L'inattendu

Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Peut-être les deux. Je revis dans ma tête ces épisodes où on me crucifiait, j'ai l'impression de mourir à petit feu, je broie le noir, j'entends encore se marteler sur ma tête : « PIMPIM Jacqueline, coupable. »! Et ces hurlements de l'assistance... Ces mots qui continuent de trotter dans ma tête! Je revois Monsieur le président du tribunal annoncer devant toute l'assemblée: « Dossier nº 2 :
médisance et insulte publique de Madame PIMPIM Jacqueline par Madame AKOUPTCHOU Solange. ». Toutes ces secondes qui se sont égrenées, toutes ces minutes, toutes ces heures, toutes ces semaines, tous ces mois... Je revois défiler dans ma mémoire ces paroles indélébiles :

- Maitre KAMDEM, veuillez nous présenter votre plaidoirie.

- Merci votre Honneur ! Votre Honneur, conscient de votre grand esprit de discernement, je vais sans fioriture rappeler à la cour les faits qui sont reprochés à ma cliente Madame AKOUPTCHOU Solange ici présente :

Femme travailleuse, fervente chrétienne et donc honnête par ricochet, ma cliente AKOUPTCHOU Solange se rendait paisiblement à ses travaux champêtres, '' La terre ne ment pas. ", dit-on. Chemin faisant, elle tomba sur une connaissance, Macooo, comme elles ont l'habitude de l'appeler. Ne pouvant pas contenir sa langue juste, franche et véridique, ma cliente AKOUPTCHOU Solange après quelques salutations distinguées, fit sans contrepartie cette brillante révélation à Macooo; je cite :

« Macooo je ne te dis pas... Macooo tu connais PIMPIM Jacqueline ? Notre camarade de classe qui s'est mariée dernièrement à un diplomate là. PIMPIM Jacqueline, la fille noire, sombre qui avait fait le Djansan jusqu'à devenir comme la banane pourrie là. PIMPIM Jacqueline, la fille qui vendait les avocats au carrefour là. N'est-ce-pas elle a épousé un mec riche, c'est les voitures que tu veux voir ? Mais Macooo je ne dis pas... Ça fait déjà 5 ans ! Même pas une fausse couche ! Macooo je ne te dis pas... Comme je suis Mère Thérèsa, n'est-ce-pas la Bembêche a porté ses pieds pour venir chez moi, que comme je suis sa Kombi de depuis depuis là, qu'elle a un problème et elle a besoin de mon aide... Macooo je ne te dis pas... Elle est stérile ! ».

Fin de citation ! Publicité gratuite votre Honneur ! Ma cliente Madame AKOUPTCHOU Solange venait ainsi en femme d'honneur d'ouvrir au grand jour cette plaie qui pourrissait dans l'obscurité... L'ingratitude des hommes la rattrapa un jour en plein Marché Mokolo où elle avait l'habitude de faire ses petites courses pour préserver l'harmonie de son couple, femme serviable et soumise à son taximan de mari. Alors, la nommée PIMPIM Jacqueline, d'un bras de Nangaboko, la saisit par derrière, et ma cliente d'une agilité de chat, se libéra habilement de son bourreau, qui l'étranglait le bras. Et cette agresseuse, sortit aussitôt sa langue pointue de ses lèvres noires, ayant résisté au Djansan, si je peux reprendre avec justesse, l'exactitude des propos de ma fière cliente, et lança aussitôt, sans le moindre bonjour, son venin verbal sur le doux visage de ma fière cliente, teint clair, naturel, couleur d'ébène... Je cite :

« Tu es allée dire à Macooo que quoi ? Tu es allée dire à Macooo que quoi ? Que je suis stérile n'est-ce pas ? ».

Fin de citation. Et ma fière cliente, fervente chrétienne, femme d'honneur, femme véridique, retorqua avec sagacité :

" Oui j'ai dit... Stérile, stérile, stérile. "

Fin de citation. La nommée PIMPIM Jacqueline, la menteuse je veux dire, votre Honneur, ne pouvant accepter la pure vérité, femme obscure par excellence, se mit à pleurer à chaudes larmes... Larmes de crocodile, votre Honneur. Je ne vais pas prendre la peine de rappeler à la cour, votre Honneur, ce principe cardinal, qui coiffe toutes les grandes pensées : " Tu ne mentiras point. ".

Que justice soit faite.
Je vous remercie.

- Merci Maître KAMDEM, merci Maître JIEUJOU, merci à toute la cour... Maintenant, nous allons mettre l'affaire en délibéré. (Un coup de marteau nous intima l'ordre de libérer la salle d'audience).

15 minutes plus tard, nous regagnâmes les lieux et Monsieur le président du tribunal prononça l'indescriptible sentence qui m'affligea sur ce fauteuil :

- Après avoir analysé scrupuleusement le dossier intitulé « Médisance et insulte publique de Madame PIMPIM Jacqueline par Madame AKOUPTCHOU Solange », après avoir écouté et reécouté les différents intervenants, conformément à la loi relative aux violences verbales, le tribunal sans aucune possibilité de recours, déclare la nommée PIMPIM Jacqueline, coupable pour les faits qui lui sont disculpés, la condamne à 6 mois d'emprisonnement ferme et l'oblige à payer chez la nommé AKOUPTCHOU Solange, non coupable, une amende de 200 mille francs pour dommages et intérêts répartis ainsi :

- 100 mille pour réparer les dommages causés sur Madame AKOUPTCHOU Solange, l'ayant traité abusivement de Ma'a Kongossa, ce véhicule de l'information en temps réel, claire, limpide, vraie et juste. Violant ainsi l'article relatif à la diffusion des Informations croustillantes.

- 75 mille pour frais de publicité gratuite auprès de la nommée AKOUPTCHOU Solange, conformément au code de déontologie de la communication audiovisuelle.

- 25 mille francs pour frais de constitution du dossier.

- La séance est levée !

Et je m'écroulai sur ces mots.