Chanson de geste en bien vieille langue ou médiévale de fantaisie
L'action est en ancienne Bretagne. Au loin, sur un plateau enrubanné de brumes, les troupes ennemies se préparent à la bataille. La reine s'apprête à franchir la Tamise avec ses troupes.
- Nous allons les écraser comme moucheronnes aux biberons, tonne-t-elle.
À sa droite, ayant retiré heaume, collet et gourmette pour respirer plus à son aise, une attaquante s’avise que les couleurs des troupes sont plus bigarrées qu'il n'y paraissait d'abord.
- N’est-ce point là Glasgow qui marche sur nous ?
- Que dites-vous ?
- L'Irlande, hélas, a rejoint le clan ennemi.
- Damned. Passez-moi cette lorgnette.
Relevant sa visière, la reine plisse à son tour les yeux sur l'horizon.
- Argh, dit-elle sans façon.
- N'ai-je pas raison ?
- Vous ne m'avez pas tout dit... car oui, là, ce tartan, à côté de Fifalbala montée sur Unibet... Édimbourg a rejoint leurs rangs !
- Non !
- Si.
- Voyez-vous quelques flasques de ce liquide ambré pendre à leurs sacoches ?
- Si fait, mais je sais à quoi vous pensez. C'est non. En combat loyal il nous faut jouter.
À cet instant, confirmant toutes les craintes, un haut son de corne sonne dans la brume.
Le signe est clair. La bataille sera rude.
- Holà, compagnonnes, tonne la reine, gardez-vous bien sur les ailes et ne quittez les filets. Défense sera faite à l'ennemi de s'approcher de nos lignes. Le reste conduira la balle au pied et, sans plus craindre ni ruse ni tromperie, usera de toutes diversions pour aller droit au but. De celles qui ont le corps haut et gras, les mirettes claires et le mollet gaillard, je demande grande vigile quand la balle viendra à passer. Pour les arrières, plus alertes que pie grièche, plus vives que pinson, elles rabattrons l'attaque en nostre camp !
En face cependant, sur l’autre rive, l’ennemi fourrage encore dans son plan de bataille. La reine les regardant prend le temps du souvenir et voici que des voix ancestrales viennent susurrer à ses oreilles. Jamais ma mie par traîtrise ne prendra l’ennemi. Toujours d’un mal le bien devra triompher, avec un coup droit porté bien net et franc.
- Hmmmm, il nous faut souffrir encore quelques atermoiements, intime la reine tandis qu'à ses côtés s'impatientent les ailes, la gardienne, la défense et les attaquantes.
Le piétinement des chevaux commence de faire beau bourbier peu fait pour leur faciliter la tâche.
- Y allons-nous, notre reine ? Nous les désaltérerons à la mi-temps de ce cru écossais, et nous l'emporterons !
Hmmmm, se dit la reine in petto.
La voyant tentée, la cohorte d'ancêtres repart à l'assaut pour la tancer : garde-toi comme peste de ruse et fourberie.
La dame se rebelle : ainsi, au lieu de guerroyer joyeusement, de lancer poings et pieds au petit jugé (voire même à l’aveuglette) et de vile stratégie se délecter, il faudrait penser sans aucun détour pour balle au pied bien mener ?
Est-ce bien certain ? avait déjà hasardé la fillette lorsque à l'âge tendre encore ces conseils lui furent répétés.
Mais déjà sur l'autre rive roule le nuage de poussière soulevé par les sabots. Le vent se lève. Gris et gros de la tempête à venir, il souffle sur les herbes. Jambes, colonnes d'airain, torses cuirassés, visages, chevelures flottant au vent sous les bannières. Les sourires se dessinent, tout pleins de canines carnassières.
- Vous voyez bien qu'il s'agit d'en découdre, ma reine, dit l'aile droite.
- Pourrons-nous user des poings et des gantelets cloutés ? demande la défense, la voix pleine d'espérance, en ajustant son éperon.
- Avec modération, lui répondit-on après un délai de réflexion.
- Mais, ma reine, vous voyez bien qu'ils sont en nombre...
- Oh et puis zut, vous avez raison.
Lors la reine fait sonner son clairon haut et clair et pousse li chevaux dedans la rivière au gué dit de la reine en chantant sa chanson (oh gué). Rotoploc rotoploc font li chevaux avant de hisser vaillamment leurs croupes sur terre ferme.
Bientôt, sur l'autre rive, la bataille fait rage. Cols et harnais entremêlés (l’époque autorisait fantaisies de toutes sortes) la balle alla d’un but à un, puis de deux, puis de trois. À la mi-temps, alors que tout semblait perdu, on sortit verres et carafons. Le breuvage d'Ecosse fit merveille, on délia les cottes, les cols et les écus. Trois buts à deux, trois à trois...
Le clan de la reine, d'abord navré, fait une remontée spectaculaire. Ralliant et liant les bottes défensives, elle pense remporter la bataille avec quatre buts à trois. Ô chansons sur les parvis, agrestes algarades, accortes accolades et petits croche-pieds. La victoire serait à nous ? C’est alors que, venue de nulle part, une arrière la surprend et court tout le terrain pour, au dernier moment, décocher un coup bien pensé qui atterrit en plein filet.
Quatre à quatre.
Ex æquo ? Oui.
Prenez, si m’en croyez, le temps des chants, des agrestes algarades, des accortes accolades, des petites foulées picotées par les blés dans les matins d’été. Tant qu’il est encore temps.
L'action est en ancienne Bretagne. Au loin, sur un plateau enrubanné de brumes, les troupes ennemies se préparent à la bataille. La reine s'apprête à franchir la Tamise avec ses troupes.
- Nous allons les écraser comme moucheronnes aux biberons, tonne-t-elle.
À sa droite, ayant retiré heaume, collet et gourmette pour respirer plus à son aise, une attaquante s’avise que les couleurs des troupes sont plus bigarrées qu'il n'y paraissait d'abord.
- N’est-ce point là Glasgow qui marche sur nous ?
- Que dites-vous ?
- L'Irlande, hélas, a rejoint le clan ennemi.
- Damned. Passez-moi cette lorgnette.
Relevant sa visière, la reine plisse à son tour les yeux sur l'horizon.
- Argh, dit-elle sans façon.
- N'ai-je pas raison ?
- Vous ne m'avez pas tout dit... car oui, là, ce tartan, à côté de Fifalbala montée sur Unibet... Édimbourg a rejoint leurs rangs !
- Non !
- Si.
- Voyez-vous quelques flasques de ce liquide ambré pendre à leurs sacoches ?
- Si fait, mais je sais à quoi vous pensez. C'est non. En combat loyal il nous faut jouter.
À cet instant, confirmant toutes les craintes, un haut son de corne sonne dans la brume.
Le signe est clair. La bataille sera rude.
- Holà, compagnonnes, tonne la reine, gardez-vous bien sur les ailes et ne quittez les filets. Défense sera faite à l'ennemi de s'approcher de nos lignes. Le reste conduira la balle au pied et, sans plus craindre ni ruse ni tromperie, usera de toutes diversions pour aller droit au but. De celles qui ont le corps haut et gras, les mirettes claires et le mollet gaillard, je demande grande vigile quand la balle viendra à passer. Pour les arrières, plus alertes que pie grièche, plus vives que pinson, elles rabattrons l'attaque en nostre camp !
En face cependant, sur l’autre rive, l’ennemi fourrage encore dans son plan de bataille. La reine les regardant prend le temps du souvenir et voici que des voix ancestrales viennent susurrer à ses oreilles. Jamais ma mie par traîtrise ne prendra l’ennemi. Toujours d’un mal le bien devra triompher, avec un coup droit porté bien net et franc.
- Hmmmm, il nous faut souffrir encore quelques atermoiements, intime la reine tandis qu'à ses côtés s'impatientent les ailes, la gardienne, la défense et les attaquantes.
Le piétinement des chevaux commence de faire beau bourbier peu fait pour leur faciliter la tâche.
- Y allons-nous, notre reine ? Nous les désaltérerons à la mi-temps de ce cru écossais, et nous l'emporterons !
Hmmmm, se dit la reine in petto.
La voyant tentée, la cohorte d'ancêtres repart à l'assaut pour la tancer : garde-toi comme peste de ruse et fourberie.
La dame se rebelle : ainsi, au lieu de guerroyer joyeusement, de lancer poings et pieds au petit jugé (voire même à l’aveuglette) et de vile stratégie se délecter, il faudrait penser sans aucun détour pour balle au pied bien mener ?
Est-ce bien certain ? avait déjà hasardé la fillette lorsque à l'âge tendre encore ces conseils lui furent répétés.
Mais déjà sur l'autre rive roule le nuage de poussière soulevé par les sabots. Le vent se lève. Gris et gros de la tempête à venir, il souffle sur les herbes. Jambes, colonnes d'airain, torses cuirassés, visages, chevelures flottant au vent sous les bannières. Les sourires se dessinent, tout pleins de canines carnassières.
- Vous voyez bien qu'il s'agit d'en découdre, ma reine, dit l'aile droite.
- Pourrons-nous user des poings et des gantelets cloutés ? demande la défense, la voix pleine d'espérance, en ajustant son éperon.
- Avec modération, lui répondit-on après un délai de réflexion.
- Mais, ma reine, vous voyez bien qu'ils sont en nombre...
- Oh et puis zut, vous avez raison.
Lors la reine fait sonner son clairon haut et clair et pousse li chevaux dedans la rivière au gué dit de la reine en chantant sa chanson (oh gué). Rotoploc rotoploc font li chevaux avant de hisser vaillamment leurs croupes sur terre ferme.
Bientôt, sur l'autre rive, la bataille fait rage. Cols et harnais entremêlés (l’époque autorisait fantaisies de toutes sortes) la balle alla d’un but à un, puis de deux, puis de trois. À la mi-temps, alors que tout semblait perdu, on sortit verres et carafons. Le breuvage d'Ecosse fit merveille, on délia les cottes, les cols et les écus. Trois buts à deux, trois à trois...
Le clan de la reine, d'abord navré, fait une remontée spectaculaire. Ralliant et liant les bottes défensives, elle pense remporter la bataille avec quatre buts à trois. Ô chansons sur les parvis, agrestes algarades, accortes accolades et petits croche-pieds. La victoire serait à nous ? C’est alors que, venue de nulle part, une arrière la surprend et court tout le terrain pour, au dernier moment, décocher un coup bien pensé qui atterrit en plein filet.
Quatre à quatre.
Ex æquo ? Oui.
Prenez, si m’en croyez, le temps des chants, des agrestes algarades, des accortes accolades, des petites foulées picotées par les blés dans les matins d’été. Tant qu’il est encore temps.