéro d'Aurore. Il attendit quelques secondes, et se décida enfin à appuyer sur la touche du téléphone vert. Aurore décrocha presque instantanément :
— Hey Pascal ! T'étais passé où ? Ça fait trois heures que tu es parti, le film commence dans quarante minutes.
— J'étais chez le médecin. Aurore, j'ai deux choses très importantes à te dire.
— Tu as l'air sérieux dis donc.
— C'est quoi ton signe du zodiaque ?
— ... Pascal, pourrais-tu me donner la définition du mot « important » ? Le médecin que tu viens de voir, c'est un psy ?
— C'est très important. Quel est ton signe du zodiaque ?
— Laisse-moi vérifier quelque chose... Ah, voilà : « Face à un fou, il est conseillé d'obtempérer, qu'importe si ses demandes paraissent déraisonnables. » Bon, je suis cancer.
— Pas lion ?
— J'aimerais, mais non. Je suis cancer.
— Tu es sûre de toi ? Il faut prendre l'astrologie au sérieux !
— Cancer, comme la chanson d'Architects. Sinon, ça va la tête en ce moment ?
— Oh... Tu connais la théorie du chaos ?
— Le battement d'aile d'un papillon et ce genre de trucs ? Oui. Pourquoi ?
— Non, rien. Sinon, j'ai un autre truc à te demander.
— Vas-y. Après la première question, je ne sais vraiment pas à quoi m'attendre.
— Est-ce que tu veux m'épouser ?
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Pourquoi on a aimé ?
Un ton léger et une bonne dose d'humour, des échanges décalés entre les personnages, un côté futuriste évoqué, ce texte rassemble tous les
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Pourquoi on a aimé ?
Un ton léger et une bonne dose d'humour, des échanges décalés entre les personnages, un côté futuriste évoqué, ce texte rassemble tous les