Nouvelles
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Université Libre des Pays des Grands Lacs
Karani : De l’espoir à l’action
Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Peut-être les deux. Les yeux fermés permettent-ils de voir ? C’est serait dormir debout ! De toutes les façons, l’œil fermé ou non, le mal se fait sentir, même autrement. Je suis limité sur tous les plans, rien ne marche. Pousse-moi. Tout est bloqué. Comme je suis resté immobile, tous mes sens appréciés et appréciant, je pouvais encore attendre une aide ou risquer la vie. Je pouvais encore me décider, racontait Karani.
Dans cette situation en état de ni passé, ni présent, sans vision du futur, solitude, terreur, risque, danger, problèmes, misère, tristesse, pleur, regret, pauvreté, complexe, –la liste est encore longue–devenus ses chers amis, l’accompagnaient encore bien au point que lui demander depuis quand le monde est monde, serait perdre le temps. Suivez l’histoire. Vous vous retrouverez.
Son père, entrepreneur de renom, fut-il, possédait presque tout et Mama Karani, sa mère, gérait le grand magasin familial ; ses deux frères et lui faisaient autant des succursales. Une vie toute joyeuse et de rêve était la leur. Du coup, il eut la certitude d’une toute autre illusion telle que le monde, le nôtre, où bonheur et malheur se consultent, harmonisent nos vies dans un sens comme dans un autre. La compréhension de ce complot reste simple. La leçon est à apprendre de la chauve-souris qui ne voit jamais pendant la journée. Elle attend le soir pour bouger, se sentir libre et vivre vraiment. Oui. Qui a déjà récolté ses haricots le jour de leur plantation ? À chaque chose son temps mais il faut bien s’y préparer. La chauve-souris, tout autant sûr que patient, attend son temps ; avec espoir. Karani, l'aîné, le savait bien. Ne croyant pas encore exactement en ce qu’il valait, ni ce qu’il avait, moins encore ce qui l’attendait, presqu’en une vie hasardeuse, sa lumière paraissait bien loin de ses galeries. Mais la réalité en prouva le contraire.
Un déluge avait ouvert son vanne à la découverte des restes de sa mère dans son magasin ; il y a cinq ans de ça. Aucun antécédent de maladie ne se fut signalé jusqu’à ce que les enquêtes conclurent d’un meurtre orchestré par une coépouse alors non encore reconnue. L’ombre, les ténèbres tuent. Dans la nuit, tous les chats sont gris et un ennemi connu se fait éviter facilement. Sinon, la défunte n’accueillerait pas celle qui l’empoisonna.
Le drame ne s’arrêta pas là-dessus. Une année après, Mwerevu, la marâtre, revint à la charge. De son œuvre, la tête du père de la famille tomba, avalée par un accident de circulation commandité, bien monté. Sa voiture fut découverte dans un ravin, vraiment petit.
Karani tenta de traduire sa marâtre en juste. De l’eau versée sur un canard ! Ainsi que vous le savez, les cours et tribunaux de Sinchi, son cher pays, corrompu jusqu’aux bouts des cheveux, prenait la direction de la poche pleine. Des pièces sonnantes, Mwerevu en avait déjà plein ; jusqu’à la gorge. Pendant ce temps, les orphelins de Mama Karani, brouillaient du noir pendant que les jumeaux de la méchante exultaient.
Mwerevu bloquait toute la vie des orphelins orientant tout au profit de ses deux enfants. Nous sommes pourtant le sang d’un seul père, se lamentait Karani. Dans ce contexte, ce jeune homme m’apprenait que les aiguilles de la montre tournent parfois contre ou pour l’humain. Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? se demandait-il dans son calvaire imposé par sa marâtre.
Dans cette vie de chien, Mwerevu piétinait qui elle voulait. Domestique, esclave, animal, les quatre orphelins passaient d’un état à l’autre, même de pire. La rigueur de fer de cette dame de fer ne laissait passait aucune occasion. Le jour où elle leur versa nuitamment de l’eau froide, en plein sommeil n’a jamais abandonné leur mémoire. Ils en parlent comme si c’était hier. L’autre fois, tous leurs vêtements prirent feu de la main méchante. Durant des jours entiers, leurs bouches ne goûtaient que du vent. Alors, ils scrutaient poubelles et autres vide-ordures. Ils n’oublient pas de citer diverses corvées, les fouets quotidiens du matin. Bafouant tout droit reconnu aux enfants, il suffisait d’un petit geste déplaisant son humeur pour en subir de leur niveau.
Dans cette ambiance, la scolarisation de ces orphelins ainsi que la gestion des succursales des boutiques prirent un coup d’arrêt, quelques mois seulement après la disparition de leur père. Tout se passa dans l’ignorance totale de la force de la nature. Une discrétion : Karani m’a révélé ce qu’il ressentait à l’époque : Tous contre moi, la nature à mon compte ; mais savoir se l’approprier, savoir se servir de sa clé. Surtout, comprendre son langage, reconnaître cette clé et en maîtriser l’usage.
Le comble vint à son paroxysme lorsqu’à huit mois de la mort de Baba Karani, le père, la marâtre prit la funeste décision libératrice, celle de chasser Karani et les siens. Nuitamment, elle les réveilla. Presque tout nus, ils prirent la porte. C’est au salon qu’ils ramassèrent, qui un mouchoir, qui un rideau, pour se couvrir l’avant, avant de se retrouver dehors.
Où aller alors ? Je rêve ou pas ? En plein jour et en plein éveil, je ne voyais pas. Que le noir à mon œil ! Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Les deux à la fois ? Se questionnait Karani. Ses deux jeunes frères et sa sœur, avec tous les caprices des ados, étaient sous sa responsabilité. Errant çà et là, ils passaient la nuit dans un chantier où froid, moustiques et autres bestioles se disputaient leurs corps.
Une semaine après, le propriétaire les chassa du bâtiment. Pour trouver où mettre la tête, Karani réfléchissait mille à l’heure : une vitesse de croisière. Quel proche n’avait-t-il pas rencontré ! Mais des motifs en chaîne lui revenaient des oncles, tantes, cousins, grands-parents ; les anciens amis de leur père, n’en parlons pas. Il se souvint alors de ce que lui disait son père : la période en malheur fait reconnaître les vrais amis. La plupart d’entre eux, comme des vampires, sussent et jettent leurs proies. Point final ! Rappelons-nous l’histoire de la canne à sucre devenue détritus.
Ces enfants vivaient dans la rue: des enfants de la rue comme si la rue enfantait. Rejetés même par les leurs, Karani gardait espoir. Tous contre moi, la nature en mon compte par mon engagement, testament de son père, lui rappelait que le désespoir tue plus que la maladie. En tout et pour tout, rester dans le noir et/ou les yeux fermés voilà la faiblesse ruinant l’homme. Non découverte, elle tue ; découverte, elle se gère. À l’instar d’un cheval, montons dessus pour évoluer. Retenons comme dit : un malade qui s’ignore est très dangereux, surtout pour lui-même.
Du véhicule abandonné devenu leur domicile, ils survivaient par débrouillardise. Conscients de leur situation, ils se firent prestataires de petits services dans le quartier. Petit à petit, leur renommée gagnait toute la ville de Kijiji. Tchukudu, leur pousse-pousse, rendait bien services aux Kijijiens que l’afflux de la demande les conduira à en fabriquer d’autres pour location. Devenus désormais la référence en la matière, leur situation financière monta d’un cran.
Ces jeunes parvinrent ainsi à se frayer un chemin dans le noir. Les quelques notions de comptabilité apprises au secondaire leur permit de bien organiser la K4, entreprise de leur création, dont la prospérité n’était plus à démontrer. Ce n’est ni un canular ni une mystification : K4 devenue inévitable dans les transactions, même la marâtre recourait à ses services.
Le rêve engendre l’espoir, l’espoir crée le courage, le courage déclenche l’action et l’action fait accomplir un rêve : ouvrir l’œil pour sortir du noir. À force de rester longtemps dans le noir, les yeux parviennent à s'habituer. Mais, ouvrons-les, ils finiront par voir la porte vers la lumière.
Dans cette situation en état de ni passé, ni présent, sans vision du futur, solitude, terreur, risque, danger, problèmes, misère, tristesse, pleur, regret, pauvreté, complexe, –la liste est encore longue–devenus ses chers amis, l’accompagnaient encore bien au point que lui demander depuis quand le monde est monde, serait perdre le temps. Suivez l’histoire. Vous vous retrouverez.
Son père, entrepreneur de renom, fut-il, possédait presque tout et Mama Karani, sa mère, gérait le grand magasin familial ; ses deux frères et lui faisaient autant des succursales. Une vie toute joyeuse et de rêve était la leur. Du coup, il eut la certitude d’une toute autre illusion telle que le monde, le nôtre, où bonheur et malheur se consultent, harmonisent nos vies dans un sens comme dans un autre. La compréhension de ce complot reste simple. La leçon est à apprendre de la chauve-souris qui ne voit jamais pendant la journée. Elle attend le soir pour bouger, se sentir libre et vivre vraiment. Oui. Qui a déjà récolté ses haricots le jour de leur plantation ? À chaque chose son temps mais il faut bien s’y préparer. La chauve-souris, tout autant sûr que patient, attend son temps ; avec espoir. Karani, l'aîné, le savait bien. Ne croyant pas encore exactement en ce qu’il valait, ni ce qu’il avait, moins encore ce qui l’attendait, presqu’en une vie hasardeuse, sa lumière paraissait bien loin de ses galeries. Mais la réalité en prouva le contraire.
Un déluge avait ouvert son vanne à la découverte des restes de sa mère dans son magasin ; il y a cinq ans de ça. Aucun antécédent de maladie ne se fut signalé jusqu’à ce que les enquêtes conclurent d’un meurtre orchestré par une coépouse alors non encore reconnue. L’ombre, les ténèbres tuent. Dans la nuit, tous les chats sont gris et un ennemi connu se fait éviter facilement. Sinon, la défunte n’accueillerait pas celle qui l’empoisonna.
Le drame ne s’arrêta pas là-dessus. Une année après, Mwerevu, la marâtre, revint à la charge. De son œuvre, la tête du père de la famille tomba, avalée par un accident de circulation commandité, bien monté. Sa voiture fut découverte dans un ravin, vraiment petit.
Karani tenta de traduire sa marâtre en juste. De l’eau versée sur un canard ! Ainsi que vous le savez, les cours et tribunaux de Sinchi, son cher pays, corrompu jusqu’aux bouts des cheveux, prenait la direction de la poche pleine. Des pièces sonnantes, Mwerevu en avait déjà plein ; jusqu’à la gorge. Pendant ce temps, les orphelins de Mama Karani, brouillaient du noir pendant que les jumeaux de la méchante exultaient.
Mwerevu bloquait toute la vie des orphelins orientant tout au profit de ses deux enfants. Nous sommes pourtant le sang d’un seul père, se lamentait Karani. Dans ce contexte, ce jeune homme m’apprenait que les aiguilles de la montre tournent parfois contre ou pour l’humain. Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? se demandait-il dans son calvaire imposé par sa marâtre.
Dans cette vie de chien, Mwerevu piétinait qui elle voulait. Domestique, esclave, animal, les quatre orphelins passaient d’un état à l’autre, même de pire. La rigueur de fer de cette dame de fer ne laissait passait aucune occasion. Le jour où elle leur versa nuitamment de l’eau froide, en plein sommeil n’a jamais abandonné leur mémoire. Ils en parlent comme si c’était hier. L’autre fois, tous leurs vêtements prirent feu de la main méchante. Durant des jours entiers, leurs bouches ne goûtaient que du vent. Alors, ils scrutaient poubelles et autres vide-ordures. Ils n’oublient pas de citer diverses corvées, les fouets quotidiens du matin. Bafouant tout droit reconnu aux enfants, il suffisait d’un petit geste déplaisant son humeur pour en subir de leur niveau.
Dans cette ambiance, la scolarisation de ces orphelins ainsi que la gestion des succursales des boutiques prirent un coup d’arrêt, quelques mois seulement après la disparition de leur père. Tout se passa dans l’ignorance totale de la force de la nature. Une discrétion : Karani m’a révélé ce qu’il ressentait à l’époque : Tous contre moi, la nature à mon compte ; mais savoir se l’approprier, savoir se servir de sa clé. Surtout, comprendre son langage, reconnaître cette clé et en maîtriser l’usage.
Le comble vint à son paroxysme lorsqu’à huit mois de la mort de Baba Karani, le père, la marâtre prit la funeste décision libératrice, celle de chasser Karani et les siens. Nuitamment, elle les réveilla. Presque tout nus, ils prirent la porte. C’est au salon qu’ils ramassèrent, qui un mouchoir, qui un rideau, pour se couvrir l’avant, avant de se retrouver dehors.
Où aller alors ? Je rêve ou pas ? En plein jour et en plein éveil, je ne voyais pas. Que le noir à mon œil ! Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Les deux à la fois ? Se questionnait Karani. Ses deux jeunes frères et sa sœur, avec tous les caprices des ados, étaient sous sa responsabilité. Errant çà et là, ils passaient la nuit dans un chantier où froid, moustiques et autres bestioles se disputaient leurs corps.
Une semaine après, le propriétaire les chassa du bâtiment. Pour trouver où mettre la tête, Karani réfléchissait mille à l’heure : une vitesse de croisière. Quel proche n’avait-t-il pas rencontré ! Mais des motifs en chaîne lui revenaient des oncles, tantes, cousins, grands-parents ; les anciens amis de leur père, n’en parlons pas. Il se souvint alors de ce que lui disait son père : la période en malheur fait reconnaître les vrais amis. La plupart d’entre eux, comme des vampires, sussent et jettent leurs proies. Point final ! Rappelons-nous l’histoire de la canne à sucre devenue détritus.
Ces enfants vivaient dans la rue: des enfants de la rue comme si la rue enfantait. Rejetés même par les leurs, Karani gardait espoir. Tous contre moi, la nature en mon compte par mon engagement, testament de son père, lui rappelait que le désespoir tue plus que la maladie. En tout et pour tout, rester dans le noir et/ou les yeux fermés voilà la faiblesse ruinant l’homme. Non découverte, elle tue ; découverte, elle se gère. À l’instar d’un cheval, montons dessus pour évoluer. Retenons comme dit : un malade qui s’ignore est très dangereux, surtout pour lui-même.
Du véhicule abandonné devenu leur domicile, ils survivaient par débrouillardise. Conscients de leur situation, ils se firent prestataires de petits services dans le quartier. Petit à petit, leur renommée gagnait toute la ville de Kijiji. Tchukudu, leur pousse-pousse, rendait bien services aux Kijijiens que l’afflux de la demande les conduira à en fabriquer d’autres pour location. Devenus désormais la référence en la matière, leur situation financière monta d’un cran.
Ces jeunes parvinrent ainsi à se frayer un chemin dans le noir. Les quelques notions de comptabilité apprises au secondaire leur permit de bien organiser la K4, entreprise de leur création, dont la prospérité n’était plus à démontrer. Ce n’est ni un canular ni une mystification : K4 devenue inévitable dans les transactions, même la marâtre recourait à ses services.
Le rêve engendre l’espoir, l’espoir crée le courage, le courage déclenche l’action et l’action fait accomplir un rêve : ouvrir l’œil pour sortir du noir. À force de rester longtemps dans le noir, les yeux parviennent à s'habituer. Mais, ouvrons-les, ils finiront par voir la porte vers la lumière.