Depuis son plus jeune âge, Lucas n'a de cesse de vivre pour le sport. Il profite du moindre temps libre pour courir, sauter, taper dans un ballon ou jouer avec une raquette. Tout est prétexte au sport mais plus que le sport, Lucas est un compétiteur-né. Sa rage de gagner, sa hargne parfois, font de lui un redoutable adversaire.
L'adolescence arrivant, il se trouve confronté à un premier choix difficile et cruel. Footballeur dans l'âme, il n'excelle pas suffisamment dans cet art pour intégrer un centre de formation de football. Trois tentatives et trois échecs dans trois clubs différents le ramènent à la dure réalité. Cette prise de conscience le bouleverse mais Lucas ne veut pas abandonner la promesse qu'il a faite, deux années plus tôt à son papa.
Un papa parti trop tôt, emporté par une longue maladie. Un papa, à qui on a fait une promesse, ne doit pas être déçu par son fils... Depuis, Lucas vit avec cet engagement qu'il s'est infligé un soir de deuil, aveuglé par la douleur et les larmes. C'était le soir de ses douze ans.
Alors, s'il ne foulera pas la pelouse mythique du stade de France avec le maillot bleu sur le dos, Lucas ne peut se résoudre à ne pas honorer la mémoire de son père. Ses pieds lui font défaut ? alors ses mains seront son salut.
Le lendemain, du haut de ses quatorze printemps, il se rend au palais des sports de sa ville, dans l'antre des handballeurs, champion de France en titre. Son culot et sa détermination ne laissent pas insensible les éducateurs qui le reçoivent. Bien leur en pris, car sa volonté de réussir renverse tout sur son passage.
Ce phénomène, venu de nulle part, entame donc une nouvelle vie sportive riche en coups d'éclat et de colère. Lucas est à fleur de peau et son ambition qui rythme sa réussite n'est pas sans faire quelques dégâts dans son entourage sportif et familial. Travailleur sans failles, perfectionniste, Lucas progresse de jour en jour. Obsédé par son ambition permanente, il sacrifie sa vie familiale et sociale. Lucas n'a pas le don de soi mais le don de moi. Il ne veut rien devoir à personne, du moins c'est ce qu'il croit.
Mais l'on pardonne tout, ou presque, à ce jeune joueur qui porte ses coéquipiers à bout de bras, les emmenant dans son sillage de victoire en victoire. Le jour de ses dix-neuf ans, il apprend sa convocation dans l'équipe nationale. Lucas n'a jamais été aussi près de tenir son engagement.
L'histoire est belle, la lumière le suit régulièrement et l'on pourrait croire que Lucas vit sur le nuage occupé par son papa qui l'observe depuis ces sept dernières années. Quand il rentre à la maison cet après-midi-là, il ne trouve personne. D'habitude, maman est là, toujours discrète mais bien présente. Cette fois-ci, seule son absence résonne dans toutes les pièces. On est mercredi et sa petite sœur Fanny n'est pas là pour sauter dans ses bras avec son beau sourire.
Seule une feuille pliée en deux l'attend sur la table du salon. S'arrêtant net, Lucas fixe le papier du regard. Il avance sa main lentement, déplie le papier et instantanément des larmes embuent ses yeux.
« Ma chérie, je vous abandonne trop tôt et j'aurais tant voulu vous accompagner encore longtemps... »
La vue de l'écriture de son père le fait vaciller. Son cœur tambourine dans sa poitrine, sa tête tourne, son visage pâlit. Fébrilement, il lit ce qui semble être la dernière lettre de son papa adressée à la femme de sa vie, la mère de ses deux trésors.
«... Quant à Lucas, je ne me fais pas de soucis pour lui. Il est talentueux, motivé et il saura se donner les moyens de réussir. Guide-le comme tu as su m'accompagner ces derniers mois. Comme tout le monde, il ne pourra pas réussir sans toi et sans les autres... »
Lucas a de plus en plus de mal à respirer, sa poitrine l'oppresse, ses pensées tourbillonnent et créent un sentiment de panique. Dans la lettre, les mots de son papa s'enchaînent. La prose est fluide, humble, apaisée. Une véritable leçon d'altruisme, une lecture choc pour Lucas. Puis en dessous de la signature, une autre main est venue apposer une déclaration.
« Lucas mon chéri, il me semble qu'il est l'heure pour toi de lire cette lettre qui ne me quitte plus depuis sept ans maintenant. Avec Fanny nous sommes fières de toi et nous aurions aimé fêter cette date doublement importante pour toi. Nous sommes l'ombre et tu es la lumière et permets-nous-en ce jour de surexposition de nous éclipser pour mieux te laisser profiter de ton moment de gloire... »
Lucas reste prostré sur sa chaise. Il a froid. Il ne jette même pas un regard sur tous les messages de félicitations qui crépitent sur son téléphone. Un long moment passe durant lequel, il lit et relit sans cesse l'intégralité de la lettre. Les sentiments se succèdent. Chagrin, colère, abandon, son cerveau n'arrive plus à faire de distinction. Puis progressivement son corps se réchauffe. Les lignes s'écartent et il décrypte enfin cette leçon de vie.
« Lecture apaisée fera de toi l'homme que tu es. Je t'aime, Maman »
Pour la première fois depuis fort longtemps, son cerveau lâche prise et il se laisse emporter dans ses souvenirs. À la manière d'un diaporama le film de ses sept dernières années de sa vie s'affiche dans sa tête. Ses victoires et trophées viennent en pole position mais elles sont accompagnées d'une légère brume. Centrées sur lui, les images de son visage se floutent rapidement pour laisser place à ceux de ses proches. Des sourires complices, des yeux plein de fierté, de l'amour tout autour de lui. Comme sorti de son enveloppe charnelle, Lucas se retrouve spectateur de sa propre vie. Submergé par des émotions enfouies en lui, il réalise progressivement qu'il n'est pas le seul acteur de sa réussite. Des évidences qui lui procurent un électro-choc émotionnel et salutaire.
De longues minutes passent avant qu'il ne revienne à lui. Secoué, touché mais soulagé d'un poids sur ses épaules. Il prend la lettre, la porte à ses lèvres et dépose un baiser fusionnel. Il sait déjà qu'un second départ s'offre à lui et qu'il ne sera plus individualiste. Il prend les clés de sa voiture, toise du regard son téléphone saturé de messages et sereinement part vers son nouvel horizon.
Trente minutes plus tard, il gare son véhicule à une centaine de mètres de l'habitation de sa tante. Comme il le savait sa mère et sa sœur sont là, comme chaque année depuis ce jour qui vous réunit pour toute l'éternité. Deux bouquets de fleurs à la main, une promesse d'emmener Fanny au concert d'Adèle, il sonne et savoure ces dernières secondes avant l'apparition des femmes de sa vie. Il a tellement à leur dire.
Le centre d'entraînement est quasiment vide mais comme il le pressentait, les forces vives de sa seconde famille sont là, fidèles aux postes. Son entrée discrète stoppa net les conversations et l'incrédulité qu'il lit sur les visages du staff accentue son sourire.
« Bonjour tout le monde, alors c'est ici que tout se prépare et vous ne m'avez jamais invité ? «
Un vent de stupeur et d'incompréhension s'engouffre dans la pièce mais Lucas souriant enchaîne rapidement.
« Rassurez-vous, je voulais juste être seul avec vous pour vous remercier de votre confiance et de tout ce que vous faites pour moi. Sans vous et ma famille, je ne serai jamais arrivé à ce niveau et comme je ne compte pas en rester là, je veux rendre au monde caché du sport tout ce qu'il m'apporte au quotidien. Pour m'épanouir encore plus, j'ai besoin de partager, de donner tout ce que j'ai en moi avec ceux qui comme vous véhiculent les valeurs du sport et de la vie. Je veux réussir au plus haut niveau sans oublier d'où je viens et surtout en transmettant aux jeunes et moins jeunes tout ce que vous m'avez inculqué. Cela peut vous surprendre venant de moi, mais vos engagements, vos principes, votre dévouement, sans attendre d'autres retours que celui d'un sourire ou d'un moment de bonheur collectif, ne doivent pas rester vain. C'est la plus belle des victoires. »
Lucas lève les yeux au ciel, le poing serré sur son cœur, tout là-haut un nuage lui sourit.
L'adolescence arrivant, il se trouve confronté à un premier choix difficile et cruel. Footballeur dans l'âme, il n'excelle pas suffisamment dans cet art pour intégrer un centre de formation de football. Trois tentatives et trois échecs dans trois clubs différents le ramènent à la dure réalité. Cette prise de conscience le bouleverse mais Lucas ne veut pas abandonner la promesse qu'il a faite, deux années plus tôt à son papa.
Un papa parti trop tôt, emporté par une longue maladie. Un papa, à qui on a fait une promesse, ne doit pas être déçu par son fils... Depuis, Lucas vit avec cet engagement qu'il s'est infligé un soir de deuil, aveuglé par la douleur et les larmes. C'était le soir de ses douze ans.
Alors, s'il ne foulera pas la pelouse mythique du stade de France avec le maillot bleu sur le dos, Lucas ne peut se résoudre à ne pas honorer la mémoire de son père. Ses pieds lui font défaut ? alors ses mains seront son salut.
Le lendemain, du haut de ses quatorze printemps, il se rend au palais des sports de sa ville, dans l'antre des handballeurs, champion de France en titre. Son culot et sa détermination ne laissent pas insensible les éducateurs qui le reçoivent. Bien leur en pris, car sa volonté de réussir renverse tout sur son passage.
Ce phénomène, venu de nulle part, entame donc une nouvelle vie sportive riche en coups d'éclat et de colère. Lucas est à fleur de peau et son ambition qui rythme sa réussite n'est pas sans faire quelques dégâts dans son entourage sportif et familial. Travailleur sans failles, perfectionniste, Lucas progresse de jour en jour. Obsédé par son ambition permanente, il sacrifie sa vie familiale et sociale. Lucas n'a pas le don de soi mais le don de moi. Il ne veut rien devoir à personne, du moins c'est ce qu'il croit.
Mais l'on pardonne tout, ou presque, à ce jeune joueur qui porte ses coéquipiers à bout de bras, les emmenant dans son sillage de victoire en victoire. Le jour de ses dix-neuf ans, il apprend sa convocation dans l'équipe nationale. Lucas n'a jamais été aussi près de tenir son engagement.
L'histoire est belle, la lumière le suit régulièrement et l'on pourrait croire que Lucas vit sur le nuage occupé par son papa qui l'observe depuis ces sept dernières années. Quand il rentre à la maison cet après-midi-là, il ne trouve personne. D'habitude, maman est là, toujours discrète mais bien présente. Cette fois-ci, seule son absence résonne dans toutes les pièces. On est mercredi et sa petite sœur Fanny n'est pas là pour sauter dans ses bras avec son beau sourire.
Seule une feuille pliée en deux l'attend sur la table du salon. S'arrêtant net, Lucas fixe le papier du regard. Il avance sa main lentement, déplie le papier et instantanément des larmes embuent ses yeux.
« Ma chérie, je vous abandonne trop tôt et j'aurais tant voulu vous accompagner encore longtemps... »
La vue de l'écriture de son père le fait vaciller. Son cœur tambourine dans sa poitrine, sa tête tourne, son visage pâlit. Fébrilement, il lit ce qui semble être la dernière lettre de son papa adressée à la femme de sa vie, la mère de ses deux trésors.
«... Quant à Lucas, je ne me fais pas de soucis pour lui. Il est talentueux, motivé et il saura se donner les moyens de réussir. Guide-le comme tu as su m'accompagner ces derniers mois. Comme tout le monde, il ne pourra pas réussir sans toi et sans les autres... »
Lucas a de plus en plus de mal à respirer, sa poitrine l'oppresse, ses pensées tourbillonnent et créent un sentiment de panique. Dans la lettre, les mots de son papa s'enchaînent. La prose est fluide, humble, apaisée. Une véritable leçon d'altruisme, une lecture choc pour Lucas. Puis en dessous de la signature, une autre main est venue apposer une déclaration.
« Lucas mon chéri, il me semble qu'il est l'heure pour toi de lire cette lettre qui ne me quitte plus depuis sept ans maintenant. Avec Fanny nous sommes fières de toi et nous aurions aimé fêter cette date doublement importante pour toi. Nous sommes l'ombre et tu es la lumière et permets-nous-en ce jour de surexposition de nous éclipser pour mieux te laisser profiter de ton moment de gloire... »
Lucas reste prostré sur sa chaise. Il a froid. Il ne jette même pas un regard sur tous les messages de félicitations qui crépitent sur son téléphone. Un long moment passe durant lequel, il lit et relit sans cesse l'intégralité de la lettre. Les sentiments se succèdent. Chagrin, colère, abandon, son cerveau n'arrive plus à faire de distinction. Puis progressivement son corps se réchauffe. Les lignes s'écartent et il décrypte enfin cette leçon de vie.
« Lecture apaisée fera de toi l'homme que tu es. Je t'aime, Maman »
Pour la première fois depuis fort longtemps, son cerveau lâche prise et il se laisse emporter dans ses souvenirs. À la manière d'un diaporama le film de ses sept dernières années de sa vie s'affiche dans sa tête. Ses victoires et trophées viennent en pole position mais elles sont accompagnées d'une légère brume. Centrées sur lui, les images de son visage se floutent rapidement pour laisser place à ceux de ses proches. Des sourires complices, des yeux plein de fierté, de l'amour tout autour de lui. Comme sorti de son enveloppe charnelle, Lucas se retrouve spectateur de sa propre vie. Submergé par des émotions enfouies en lui, il réalise progressivement qu'il n'est pas le seul acteur de sa réussite. Des évidences qui lui procurent un électro-choc émotionnel et salutaire.
De longues minutes passent avant qu'il ne revienne à lui. Secoué, touché mais soulagé d'un poids sur ses épaules. Il prend la lettre, la porte à ses lèvres et dépose un baiser fusionnel. Il sait déjà qu'un second départ s'offre à lui et qu'il ne sera plus individualiste. Il prend les clés de sa voiture, toise du regard son téléphone saturé de messages et sereinement part vers son nouvel horizon.
Trente minutes plus tard, il gare son véhicule à une centaine de mètres de l'habitation de sa tante. Comme il le savait sa mère et sa sœur sont là, comme chaque année depuis ce jour qui vous réunit pour toute l'éternité. Deux bouquets de fleurs à la main, une promesse d'emmener Fanny au concert d'Adèle, il sonne et savoure ces dernières secondes avant l'apparition des femmes de sa vie. Il a tellement à leur dire.
Le centre d'entraînement est quasiment vide mais comme il le pressentait, les forces vives de sa seconde famille sont là, fidèles aux postes. Son entrée discrète stoppa net les conversations et l'incrédulité qu'il lit sur les visages du staff accentue son sourire.
« Bonjour tout le monde, alors c'est ici que tout se prépare et vous ne m'avez jamais invité ? «
Un vent de stupeur et d'incompréhension s'engouffre dans la pièce mais Lucas souriant enchaîne rapidement.
« Rassurez-vous, je voulais juste être seul avec vous pour vous remercier de votre confiance et de tout ce que vous faites pour moi. Sans vous et ma famille, je ne serai jamais arrivé à ce niveau et comme je ne compte pas en rester là, je veux rendre au monde caché du sport tout ce qu'il m'apporte au quotidien. Pour m'épanouir encore plus, j'ai besoin de partager, de donner tout ce que j'ai en moi avec ceux qui comme vous véhiculent les valeurs du sport et de la vie. Je veux réussir au plus haut niveau sans oublier d'où je viens et surtout en transmettant aux jeunes et moins jeunes tout ce que vous m'avez inculqué. Cela peut vous surprendre venant de moi, mais vos engagements, vos principes, votre dévouement, sans attendre d'autres retours que celui d'un sourire ou d'un moment de bonheur collectif, ne doivent pas rester vain. C'est la plus belle des victoires. »
Lucas lève les yeux au ciel, le poing serré sur son cœur, tout là-haut un nuage lui sourit.