Toute histoire commence un jour, quelque part. Cette nuit-là, il n’y avait pas d’électricité dans notre quartier. Tous les chats étaient gris. Mais il n’y avait pas que les chats qui étaient gris ; nos vêtements l’étaient aussi. Arrêtés au bord de la rue, nous attendions notre camarade, Amara, qu’on n’avait pas vu depuis le matin ; lui qui était toujours présent à nos cotés.
D’un moment à l’autre, mon téléphone sonna. C’était lui qui m’appelait. Il était à quelques pas de nous. Il tenait un joli carton dans lequel était posé un gâteau. « C’est pour l’anniversaire de ma meuf », nous dit-il.
Le gâteau était magnifique. Il ne portait pas de nom, comme les autres, mais il était haut et grand, parfaitement bien réalisé. En tout cas, sa valeur suffisait pour expliquer la longue absence de notre ami.
Ce gâteau était destiné à une fille, sa nouvelle petite amie, qu’il aimait bien, que nul d’entre nous n’avait vue, mais à qui il voulait prouver toute la sincérité de son amour. Elle habitait à Gbessia, un quartier situé à trois kilomètres de chez nous. Nous y arrivâmes en moins de dix minutes.
Amara ne connaissait pas le domicile de la fille ; ils s’étaient rencontrés sur Facebook, deux semaines plus tôt, et depuis, leur amitié avait grandi. Nous l’attendîmes sous le pont où elle vint nous chercher.
Dans ce quartier aussi, comme le nôtre, il n’y avait pas d’électricité. Cela nous empêchait de dévisager notre hôte, dans sa taille haute comme trois pommes, et sa tenue aussi noire que cette nuit. On s’efforçait à voir ses joues à l’aide de la lumière de phares des taxis qui passaient.
Elle était charmante et son sourire exprimait un accueil semblable à celui des hôtesses d’une nouvelle compagnie aérienne. Amara l’appelait « Bibichou » et tout le monde l’imita dans cette appellation.
Bibichou nous conduisit jusqu’à l’endroit où était célébré son anniversaire. C’était une cour, toute fleurie, au milieu de laquelle deux grands cocotiers donnaient l’impression d’une île touristique. Elle nous y introduit et nous fit installer sur de chaises soigneusement nettoyées.
Au fur et à mesure que la nuit avançait, les petits enfants, qui envahissaient les espaces de la cour, disparaissaient. Etait-ce parce que les organisateurs leur mettaient dehors, ou qu’ils avaient compris, d’eux-mêmes, que les « grands » souffraient à cause de leur présence ?
Ainsi, petit à petit, les filles se levèrent, dansèrent à pas ensorcelants, attirant par ces gestes, des garçons « hypnotisés » que nous étions.
Amara dansait avec sa Bibichou. Quant à moi, toute mon attention était penchée sur une fille de l’autre côté du projecteur. Elle était seule et dansait parfaitement bien. En tout cas, elle m’attirait. J’avais l’impression qu’elle dansait pour moi. Elle portait un pantalon jean de couleur bleu-ciel, genre collant et une petite chemise de marque Lacoste. Cette collection, qu’elle prenait à la « légère », mettait en relief toute sa silhouette. Ce qui ne me permettait pas de rester tranquille.
Je ne savais pas bien danser mais je savais que si je restais dans cette résignation, je finirais perdant. Alors, je me levai et me mis à la tâche, avec un seul objectif dans la tête : être en contact avec elle ou rien.
Ainsi, au fur et à mesure que je « jonglais », je m’approchais d’elle. Il ne restait plus qu’un demi-mètre pour l’atteindre. Je me fixai là, en attendant un Zouk, un mandingue ou toute autre musique pouvant mettre en contact deux âmes qui se guettent.
Comme dans un conte de fée, tout finit par aller en ma faveur. Le DJ balança le nouveau morceau « Fall » de Davido, très courtisé à l’époque, et je partis la serrer par les reins. On dirait qu’elle attendait ce moment.
Souvent, ça se passe comme ça. Les filles sont plus amoureuses que les garçons. Mais elles préfèrent garder leur sang-froid et séduire le cœur de celui qu’elles aiment. Le garçon, ainsi piégé, reste dans l’obligation d’exprimer ce qu’il ressent.
Nous dansions d’une manière érotique, sensuelle, comme si nous nous connaissions depuis des années.
J’étais content, très content, plus qu’un esclave élevé au rang de roi. Elle était dans mes bras comme si elle ne partirait pas chez elle après cette soirée. Nous dansions, nous nous caressions, nous parlions de tout et de rien. « Tu danses parfaitement bien, lui dis-je.
— Ah bon, je ne le savais pas, me répondit-elle.
— Oui, tu t’appelles comment ?
— Aminata, me répondit-elle.
— Hum, quel magnifique prénom ! Ta façon de danser ressemble à celle d’une danseuse que j’admire tant.
— Qui ça », me demanda-t-elle.
Dans ma tête, déjà embrouillée, il n’y avait aucun nom de danseuse. Je devais donc l’inventer pour ne pas qu’elle me prît pour un menteur. « Tu danses comme...tu danses comme Kila, du groupe Princesses Mamdi.
— Je ne connais pas celle-là, chuchota-t-elle dans mes oreilles.
— Pourtant, tu danses aussi bien qu’elle », complimentai-je.
Je voulais lui adresser autant de compliments, lui dire qu’elle était agréable, que sa peau était douce, que son teint était magnifique, qu’elle était naturellement bien maquillée, mais Aminata ne semblait pas disposer à d’aussi beaux compliments. Aussi, voulais-je lui souffler un « je t’aime » dans ses oreilles, lui dire par la suite que je ne voulais pas la laisser partir tout de suite, mais pour ces dernières volontés, je trouvais qu’il était trop tôt.
Après cinq morceaux de musiques dansés ensemble, Aminata me dit qu’elle était fatiguée. Elle me supplia de la laisser se reposer un peu, question de revenir plus tard avec beaucoup de force.
Ainsi, elle reprit sa chaise. Et moi, je continuai à danser au près de ses pieds car j’avais l’espoir de lui reprendre. Aussi, ne serais-je pas capable de supporter lui voir danser avec une autre personne.
Entretemps, je vis le téléphone d’Aminata sonner. Elle sortit de la cour, tandis que je continuais à l’attendre sur la piste de danse.
Beaucoup de filles me regardaient, peut-être pour le charme que j’avais mêlé à la danse avec Aminata. Certains me montraient du bout de leurs doigts. Bien qu’elles fussent beaucoup plus belles que ma partenaire, aucune d’entre elles ne parvint à détourner mon attention. Je n’étais obsédé que par elle.
La nuit avançait, les morceaux de musiques se succédaient et Aminata n’était toujours pas revenue. Le moment du découpage du gâteau fut annoncé. On présenta Bibichou au public. Elle portait sa troisième tenue, plus belle que les premières. On la photographiait avec son gâteau.
Amara, en ce moment, avait la chair de poule. Il pouvait donner un diamant bleu pour reconquérir Bibichou ou ravager toute une région pour la sauver. Elle aussi avait entière confiance en lui car l’unique gâteau d’anniversaire, pour lequel tout le monde s’était regroupé, était ce que nous y avions apporté. Je me demandais ce qui surviendrait si mon ami aurait été empêché d’y aller.
Tout y était comme parfait, mais moi, je ne me retrouvais pas dans cette ambiance. Mon âme était partie se promener dans les environs, derrière la cour, recherchant cette Aminata qui demeurait introuvable.
On présenta le parrain et la marraine. On était sur les invités. Impatient, je voulais que le présentateur fît vite pour arriver à son nom, dans l’espoir qu’elle se présenterait. Mais mon désespoir fut entier quand je l’entendis dire : « La liste des invités est terminée. » Je compris donc qu’elle n’avait pas été invitée. J’aurais dû comprendre cela, par l’extrême simplicité de sa présentation, mais l’obsession dans laquelle j’étais noyé avait suffi pour m’en empêcher.
Après l’ « hymne d’anniversaire », Bibichou coupa son gâteau, avec sa mère. Tout le reste de l’honneur revint à Amara. Nous, son staff, fûmes abonder de boissons, de plats et de desserts.
L’image d’Aminata ne me quitta pas. Elle resta dans ma tête toute cette nuit et toute la journée du lendemain. Je ne pus savoir comment la retrouver. Elle ne me connaissait pas trop. Moi-même ne la reconnaîtrais pas en d’autres temps, en d’autres lieux, et surtout dans une tenue autre que celle portée ce soir-là. Pourtant je l’attends encore. Mon cœur saigne du vide qu’elle a crée en moi ; un vide qu’elle seule pourra combler.
Si par hasard vous rencontrez un jour, une fille charmante, souriante, agréable et qui danse bien, demandez son nom. Si elle vous dit qu’elle s’appelle Aminata, n’hésitez pas à lui dire que César l’attends encore.
D’un moment à l’autre, mon téléphone sonna. C’était lui qui m’appelait. Il était à quelques pas de nous. Il tenait un joli carton dans lequel était posé un gâteau. « C’est pour l’anniversaire de ma meuf », nous dit-il.
Le gâteau était magnifique. Il ne portait pas de nom, comme les autres, mais il était haut et grand, parfaitement bien réalisé. En tout cas, sa valeur suffisait pour expliquer la longue absence de notre ami.
Ce gâteau était destiné à une fille, sa nouvelle petite amie, qu’il aimait bien, que nul d’entre nous n’avait vue, mais à qui il voulait prouver toute la sincérité de son amour. Elle habitait à Gbessia, un quartier situé à trois kilomètres de chez nous. Nous y arrivâmes en moins de dix minutes.
Amara ne connaissait pas le domicile de la fille ; ils s’étaient rencontrés sur Facebook, deux semaines plus tôt, et depuis, leur amitié avait grandi. Nous l’attendîmes sous le pont où elle vint nous chercher.
Dans ce quartier aussi, comme le nôtre, il n’y avait pas d’électricité. Cela nous empêchait de dévisager notre hôte, dans sa taille haute comme trois pommes, et sa tenue aussi noire que cette nuit. On s’efforçait à voir ses joues à l’aide de la lumière de phares des taxis qui passaient.
Elle était charmante et son sourire exprimait un accueil semblable à celui des hôtesses d’une nouvelle compagnie aérienne. Amara l’appelait « Bibichou » et tout le monde l’imita dans cette appellation.
Bibichou nous conduisit jusqu’à l’endroit où était célébré son anniversaire. C’était une cour, toute fleurie, au milieu de laquelle deux grands cocotiers donnaient l’impression d’une île touristique. Elle nous y introduit et nous fit installer sur de chaises soigneusement nettoyées.
Au fur et à mesure que la nuit avançait, les petits enfants, qui envahissaient les espaces de la cour, disparaissaient. Etait-ce parce que les organisateurs leur mettaient dehors, ou qu’ils avaient compris, d’eux-mêmes, que les « grands » souffraient à cause de leur présence ?
Ainsi, petit à petit, les filles se levèrent, dansèrent à pas ensorcelants, attirant par ces gestes, des garçons « hypnotisés » que nous étions.
Amara dansait avec sa Bibichou. Quant à moi, toute mon attention était penchée sur une fille de l’autre côté du projecteur. Elle était seule et dansait parfaitement bien. En tout cas, elle m’attirait. J’avais l’impression qu’elle dansait pour moi. Elle portait un pantalon jean de couleur bleu-ciel, genre collant et une petite chemise de marque Lacoste. Cette collection, qu’elle prenait à la « légère », mettait en relief toute sa silhouette. Ce qui ne me permettait pas de rester tranquille.
Je ne savais pas bien danser mais je savais que si je restais dans cette résignation, je finirais perdant. Alors, je me levai et me mis à la tâche, avec un seul objectif dans la tête : être en contact avec elle ou rien.
Ainsi, au fur et à mesure que je « jonglais », je m’approchais d’elle. Il ne restait plus qu’un demi-mètre pour l’atteindre. Je me fixai là, en attendant un Zouk, un mandingue ou toute autre musique pouvant mettre en contact deux âmes qui se guettent.
Comme dans un conte de fée, tout finit par aller en ma faveur. Le DJ balança le nouveau morceau « Fall » de Davido, très courtisé à l’époque, et je partis la serrer par les reins. On dirait qu’elle attendait ce moment.
Souvent, ça se passe comme ça. Les filles sont plus amoureuses que les garçons. Mais elles préfèrent garder leur sang-froid et séduire le cœur de celui qu’elles aiment. Le garçon, ainsi piégé, reste dans l’obligation d’exprimer ce qu’il ressent.
Nous dansions d’une manière érotique, sensuelle, comme si nous nous connaissions depuis des années.
J’étais content, très content, plus qu’un esclave élevé au rang de roi. Elle était dans mes bras comme si elle ne partirait pas chez elle après cette soirée. Nous dansions, nous nous caressions, nous parlions de tout et de rien. « Tu danses parfaitement bien, lui dis-je.
— Ah bon, je ne le savais pas, me répondit-elle.
— Oui, tu t’appelles comment ?
— Aminata, me répondit-elle.
— Hum, quel magnifique prénom ! Ta façon de danser ressemble à celle d’une danseuse que j’admire tant.
— Qui ça », me demanda-t-elle.
Dans ma tête, déjà embrouillée, il n’y avait aucun nom de danseuse. Je devais donc l’inventer pour ne pas qu’elle me prît pour un menteur. « Tu danses comme...tu danses comme Kila, du groupe Princesses Mamdi.
— Je ne connais pas celle-là, chuchota-t-elle dans mes oreilles.
— Pourtant, tu danses aussi bien qu’elle », complimentai-je.
Je voulais lui adresser autant de compliments, lui dire qu’elle était agréable, que sa peau était douce, que son teint était magnifique, qu’elle était naturellement bien maquillée, mais Aminata ne semblait pas disposer à d’aussi beaux compliments. Aussi, voulais-je lui souffler un « je t’aime » dans ses oreilles, lui dire par la suite que je ne voulais pas la laisser partir tout de suite, mais pour ces dernières volontés, je trouvais qu’il était trop tôt.
Après cinq morceaux de musiques dansés ensemble, Aminata me dit qu’elle était fatiguée. Elle me supplia de la laisser se reposer un peu, question de revenir plus tard avec beaucoup de force.
Ainsi, elle reprit sa chaise. Et moi, je continuai à danser au près de ses pieds car j’avais l’espoir de lui reprendre. Aussi, ne serais-je pas capable de supporter lui voir danser avec une autre personne.
Entretemps, je vis le téléphone d’Aminata sonner. Elle sortit de la cour, tandis que je continuais à l’attendre sur la piste de danse.
Beaucoup de filles me regardaient, peut-être pour le charme que j’avais mêlé à la danse avec Aminata. Certains me montraient du bout de leurs doigts. Bien qu’elles fussent beaucoup plus belles que ma partenaire, aucune d’entre elles ne parvint à détourner mon attention. Je n’étais obsédé que par elle.
La nuit avançait, les morceaux de musiques se succédaient et Aminata n’était toujours pas revenue. Le moment du découpage du gâteau fut annoncé. On présenta Bibichou au public. Elle portait sa troisième tenue, plus belle que les premières. On la photographiait avec son gâteau.
Amara, en ce moment, avait la chair de poule. Il pouvait donner un diamant bleu pour reconquérir Bibichou ou ravager toute une région pour la sauver. Elle aussi avait entière confiance en lui car l’unique gâteau d’anniversaire, pour lequel tout le monde s’était regroupé, était ce que nous y avions apporté. Je me demandais ce qui surviendrait si mon ami aurait été empêché d’y aller.
Tout y était comme parfait, mais moi, je ne me retrouvais pas dans cette ambiance. Mon âme était partie se promener dans les environs, derrière la cour, recherchant cette Aminata qui demeurait introuvable.
On présenta le parrain et la marraine. On était sur les invités. Impatient, je voulais que le présentateur fît vite pour arriver à son nom, dans l’espoir qu’elle se présenterait. Mais mon désespoir fut entier quand je l’entendis dire : « La liste des invités est terminée. » Je compris donc qu’elle n’avait pas été invitée. J’aurais dû comprendre cela, par l’extrême simplicité de sa présentation, mais l’obsession dans laquelle j’étais noyé avait suffi pour m’en empêcher.
Après l’ « hymne d’anniversaire », Bibichou coupa son gâteau, avec sa mère. Tout le reste de l’honneur revint à Amara. Nous, son staff, fûmes abonder de boissons, de plats et de desserts.
L’image d’Aminata ne me quitta pas. Elle resta dans ma tête toute cette nuit et toute la journée du lendemain. Je ne pus savoir comment la retrouver. Elle ne me connaissait pas trop. Moi-même ne la reconnaîtrais pas en d’autres temps, en d’autres lieux, et surtout dans une tenue autre que celle portée ce soir-là. Pourtant je l’attends encore. Mon cœur saigne du vide qu’elle a crée en moi ; un vide qu’elle seule pourra combler.
Si par hasard vous rencontrez un jour, une fille charmante, souriante, agréable et qui danse bien, demandez son nom. Si elle vous dit qu’elle s’appelle Aminata, n’hésitez pas à lui dire que César l’attends encore.