Ça a duré une bonne minute, une vraie minute, une éternité.J'étais dans un état de terreur,comme tout le monde d'ailleurs,c'est ce qu'on dit les pompiers, ce qu'ont répété les journalistes dans toutes les chaînes de télévision , à la radio ou encore sur les résaux sociaux . En quelques secondes ,Beyrouth était ravagé, tout était détruit.
🕡 18h08
J'étais dans mon bel appartement situé proche du port de Beyrouth , assise devant ce qui était autrefois une fenêtre .Puis, d'un coup,
c'était comme si on frappait le bâtiment,comme si une tornade s'infiltrait à l'intérieur ,des débris ont volé autour de moi,et la fumée s'est répandue dans l'air, obscurcissant mon champ de vision..J'ai poussé un cri, un cri des profondeurs, presque un hurlement au point d'en déchirer les poumons. Les murs en ont tremblé. Poids écrasant. Temps arrêté .
PLUS RIEN .
plus rien n'existait autour de moi ,seule la mezzanine, l'endroit de l'écriture, demeure un havre. Comme si les années passées à y écrire en avaient solidement campé la solitude.
Il se peut que ce que je ressens ne soit pas de la douleur mais un retour immédiat à la vie, à mon corps...
Ma salive s'est tarie, j'ai besoin de l'eau La soif n'est que la phase lucide de la longue angoisse .
"Au secours " ai-je dit , avec une voix presque inaudible.Sous ces décombres qui va m'entendre ?
🕡 18:30
Mon frère m'a retrouvée ,transportée en mobylette vers l'hôpital le plus proche. Le crâne ouvert, On a dû faire quasiment le tour des hôpitaux avant que l'un m'accepte et me soigne .La nuit s'est abattue sur cette journée
Du 4 août 2020 .
Dans la chambre 97 de l'hôpital de la ville j'y étais avec cinq autres personnes mais je devais la quitter pour laisser place aux plus nécessiteux .
" Être sans-abri est mon destin donc ! il me faut l'accepter", me répétais-je à voix haute devant le miroir . Quelle horreur,que de le dire, le sentir et le penser.
La fin du jour approche et je dois rentrer chez moi , ça ne sera pas pour audjourd'hui , peut-être demain ou après-demain...
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Trois ans plus tard ,J'ai un visage lacéré à la peau lésée. Il ne s'est pas affaissé comme certains visages à traits fins, il a gardé les mêmes contours mais sa matière est détruite. J'ai un visage détruit.
J'ai des plaies putrides qu'encore aujourd'hui je cherche à dissimuler .
Je souhaite toujours oublier...Hélas, les souhaits sont aussi des maladies .