Elle le savait pourtant. Elle n’aurait jamais dû se trouver dans cette situation.
Elle : c’est Khiva.
Et cette pluie qui n’en finit pas.
Pas âme qui vive. Aucune habitation en vue. Il ne lui reste plus qu’à continuer à pied. Satanée bagnole !
Khiva récupère son sac et fait l’inventaire : une bouteille d’eau, deux barres de céréales, un téléphone chargé à 30%, un rouge à lèvres, un peigne.
Son entraîneur de lutte le lui a assez répété : toujours prévoir un sac de survie dans sa voiture !
Mais, pressée de partir, elle en a oublié ses recommandations.
Et se retrouve à la nuit tombante sur une route peu fréquentée, trempée jusqu’aux os.
Elle repense à ce message reçu tôt ce matin : Viens !
Son angoisse à mesure que les kilomètres défilaient.
Avant d’abandonner son véhicule, elle a tenté d’envoyer un message annonçant son retard. Impossible de savoir s’il a été reçu, plus de réseau.
Il lui reste 20 kilomètres, elle devrait y être avant minuit. Mais, avec cette pluie et le manque de luminosité, elle doit marcher au milieu de la route.
Allez ma fille, ce n’est rien après toutes ces années de sport intensif.
Au bout d’une heure, il lui semble apercevoir une lueur au loin. Elle presse le pas.
Puis la fatigue commence à se faire sentir.
A part la personne vers qui elle vole, personne ne sait qu’elle est là. Sa voisine ne s’inquiétera que si elle entend le chat miauler et réclamer.
Elle a bien pris soin de lui laisser de quoi pour tout le weekend. Alors, rien à attendre de ce côté-là.
Peut-être qu’elle pourra se reposer un peu dans cette maison qu’elle aperçoit enfin. Elle s’approche doucement et frappe à la porte. Pas de réponse.
Elle frappe plus fort et entend des bruits de pas. La porte s’ouvre enfin et un homme se tient sur le seuil. Elle explique qu’elle voudrait se reposer un peu et se sécher avant de reprendre la route.
Il s’efface pour la laisser entrer. André et sa femme Lana l’accueillent et s’inquiètent de la voir cheminer seule en pleine nuit. Elle pourrait attendre le jour. Mais non, après un bol de soupe chaude, elle repart.
La pluie semble vouloir s’arrêter. Mais l’humidité la fait grelotter. Elle se motive en cadence. « Un kilomètre à pied, ça use, ça use »
Il est minuit passé lorsqu’elle arrive à l’entrée du village. Plus que quelques minutes et elle sera bien emmitouflée dans un plaid devant la cheminée. Enfin, elle saura la raison de cet appel.
Elle frappe à la porte (un air de déjà vu). Pas de réponse.
Elle frappe plus fort et cette fois pas de bruit de pas de l’autre côté.
La porte n’est pas fermée. Khiva, épuisée par son périple, rentre vite se mettre au sec.
Elle trouve des vêtements dans une penderie, se change et va se blottir contre la cheminée.
Puis s’endort.
Une bonne odeur de café la réveille. Elle ne comprend pas, son chat n’est pas contre elle comme à son habitude. Elle se souvient, enfin ! Un message téléphonique l’a fait se précipiter vers ce village isolé, vers quelqu’un qui a besoin d’elle.
« Alors la marmotte, on est réveillée ? »
Goul se tient devant elle, la mine réjouie.
« Tu m’as manquée » dit-elle. Soupir.
« Mange, tu dois avoir faim »
Effectivement, Khiva dévore ses tartines et savoure ce café.
Elle ne demande rien, c’est inutile. Il ne faut pas bousculer Goul, la seule famille qui lui reste.
Khiva contemple son visage ridé. Celle qui l’a élevée en l’absence de ses parents. Depuis combien de temps ne se sont-elles pas vues ? Ni même téléphonées ?
« Prépare-toi, on y va ! »
Interloquée, Khiva interroge : « On va où ? ». Après avoir marché une bonne partie de la nuit, elle aspirait à un repos bien mérité au coin du feu.
Goul est déjà prête. Khiva s’habille en vitesse.
Fort heureusement, la pluie d’hier a laissé place à un soleil radieux.
Les deux femmes quittent rapidement le village et s’enfoncent dans la forêt. L’ancêtre marche d’un pas rapide et Khiva peine à la suivre.
Elles arrivent enfin devant une cabane abandonnée. Abandonnée ? pas si sûre. Goul ouvre la porte et entre.
Sur une paillasse gît une jeune femme fiévreuse.
Qui est-elle ? Khiva n’ose le demander.
« Aide-moi ! ». Mais, cette femme est sur le point d’accoucher ! Ici, au milieu de nulle part.
Khiva se ressaisit et lui prodigue les premiers soins avant de s’intéresser au sort du bébé à naître. Sans instruments, monitoring elle doit se fier à son instinct de médecin.
L’accouchement se présente mal, l’enfant risque d’étouffer.
Après une longue bataille, un cri retentit : c’est un garçon vigoureux et épuisé par son long combat pour survivre. La mère dort paisiblement.
« Qui est-elle ? » demande enfin Khiva.
« C’est ta sœur «
Mais non, je n’ai pas de sœur ! qu’est-ce que cela signifie ? pourquoi Goul lui a-t-elle dit que c’était sa sœur. Elle le saurait enfin si elle avait une sœur.
« Ton père n’a pas toujours été très fidèle, Selga n’a que trois ans de moins que toi. Sa mère était repartie dans son pays avec elle. Je l’avais complètement oubliée lorsqu’elle s’est présentée ici il y a quelques mois. Elle s’est installée ici en attendant la naissance »
« Je n’ai jamais rien su, personne ne me l’a dit ! Pourquoi ? »
« On pensait ne jamais la revoir... Bref, elle est là maintenant et son fils avec elle »
« Pourquoi être venue jusqu’ici ? »
« Elle n’a pas souhaité en parler »
Selga se met à gémir et à appeler : Sven ! est-ce le prénom qu’elle souhaite donner à son fils ? ou bien est-ce le père de ce dernier ? On en saura un peu plus à son réveil.
Le lendemain, elle réussit à se lever un peu pour avaler un peu de soupe bien chaude. Elle doit reprendre des forces pour pouvoir allaiter Sven.
Elle raconte peu à peu son périple : un compagnon violent, la grossesse non désirée, la fuite, l’arrivée dans un pays inconnu. Heureusement elle ne lui avait jamais parlé de sa grand-mère.
Le voyage fut long et périlleux, elle y a laissé toutes ses économies afin de ne laisser aucune trace.
Maintenant, elle peut envisager l’avenir avec Sven.
Khiva les quitte pendant deux jours afin d’aller récupérer son véhicule et le faire réparer. Elle prévient l’hôpital qu’elle a dû s’absenter pour raisons familiales (ses collègues sont surprises, elle a de la famille ?). Son chat a trouvé refuge chez la voisine, tout va bien.
Les trois femmes font enfin connaissance et s’étonnent d’avoir autant de points communs. Une vie difficile et douloureuse, orphelines très tôt, elles se sont forgé un fort caractère.
La route de Selga a malheureusement croisé celle de cet homme charmant et charmeur qui la comblait de cadeaux et d’amour. Jusqu’à ce fameux jour où un collègue l’a raccompagné après une réunion tardive. Et alors, les coups ont commencé à pleuvoir en alternance avec les viols. Puis, la réconciliation. Elle ne savait quoi penser. Les seuls moments où elle se sentait bien, c’était lors de ses footings. Tous les jours, elle courrait au moins une heure. Elle envisageait de participer au marathon, mais ça c’était avant...
Les deux sœurs ont l’amour de la compétition en commun.
Khiva décide de ramener Selga avec elle. Même si elles se sont installées chez Goul, ce village est bien trop isolé pour une mère et son bébé.
Elles prennent la route sitôt le voyage possible. Elles ont tellement de choses à se raconter.
Khiva lui expliquera pourquoi elle ne peut avoir d’enfant, Sven sera le sien (son neveu, son fils).
Petit à petit, la vie s’organise. Régularisation des papiers, recherche d’emploi. Selga ne court plus seule désormais, l’entraînement pour le marathon a repris.
Sven a un an lorsque sa mère et sa tante participent ensemble à cette course mythique : 42 km 195 dans les rues de Kazan. À cause de la pandémie, le nombre des participants est limité.
La température est idéale ce matin-là pour courir. Sven est laissé sous la garde de Goul, venue de sa lointaine campagne. Elle qui ne le quitte jamais a pris le train et est arrivée la veille. Les bras chargés de fruits et légumes, parce qu’elles ont besoin de forces pour la course !
4 heures 5 minutes plus tard, les deux femmes passent ensemble la ligne d’arrivée. Fin de la course.
Battantes !
Elle : c’est Khiva.
Et cette pluie qui n’en finit pas.
Pas âme qui vive. Aucune habitation en vue. Il ne lui reste plus qu’à continuer à pied. Satanée bagnole !
Khiva récupère son sac et fait l’inventaire : une bouteille d’eau, deux barres de céréales, un téléphone chargé à 30%, un rouge à lèvres, un peigne.
Son entraîneur de lutte le lui a assez répété : toujours prévoir un sac de survie dans sa voiture !
Mais, pressée de partir, elle en a oublié ses recommandations.
Et se retrouve à la nuit tombante sur une route peu fréquentée, trempée jusqu’aux os.
Elle repense à ce message reçu tôt ce matin : Viens !
Son angoisse à mesure que les kilomètres défilaient.
Avant d’abandonner son véhicule, elle a tenté d’envoyer un message annonçant son retard. Impossible de savoir s’il a été reçu, plus de réseau.
Il lui reste 20 kilomètres, elle devrait y être avant minuit. Mais, avec cette pluie et le manque de luminosité, elle doit marcher au milieu de la route.
Allez ma fille, ce n’est rien après toutes ces années de sport intensif.
Au bout d’une heure, il lui semble apercevoir une lueur au loin. Elle presse le pas.
Puis la fatigue commence à se faire sentir.
A part la personne vers qui elle vole, personne ne sait qu’elle est là. Sa voisine ne s’inquiétera que si elle entend le chat miauler et réclamer.
Elle a bien pris soin de lui laisser de quoi pour tout le weekend. Alors, rien à attendre de ce côté-là.
Peut-être qu’elle pourra se reposer un peu dans cette maison qu’elle aperçoit enfin. Elle s’approche doucement et frappe à la porte. Pas de réponse.
Elle frappe plus fort et entend des bruits de pas. La porte s’ouvre enfin et un homme se tient sur le seuil. Elle explique qu’elle voudrait se reposer un peu et se sécher avant de reprendre la route.
Il s’efface pour la laisser entrer. André et sa femme Lana l’accueillent et s’inquiètent de la voir cheminer seule en pleine nuit. Elle pourrait attendre le jour. Mais non, après un bol de soupe chaude, elle repart.
La pluie semble vouloir s’arrêter. Mais l’humidité la fait grelotter. Elle se motive en cadence. « Un kilomètre à pied, ça use, ça use »
Il est minuit passé lorsqu’elle arrive à l’entrée du village. Plus que quelques minutes et elle sera bien emmitouflée dans un plaid devant la cheminée. Enfin, elle saura la raison de cet appel.
Elle frappe à la porte (un air de déjà vu). Pas de réponse.
Elle frappe plus fort et cette fois pas de bruit de pas de l’autre côté.
La porte n’est pas fermée. Khiva, épuisée par son périple, rentre vite se mettre au sec.
Elle trouve des vêtements dans une penderie, se change et va se blottir contre la cheminée.
Puis s’endort.
Une bonne odeur de café la réveille. Elle ne comprend pas, son chat n’est pas contre elle comme à son habitude. Elle se souvient, enfin ! Un message téléphonique l’a fait se précipiter vers ce village isolé, vers quelqu’un qui a besoin d’elle.
« Alors la marmotte, on est réveillée ? »
Goul se tient devant elle, la mine réjouie.
« Tu m’as manquée » dit-elle. Soupir.
« Mange, tu dois avoir faim »
Effectivement, Khiva dévore ses tartines et savoure ce café.
Elle ne demande rien, c’est inutile. Il ne faut pas bousculer Goul, la seule famille qui lui reste.
Khiva contemple son visage ridé. Celle qui l’a élevée en l’absence de ses parents. Depuis combien de temps ne se sont-elles pas vues ? Ni même téléphonées ?
« Prépare-toi, on y va ! »
Interloquée, Khiva interroge : « On va où ? ». Après avoir marché une bonne partie de la nuit, elle aspirait à un repos bien mérité au coin du feu.
Goul est déjà prête. Khiva s’habille en vitesse.
Fort heureusement, la pluie d’hier a laissé place à un soleil radieux.
Les deux femmes quittent rapidement le village et s’enfoncent dans la forêt. L’ancêtre marche d’un pas rapide et Khiva peine à la suivre.
Elles arrivent enfin devant une cabane abandonnée. Abandonnée ? pas si sûre. Goul ouvre la porte et entre.
Sur une paillasse gît une jeune femme fiévreuse.
Qui est-elle ? Khiva n’ose le demander.
« Aide-moi ! ». Mais, cette femme est sur le point d’accoucher ! Ici, au milieu de nulle part.
Khiva se ressaisit et lui prodigue les premiers soins avant de s’intéresser au sort du bébé à naître. Sans instruments, monitoring elle doit se fier à son instinct de médecin.
L’accouchement se présente mal, l’enfant risque d’étouffer.
Après une longue bataille, un cri retentit : c’est un garçon vigoureux et épuisé par son long combat pour survivre. La mère dort paisiblement.
« Qui est-elle ? » demande enfin Khiva.
« C’est ta sœur «
Mais non, je n’ai pas de sœur ! qu’est-ce que cela signifie ? pourquoi Goul lui a-t-elle dit que c’était sa sœur. Elle le saurait enfin si elle avait une sœur.
« Ton père n’a pas toujours été très fidèle, Selga n’a que trois ans de moins que toi. Sa mère était repartie dans son pays avec elle. Je l’avais complètement oubliée lorsqu’elle s’est présentée ici il y a quelques mois. Elle s’est installée ici en attendant la naissance »
« Je n’ai jamais rien su, personne ne me l’a dit ! Pourquoi ? »
« On pensait ne jamais la revoir... Bref, elle est là maintenant et son fils avec elle »
« Pourquoi être venue jusqu’ici ? »
« Elle n’a pas souhaité en parler »
Selga se met à gémir et à appeler : Sven ! est-ce le prénom qu’elle souhaite donner à son fils ? ou bien est-ce le père de ce dernier ? On en saura un peu plus à son réveil.
Le lendemain, elle réussit à se lever un peu pour avaler un peu de soupe bien chaude. Elle doit reprendre des forces pour pouvoir allaiter Sven.
Elle raconte peu à peu son périple : un compagnon violent, la grossesse non désirée, la fuite, l’arrivée dans un pays inconnu. Heureusement elle ne lui avait jamais parlé de sa grand-mère.
Le voyage fut long et périlleux, elle y a laissé toutes ses économies afin de ne laisser aucune trace.
Maintenant, elle peut envisager l’avenir avec Sven.
Khiva les quitte pendant deux jours afin d’aller récupérer son véhicule et le faire réparer. Elle prévient l’hôpital qu’elle a dû s’absenter pour raisons familiales (ses collègues sont surprises, elle a de la famille ?). Son chat a trouvé refuge chez la voisine, tout va bien.
Les trois femmes font enfin connaissance et s’étonnent d’avoir autant de points communs. Une vie difficile et douloureuse, orphelines très tôt, elles se sont forgé un fort caractère.
La route de Selga a malheureusement croisé celle de cet homme charmant et charmeur qui la comblait de cadeaux et d’amour. Jusqu’à ce fameux jour où un collègue l’a raccompagné après une réunion tardive. Et alors, les coups ont commencé à pleuvoir en alternance avec les viols. Puis, la réconciliation. Elle ne savait quoi penser. Les seuls moments où elle se sentait bien, c’était lors de ses footings. Tous les jours, elle courrait au moins une heure. Elle envisageait de participer au marathon, mais ça c’était avant...
Les deux sœurs ont l’amour de la compétition en commun.
Khiva décide de ramener Selga avec elle. Même si elles se sont installées chez Goul, ce village est bien trop isolé pour une mère et son bébé.
Elles prennent la route sitôt le voyage possible. Elles ont tellement de choses à se raconter.
Khiva lui expliquera pourquoi elle ne peut avoir d’enfant, Sven sera le sien (son neveu, son fils).
Petit à petit, la vie s’organise. Régularisation des papiers, recherche d’emploi. Selga ne court plus seule désormais, l’entraînement pour le marathon a repris.
Sven a un an lorsque sa mère et sa tante participent ensemble à cette course mythique : 42 km 195 dans les rues de Kazan. À cause de la pandémie, le nombre des participants est limité.
La température est idéale ce matin-là pour courir. Sven est laissé sous la garde de Goul, venue de sa lointaine campagne. Elle qui ne le quitte jamais a pris le train et est arrivée la veille. Les bras chargés de fruits et légumes, parce qu’elles ont besoin de forces pour la course !
4 heures 5 minutes plus tard, les deux femmes passent ensemble la ligne d’arrivée. Fin de la course.
Battantes !