Kilimandjaro

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20 juillet 2013. J'ai pris la photo comme on vole un bonbon. Sans réfléchir. Dans l'urgence. Le sommet enneigé m'a sauté au visage alors que, les bras serrés autour de ton corps, j'émergeais tout doucement d'une sieste réparatrice.

Je n'ai pas bougé, je ne l'ai pas quitté des yeux, je suis restée le nez collé au hublot et même lorsqu'il a totalement disparu, lorsque l'avion a quitté la sphère mythique de ce berceau du monde, j'ai su que je garderais toujours en moi l'image atemporelle de sa grandeur.

On aura mis quatre ans, quatre longues années à se demander si tout cela n'était pas pure folie, mais on aura fini par le gravir, le Kilimandjaro.

Au bas de la montagne, il y a d'abord eu les hésitations. On n'y arrivera jamais. Trop d'obstacles à franchir. Trop de gens pour vous décourager. Et cette petite voix, mauvaise, qui vous murmure sans cesse que c'est perdu d'avance.

Et puis de belles rencontres. De celles qui vous changent un homme. Comme celle de Khan, guerrier Maasaï. Il est resté à nos côtés, nous a guidés, encouragés, protégés. Il a souri la première fois qu'il nous a vus détaler, subitement, en agitant gauchement nos jambes boudinées pour aller soulager notre ascenseur intestinal déréglé. Loin, très loin de notre monde aseptisé où les animaux en boîte côtoient les eaux déminéralisées reminéralisées et autres produits d'une société de consommation de plus en plus aberrante, oui, il n'y avait pas à dire, nous étions aussi à l'aise qu'une gazelle sur la grande avenue de Mombasa.

Vint ensuite la découverte des terres plus hostiles, et avec elle l'idée, juste une toute petite idée, même furtive, de tout abandonner. Non. Plutôt mourir. C'est là que j'ai réalisé que l'air commençait à manquer. J'ai puisé dans mes ressources, et j'ai cherché au plus profond l'oxygène viscéral, celui qui permet de continuer à avancer même si c'est avec l'énergie du désespoir.

Une ascension dans la douleur. Des registres, des formalités à n'en plus finir.

Lentement, l'espoir est revenu. Chaque pas, chaque signature nous rapprochaient du but.

Et puis je t'ai vu. Enfin, on y était. Je me suis assise et je t'ai laissé le temps de venir vers moi. Quand, une heure plus tard, je t'ai serré contre moi, tu as balayé du regard les murs de l'orphelinat et tu m'as fixée longuement, les yeux encore pleins de questions.

Je te promets qu'un jour, si tu le souhaites, nous la ferons vraiment, cette ascension du Kilimandjaro. Nous reviendrons sur la terre de tes ancêtres et tenterons d'expliquer tes pourquoi.

Mon petit bout du bout du monde. J'ai mis la photo au-dessus de ton lit. Elle sera ton talisman.

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