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Armand l'a aperçue pour la première fois dans la cour de récréation. Pas dès la première journée, ça non. Ils ne sont pas dans la même section, alors leurs interactions sont tout de même limitées. Elle a des cheveux blonds et courts qui étincellent au soleil, des joues roses un peu gonflées, des beaux yeux noisette pleins d'énergie. Elle, bien sûr, ne l'a pas remarqué. Elle est entourée d'amies, de vivacité. Il n'ose pas s'approcher, mais il se sent inéluctablement attiré par cette petite demoiselle.
Alors il la regarde de loin, le sourire en coin. Il est joueur, le petit Armand. Il a des envies d'envols, de vols, de farces et de jeux. Il a caché sa trousse, scotché ses lacets, laissé un mot sur chacun de ses dessins, toujours dans l'anonymat. Il sait qu'elle ne va pas pleurer, qu'elle va se lancer à l'aventure, le menton haut et les yeux brillants.
Il est assis derrière elle, en ce temps. Le temps du collège, des murmures de couloir, de la folie de la croissance. Elle a de longs cheveux ondulés, un peu moins blonds, mais toujours éclatants de vie. De temps en temps, il entortille une mèche autour de ses doigts, emmêle gentiment les boucles jusqu'à ce qu'elle se tourne vers lui, lui tire la langue et récupère ses filaments dorés. Il fait fi des moqueries des autres garçons, son intérêt n'a qu'un seul point de convergence. Il la trouve adorable, il a des papillons en lui, des envies de caresses et d'autres sortes de murmures.
Les fils de leurs vies se séparent au lycée. Ils sont bien dans le même établissement, mais ne seront jamais dans les mêmes classes. Les contacts se raréfient, ils ont chacun leur cercle d'amis. Leurs regards se croisent parfois, à la cantine, dans des couloirs où les murmures se font encore plus entêtants. Il est un peu plus réservé, le petit Armand, il est fatigué, a hâte de passer cette étape de sa vie. Son cœur bat encore, mais d'un rythme plus lent, plus las.
Sur les bancs de la faculté, là où leurs chemins se sont encore une fois croisés, ils se sont pourtant éloignés. Il lui envoie des avions de papier, jette des courriers à ses pieds, tente de se faire remarquer, sans grand succès. Elle, elle en a du succès, et des garçons à ses pieds qui piétinent ses courriers. Sans pour autant en profiter, elle s'est laissée approcher. Il la regarde sortir avec ce garçon un peu con, pas si méchant. Et il la voit se ternir, perdre de son éclat, se vouter sous le poids des regrets.
Dans son cœur les avions se crashent, les courriers se noient. Alors il apprend à détourner le regard, à ignorer les reflets plus si dorés du premier rang. Son sang gèle, ses larmes se tarissent, il est un désert fait homme. Il erre sans but, sans objectif de vie, sans désir de réussite. Il est éteint, le petit Armand, il n'a plus envie de jouer.
Et un jour, il la surprend dans un couloir de la faculté, recroquevillée, en train de pleurer. Il se penche vers elle, attend qu'elle lève les yeux et le reconnaisse. Il s'accroupit, guette un signe de sa part, bon ou mauvais, mais il ne voit que sa détresse, sa tristesse, et il a envie de pleurer avec elle, de sombrer dans les méandres de ses amours. Il plonge dans ses yeux noisette, les mêmes qu'il y a quasiment vingt ans. Il n'a plus de doutes ; d'un geste doux il essuie ses pommettes, passe un doigt sur sa joue et étire son sourire. Dans sa poche il a un morceau de scotch, qu'il sort et pose sur leurs deux chaussures jointes.
Sa vie redémarre, son cœur passe la première, il se sent renaître. Le sang explose en lui, réchauffe son corps, il devient tout feu tout flamme, un petit volcan qui déborde d'amour. Elle est vraiment jolie, la petite Lucie. Elle retrouve sa joie, ses rires, elle se promène de nouveau le menton haut ! Ils vieillissent ensemble, et tout au long de leur vie, murissent. Leurs chevelures grisonnent, leurs articulations fatiguent, leurs souffles s'épuisent. Mais Armand est toujours joueur, et même encore maintenant, maintenant qu'ils ont soixante-dix ans, Lucie sait que le sourire en coin de son amant annonce toujours une petite facétie, une plaisanterie de la vie. Ils ont des envies d'envols, de liberté, de vivre à tout jamais.
Alors il la regarde de loin, le sourire en coin. Il est joueur, le petit Armand. Il a des envies d'envols, de vols, de farces et de jeux. Il a caché sa trousse, scotché ses lacets, laissé un mot sur chacun de ses dessins, toujours dans l'anonymat. Il sait qu'elle ne va pas pleurer, qu'elle va se lancer à l'aventure, le menton haut et les yeux brillants.
Il est assis derrière elle, en ce temps. Le temps du collège, des murmures de couloir, de la folie de la croissance. Elle a de longs cheveux ondulés, un peu moins blonds, mais toujours éclatants de vie. De temps en temps, il entortille une mèche autour de ses doigts, emmêle gentiment les boucles jusqu'à ce qu'elle se tourne vers lui, lui tire la langue et récupère ses filaments dorés. Il fait fi des moqueries des autres garçons, son intérêt n'a qu'un seul point de convergence. Il la trouve adorable, il a des papillons en lui, des envies de caresses et d'autres sortes de murmures.
Les fils de leurs vies se séparent au lycée. Ils sont bien dans le même établissement, mais ne seront jamais dans les mêmes classes. Les contacts se raréfient, ils ont chacun leur cercle d'amis. Leurs regards se croisent parfois, à la cantine, dans des couloirs où les murmures se font encore plus entêtants. Il est un peu plus réservé, le petit Armand, il est fatigué, a hâte de passer cette étape de sa vie. Son cœur bat encore, mais d'un rythme plus lent, plus las.
Sur les bancs de la faculté, là où leurs chemins se sont encore une fois croisés, ils se sont pourtant éloignés. Il lui envoie des avions de papier, jette des courriers à ses pieds, tente de se faire remarquer, sans grand succès. Elle, elle en a du succès, et des garçons à ses pieds qui piétinent ses courriers. Sans pour autant en profiter, elle s'est laissée approcher. Il la regarde sortir avec ce garçon un peu con, pas si méchant. Et il la voit se ternir, perdre de son éclat, se vouter sous le poids des regrets.
Dans son cœur les avions se crashent, les courriers se noient. Alors il apprend à détourner le regard, à ignorer les reflets plus si dorés du premier rang. Son sang gèle, ses larmes se tarissent, il est un désert fait homme. Il erre sans but, sans objectif de vie, sans désir de réussite. Il est éteint, le petit Armand, il n'a plus envie de jouer.
Et un jour, il la surprend dans un couloir de la faculté, recroquevillée, en train de pleurer. Il se penche vers elle, attend qu'elle lève les yeux et le reconnaisse. Il s'accroupit, guette un signe de sa part, bon ou mauvais, mais il ne voit que sa détresse, sa tristesse, et il a envie de pleurer avec elle, de sombrer dans les méandres de ses amours. Il plonge dans ses yeux noisette, les mêmes qu'il y a quasiment vingt ans. Il n'a plus de doutes ; d'un geste doux il essuie ses pommettes, passe un doigt sur sa joue et étire son sourire. Dans sa poche il a un morceau de scotch, qu'il sort et pose sur leurs deux chaussures jointes.
Sa vie redémarre, son cœur passe la première, il se sent renaître. Le sang explose en lui, réchauffe son corps, il devient tout feu tout flamme, un petit volcan qui déborde d'amour. Elle est vraiment jolie, la petite Lucie. Elle retrouve sa joie, ses rires, elle se promène de nouveau le menton haut ! Ils vieillissent ensemble, et tout au long de leur vie, murissent. Leurs chevelures grisonnent, leurs articulations fatiguent, leurs souffles s'épuisent. Mais Armand est toujours joueur, et même encore maintenant, maintenant qu'ils ont soixante-dix ans, Lucie sait que le sourire en coin de son amant annonce toujours une petite facétie, une plaisanterie de la vie. Ils ont des envies d'envols, de liberté, de vivre à tout jamais.
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Pourquoi on a aimé ?
Un peu déprimés ? Plus trop foi en la vie, en l’amour ? Pas de panique, et lisez vite « Jeux d’enfants, rêves de grands ». Ce texte
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