L'opéra bouffe

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Les portes de l'opéra s'ouvrent pour le public comme chaque soir. Les invités viennent découvrir ou redécouvrir un moment exceptionnel que seul le palais offre aux fins connaisseurs. La notoriété du Chef est légendaire ; elle dépasse les frontières. Il orchestre sa brigade avec brio, les mène à la baguette dans un parfait tempo. La salle se remplit lentement. Installés confortablement dans des fauteuils de velours, ils prennent connaissance du déroulé de la soirée, un verre de champagne à la main. À la lecture des nouvelles compositions, il est difficile de retenir son excitation. Il résonne déjà dans la tête un air de fête.

Le sifflet de la mandoline fredonne dans les coulisses. Les artistes révisent leur gamme. C'est le début du programme. Pour que la mélodie soit parfaite, il faut que l'harmonie soit complète. Chacun affûte son instrument pour qu'il délivre le son que le Chef attend. Les fausses notes sont interdites si on ne veut pas le faire bouillir comme une marmite. Il faut accorder les violons pour être à l'unisson.

Tandis qu'un garçon joue du piston, le second se met au diapason. Tout se déroule sans accroche. Les arrangements se font naturellement. Il suffit que le Chef donne la mesure pour que le piano se calibre à la bonne température. On entend le rondeau qui bouillonne. La musique est bonne.

Tout le monde est au fourneau.

Un léger frémissement vient faire grincer les dents. Le Chef lève le ton. Les fouets se remettent en action. Les batteries résonnent. Les cuivres livrent enfin leur partition.

Le concert des casseroles décolle. Les girolles sautillantes chantent sans aucun bémol. Les trompettes jaillissent dans les assiettes. Le tournedos Rossini monte crescendo. Le bœuf est saisi à cœur maestoso. Les accords sont parfaitement réalisés.

Les cloches sonnent le final pour annoncer les plats. Pour les artistes, après le temps fort, l'entracte arrive comme un réconfort. Ils ont mis un point d'orgue à livrer dans les temps leur chef-d'œuvre gourmand.

Dans la salle, les convives tendent l'oreille. Les ventres grondent comme un tonnerre d'applaudissements. Les timbales célèbrent l'arrivée du récital.

La symphonie des papilles n'en est qu'à son commencement.

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