
— Oui ! Entrez ! Ah, bonjour Sylvie… Aïe ! Je n'aime pas cette tête. Nous avons un problème ?
— En effet… Un gros problème.
— Un décès ?
— Non…
— Une évasion ? Bagarre ? Agression d'un membre du personnel ? Écoutez Sylvie, ce n'est que mon cinquième jour ici et je suis assez occupée, je voudrais bien jouer aux devinettes avec vous, mais je…
— Une disparition.
— Quoi ?
— Une disparition. Le patient Santa… Il n'est plus dans sa chambre.
— Mince ! Pourquoi aujourd'hui avec tout ce boulot… Mais dites-moi Sylvie ! J'ai manqué un épisode ou vous venez de… ? Attendez ! Dites-moi donc la différence entre cette « disparition » et une évasion !
— Eh bien, ça va vous sembler difficile à croire, mais Laurent affirme avoir fermé la chambre de Santa hier, vers 21 heures… Il est formel, deux tours de clé… et ce matin, quand Alice l'a ouverte… il avait disparu.
— Ah ! Du coup, pas d'évasion, pas de faute professionnelle, pas de problème. Je vais donc transmettre un rapport au ministère de la justice en indiquant une « disparition »… Merci Sylvie.
— Écoutez, je sais bien que c'est difficile à croire et moi-même je…
— Non Sylvie, ce n'est pas difficile à croire. Pas du tout. C'est une insulte à mon intelligence. Faites-moi monter Laurent et Alice… Ah mais j'oubliais… Il est dangereux votre disparu ? Il est là pour quoi ? Meurtre ? Viol ? J'appelle le brigadier Rudolph en urgence ?
— Oh pour ça non, Santa c'est un doux dingue. L'être le plus pacifique du monde. Vous le connaissez d'ailleurs, c'est lui qui a joué au Père Noël pour l'arbre de Noël de l'hôpital avant-hier soir.
— Un patient ? Vous êtes en train de me dire qu'un de nos cingl… malades, s'est promené au milieu de tous les gamins du personnel pendant une heure ?
— Un doux dingue, je vous dis. Il est si… comment dire ? Ici tout le monde l'aime.
— Par pitié Sylvie… Par pitié, taisez-vous un moment… Et puis non, tiens. Allez, déballez-moi un peu le parcours de cet homme si aimable. Commencez par les broutilles, il n'aurait pas tué sa femme, ses enfants et toute une colonie de vacances par hasard ? Parce que vous n'êtes sans doute pas au courant, après tout vous n'êtes là que depuis vingt ans, mais ici nous n'accueillons que des criminels et des assassins reconnus irresponsables par la justice. Les pires psychopathes de ce pays… Nous sommes bien d'accord sur ce point ?
— Eh bien justement, c'est là un cas un peu particulier. Santa nous a été amené l'année dernière par Rudolph, c'était d'ailleurs au moment de Noël. Il était complètement débordé, ses cellules pleines à craquer. Il nous a demandé de lui garder ce monsieur.
— On détient donc ce Santa depuis un an à la demande de Rudolph et cela sans aucune condamnation, aucune formalité, aucune...
— C'est ça !
— Et… dites-moi un peu, on l'avait arrêté pour quel motif ?
— Oh rien de grave, un passant a prévenu les gendarmes qu'un gars déguisé en Père Noël dormait dans un fossé à la sortie de la ville. Ils l'ont embarqué. Mais ensuite ça s'est un peu compliqué…
— Je vous écoute... Pour une fois que ma sophro va me servir. Allez-y ! Je suis prête à tout.
— Il n'a jamais dévié de son obsession. Il affirme être le Père Noël. Le Père Noël. Je veux dire le vrai… Rudolph a longuement enquêté et nous aussi de notre côté. Impossible de retrouver sa véritable identité. Empreintes… Interpol… On s'est donné de la peine, je peux vous le dire… Lui, il se plaisait ici et il a toujours refusé de nous aider. Il affirme depuis ce jour et sans jamais en démordre être le Père Noël… S'appeler Santa Claus et… Et d'ailleurs c'est marrant, mais en y repensant… Non, vous n'allez pas…
— Vous croire ? Mais quelle importance, allez-y Sylvie ! Allez-y.
— Eh bien, je n'avais pas fait le rapprochement, mais à la réflexion il nous dit depuis un an qu'il devra nous quitter quelques jours avant Noël pour s'en aller s'assurer, auprès de ses lutins, que tout est prêt pour le réveillon…
— Des lutins… Des lutins ? Et pourquoi pas après tout… Allez ! Faites entrer les autres, j'ai compris votre manège. C'est un petit bizutage c'est ça ? Pour fêter ma prise de fonction ?
— Nous n'oserions pas…
— Alors pardon... Pardon d'avoir imaginé que vous oseriez… Restons-en donc à votre histoire. Si je résume, vous n'excluez pas que nous ayons affaire là, au vrai Père Noël ? C'est bien ça ?
— Mais pas du tout, je vous dis juste…
— Sortez Sylvie. Soyez gentille. Et envoyez-moi Laurent s'il vous plaît.
***
— Entrez ! Ah, bonjour Rudolph ! J'attendais un de mes infirmiers. Vous êtes au courant alors ? Votre Père Noël nous a quittés. Votre gentil cadeau… Comme ça… Puiifft. Envolé…
— Oui, j'ai eu la surprise de trouver une lettre, ce matin, sur ma table de nuit. C'est difficile à expliquer…
— Oh ! Pour ça, ne vous tracassez pas. Sylvie sort d'ici, elle vient de me servir une histoire de lutins, alors…
— Bien, je me lance. Donc, j'ai reçu une lettre ce matin, directement sur ma table de nuit. Mon alarme n'a pas bronché, et ma porte n'a pas été forcée. Mais passons… Je me lance… Ecoutez ça :
« Cher Jean Marc. Je viens de passer une année délicieuse dans l'établissement où vous avez eu la bonté de me faire admettre l'an dernier. Je peux vous le dire maintenant, lorsque vous m'avez sorti du fossé, j'étais au bout du rouleau, en plein burn-out. Mais il me faut maintenant repartir, les enfants passent avant tout. Je suis regonflé à bloc pour au moins un siècle. Je vous dois beaucoup, c’est pourquoi vous laisse un petit cadeau (ma spécialité) : deux billets pour un séjour en Antarctique. Le deuxième est pour la nouvelle directrice du centre psychiatrique. Vous ne le savez encore ni l'un ni l'autre, mais c'est ensemble que vous finirez votre vie, même si les débuts risquent d'être difficiles. C'est d'ailleurs par un grand cri que devrait commencer cette belle histoi... »
— ASSEZ !!! Assez par pitié. Toute cette ville s'est donc donné le mot pour se moquer de moi ? Et d'où avez-vous appris que je me passionne pour l'Antarctique ? Vous avez osé enquêter sur moi ? Vous avez…
— Vous vous passionnez pour l'Antarctique ? Vraiment ? Ah ben ça alors… Quelle coïncidence… Moi-même…
— Pardon, pardon je deviens folle, c'est cet endroit je crois. Asseyez-vous, brigadier. Je vais vous chercher un café et nous reprendrons cette histoire calmement. Je vais demander à un de nos docteurs de me donner quelque chose. Ils ont ici de quoi calmer les pires sociopathes de ce pays, les nerfs de leur directrice ne devraient pas leur résister…
— En effet… Un gros problème.
— Un décès ?
— Non…
— Une évasion ? Bagarre ? Agression d'un membre du personnel ? Écoutez Sylvie, ce n'est que mon cinquième jour ici et je suis assez occupée, je voudrais bien jouer aux devinettes avec vous, mais je…
— Une disparition.
— Quoi ?
— Une disparition. Le patient Santa… Il n'est plus dans sa chambre.
— Mince ! Pourquoi aujourd'hui avec tout ce boulot… Mais dites-moi Sylvie ! J'ai manqué un épisode ou vous venez de… ? Attendez ! Dites-moi donc la différence entre cette « disparition » et une évasion !
— Eh bien, ça va vous sembler difficile à croire, mais Laurent affirme avoir fermé la chambre de Santa hier, vers 21 heures… Il est formel, deux tours de clé… et ce matin, quand Alice l'a ouverte… il avait disparu.
— Ah ! Du coup, pas d'évasion, pas de faute professionnelle, pas de problème. Je vais donc transmettre un rapport au ministère de la justice en indiquant une « disparition »… Merci Sylvie.
— Écoutez, je sais bien que c'est difficile à croire et moi-même je…
— Non Sylvie, ce n'est pas difficile à croire. Pas du tout. C'est une insulte à mon intelligence. Faites-moi monter Laurent et Alice… Ah mais j'oubliais… Il est dangereux votre disparu ? Il est là pour quoi ? Meurtre ? Viol ? J'appelle le brigadier Rudolph en urgence ?
— Oh pour ça non, Santa c'est un doux dingue. L'être le plus pacifique du monde. Vous le connaissez d'ailleurs, c'est lui qui a joué au Père Noël pour l'arbre de Noël de l'hôpital avant-hier soir.
— Un patient ? Vous êtes en train de me dire qu'un de nos cingl… malades, s'est promené au milieu de tous les gamins du personnel pendant une heure ?
— Un doux dingue, je vous dis. Il est si… comment dire ? Ici tout le monde l'aime.
— Par pitié Sylvie… Par pitié, taisez-vous un moment… Et puis non, tiens. Allez, déballez-moi un peu le parcours de cet homme si aimable. Commencez par les broutilles, il n'aurait pas tué sa femme, ses enfants et toute une colonie de vacances par hasard ? Parce que vous n'êtes sans doute pas au courant, après tout vous n'êtes là que depuis vingt ans, mais ici nous n'accueillons que des criminels et des assassins reconnus irresponsables par la justice. Les pires psychopathes de ce pays… Nous sommes bien d'accord sur ce point ?
— Eh bien justement, c'est là un cas un peu particulier. Santa nous a été amené l'année dernière par Rudolph, c'était d'ailleurs au moment de Noël. Il était complètement débordé, ses cellules pleines à craquer. Il nous a demandé de lui garder ce monsieur.
— On détient donc ce Santa depuis un an à la demande de Rudolph et cela sans aucune condamnation, aucune formalité, aucune...
— C'est ça !
— Et… dites-moi un peu, on l'avait arrêté pour quel motif ?
— Oh rien de grave, un passant a prévenu les gendarmes qu'un gars déguisé en Père Noël dormait dans un fossé à la sortie de la ville. Ils l'ont embarqué. Mais ensuite ça s'est un peu compliqué…
— Je vous écoute... Pour une fois que ma sophro va me servir. Allez-y ! Je suis prête à tout.
— Il n'a jamais dévié de son obsession. Il affirme être le Père Noël. Le Père Noël. Je veux dire le vrai… Rudolph a longuement enquêté et nous aussi de notre côté. Impossible de retrouver sa véritable identité. Empreintes… Interpol… On s'est donné de la peine, je peux vous le dire… Lui, il se plaisait ici et il a toujours refusé de nous aider. Il affirme depuis ce jour et sans jamais en démordre être le Père Noël… S'appeler Santa Claus et… Et d'ailleurs c'est marrant, mais en y repensant… Non, vous n'allez pas…
— Vous croire ? Mais quelle importance, allez-y Sylvie ! Allez-y.
— Eh bien, je n'avais pas fait le rapprochement, mais à la réflexion il nous dit depuis un an qu'il devra nous quitter quelques jours avant Noël pour s'en aller s'assurer, auprès de ses lutins, que tout est prêt pour le réveillon…
— Des lutins… Des lutins ? Et pourquoi pas après tout… Allez ! Faites entrer les autres, j'ai compris votre manège. C'est un petit bizutage c'est ça ? Pour fêter ma prise de fonction ?
— Nous n'oserions pas…
— Alors pardon... Pardon d'avoir imaginé que vous oseriez… Restons-en donc à votre histoire. Si je résume, vous n'excluez pas que nous ayons affaire là, au vrai Père Noël ? C'est bien ça ?
— Mais pas du tout, je vous dis juste…
— Sortez Sylvie. Soyez gentille. Et envoyez-moi Laurent s'il vous plaît.
***
— Entrez ! Ah, bonjour Rudolph ! J'attendais un de mes infirmiers. Vous êtes au courant alors ? Votre Père Noël nous a quittés. Votre gentil cadeau… Comme ça… Puiifft. Envolé…
— Oui, j'ai eu la surprise de trouver une lettre, ce matin, sur ma table de nuit. C'est difficile à expliquer…
— Oh ! Pour ça, ne vous tracassez pas. Sylvie sort d'ici, elle vient de me servir une histoire de lutins, alors…
— Bien, je me lance. Donc, j'ai reçu une lettre ce matin, directement sur ma table de nuit. Mon alarme n'a pas bronché, et ma porte n'a pas été forcée. Mais passons… Je me lance… Ecoutez ça :
« Cher Jean Marc. Je viens de passer une année délicieuse dans l'établissement où vous avez eu la bonté de me faire admettre l'an dernier. Je peux vous le dire maintenant, lorsque vous m'avez sorti du fossé, j'étais au bout du rouleau, en plein burn-out. Mais il me faut maintenant repartir, les enfants passent avant tout. Je suis regonflé à bloc pour au moins un siècle. Je vous dois beaucoup, c’est pourquoi vous laisse un petit cadeau (ma spécialité) : deux billets pour un séjour en Antarctique. Le deuxième est pour la nouvelle directrice du centre psychiatrique. Vous ne le savez encore ni l'un ni l'autre, mais c'est ensemble que vous finirez votre vie, même si les débuts risquent d'être difficiles. C'est d'ailleurs par un grand cri que devrait commencer cette belle histoi... »
— ASSEZ !!! Assez par pitié. Toute cette ville s'est donc donné le mot pour se moquer de moi ? Et d'où avez-vous appris que je me passionne pour l'Antarctique ? Vous avez osé enquêter sur moi ? Vous avez…
— Vous vous passionnez pour l'Antarctique ? Vraiment ? Ah ben ça alors… Quelle coïncidence… Moi-même…
— Pardon, pardon je deviens folle, c'est cet endroit je crois. Asseyez-vous, brigadier. Je vais vous chercher un café et nous reprendrons cette histoire calmement. Je vais demander à un de nos docteurs de me donner quelque chose. Ils ont ici de quoi calmer les pires sociopathes de ce pays, les nerfs de leur directrice ne devraient pas leur résister…
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