Homme, t'as le bonjour de Dame Nature

Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés? Peut-être les deux. Que se passe-t-il autour de moi? Suis-je dans un songe ou un mensonge?
Ma planète est en perdition. Sa vulnérabilité m'inquiète. Je ne reconnais plus mon univers, celui où l'homme au moyen de sa technologie de pointe nous avait promis de veiller à notre sécurité, nous ses semblables. Oui, cet univers où l'homme disait avoir la maitrise sur tous les phénomènes naturels. Chaque jour, il repoussait la limite de ses connaissances, essayait de mieux connaitre et de mieux maitriser son environnement. Cependant, cette évolution ne se faisait pas sans conséquences. Cette hargne d'asseoir son pouvoir sur le monde qui l'entourait devint à la limite une hantise, genèse d'un déséquilibre écologique et sanitaire. Tout autour de nous, des espèces animales et végétales disparaissaient et d'autres apparaissaient. Plus il avançait dans sa quête sans fin d'une connaissance supérieure, plus il créait et agrandissait le gouffre sous ses pieds. L'homme avait trop empiété sur le territoire de la nature qu'il finit par côtoyer des espèces animales et végétales dangéreuses qu'il n'aurait jamais dû au vu de l'ombre qui planait sur leurs caractéristiques biologiques et chimiques. Ce qui amplifia considérablement les zoonoses et entraina le réchauffement climatique ainsi que ses conséquences dont nous sommes tous victimes actuellement. Certainement, nous n'étions qu'au début d'un cataclysme désastreux qui s'étalera sur une longue période.
Ma vision actuelle du monde me laisse perplexe. Entre songe et réalité, je m'y perds. Voici ce qui advint à ce monde dans lequel j'avais été bercé d'illusions. Oui, des illusions qui m'avaient fait croire que l'espèce humaine était invulnérable. Puis en une matinée hivernale, sous un ciel assombrit par des particules polluantes issues des industries, apparait à l'autre bout du monde, un être vivant si petit et si invisible que tout le monde le négligea. Cependant, il était un anthropophagiste de première classe. Lorsqu'il réalisa une hécatombe de là où il apparut puis commença à migrer, l'humanité apeurée se cacha dans des abris, évitant les contacts humains. La solitude et sa clique peu à peu firent place à la paranoïa. Cette dernière se nourissait allègrement des fausses nouvelles distillées çà et là à travers les réseaux sociaux concernant cet être vivant aux modes de déplacement étranges. Le mode de vie de l'homme changea subitement, plus n'était pareille. Du jour au lendemain, l'homme oublia ses ambitions futuristes. Dorénavant, son seul souci était de demeurer en vie. Plus rien ne l'importait sauf sa santé. Et pour rester en vie, il était prêt à faire n'importe quoi quitte à tout sacrifier... L'homme prétentieux, dans sa quête d'indépendance, de suprématie et d'autosuffisance se voyait rappeler à l'ordre par Dame Nature. Il se rendit compte de son incapacité, de sa faiblesse, de sa fragilité, de sa vulnérabilité... Il assistait muet à la débâcle de son espèce sous la pression de la nature qui reprenait la main. Il voyait son monde se réduire progressivement à néant. Sous ses yeux attristés, ses créations devenaient obsolètes, inutiles. Son incapacité à juguler les crises sanitaire et écologique le contraignit à un changement de comportements. Adepte de la géopolitique, il s'était vu contraint de raisonner désormais en termes de mondialisme. Son penchant économique était remis en question. Il se devait de raisonner dorénavant en termes de socialisme et d'humanisme. Cette implacable défàite créa chez lui un sentiment d'empathie, de sociabilité. Il prit conscience que sa survie dépendait désormais de son coeur, de son altruisme et d'une solidarité généralisée envers et entre ses semblables. Toutefois, son orgueil l'empêchait de s'y conformer. Sans vergogne, il se mua dans un déni de la réalité. A mes yeux, il n'était plus qu'un être sans faculté de discernement ni de raisonnement. Sa peur des maux qu'il ne put résoudre fit qu'il se claquemura, s'isola et finalement devint un paria. Se refusant d'accepter son incapacité face à Dame Nature, il utilisait des mots doux pour masquer sa peur des maux en faisant comprendre à quiconque qu'il ne s'était pas recroquevillé sur lui-même ni claquemuré. Il affirmait de manière hautaine s'être confiné, au mieux auto-confiné comme s'il le faisait en toute âme et conscience sans aucune contrainte extérieure.
Il a fallu qu'une catastrophe sanitaire nous permette de nous rendre compte de notre vulnérabilité, de nous rendre compte que nous n'étions que des pions amovibles sur échiquier dont l'indispensabilité reste à prouver. Notre suprématie sur le règne vivant était remise en cause. Notre intelligence fut mise à rude épreuve. Nous essayions de reconstruire à l'identique en réparant des brèches, chose impossible. Rien n'était plus comme avant. L'hégémonie des puissances occidentales vacillait. Nous fûmes en passe d'assister à un renversement du sens d'application de la géopolitique mondiale. La parcimonie n'avait plus lieu d'être. Chaque Etat, chaque nation, chaque être humain ne pensait qu'à sauver sa peau. Les gestes de solidarité s'étaient amplifiés rappelant ainsi à l'ordre tous les humains qui s'étaient détournés de l'humanisme au profit d'un capitalisme égoïste. Cette empathie fusse-t-elle hypocrite se faisait voir partout et portait tant bien que mal des fruits.
La nature par le truchement d'une pandémie venait de mettre en marche l'horloge d'une révolution comportementale qui sonnait le glas d'une civilisation décadente. Les développements économique et technologique s'étaient avérés inefficaces face à la force de la nature. Aucune technologie n'avait pu stopper la nature dans son élan de reconquête et de destruction anthropophagiste. Dans ce monde, tout y était c'en dessus dessous. C'était à se demander qui était le véritable maitre sur cette planète habitable dite planète bleue? Est-ce l'homme ou la nature ?
Au cours de cette pandémie, nous l'avions entendu très souvent dire qu'il devait aller en guerre contre ce virus à l'origine du cataclysme. Quelle audace!!! Comment pouvait-il aller en guerre contre un ennemi qu'il maitrisait très peu les agissements? Cette guerre dont il prétendait mener était et sera asymétrique. N'avait-il pas tiré les leçons des guerres asymétriques qu'il avait menées contre ses semblables au nom du terrorisme? L'interrogation demeurait totale.
Toutes ses prévisions avaient échoués, ses envies optimistes s'étaient entrelacées telles des lianes dans une forêt dense. Les sujets sur lesquels il était pessimiste se révélaient porteurs d'espoir. Beaucoup d'incertitudes demeuraient quant à la prévision du futur, aucune sureté ne subsistait. Ne pouvant cependant pas mettre de côté son égo et son orgueil, il était obliger de composer avec cette incertitude. Personne ne pouvait avec conviction l'instant d'après. L'homme vivait avec la fatalité comme compagnon invisible. Elle se tapissait dans l'ombre prête à se révéler au grand jour. Sa vie était une combinaison de phénomènes insaisissables, indéchiffrables et ironiquement opposés. Il se résolu à accepter la perfidie de sa destinée en affirmant: « Notre condition sociale ne nous met aucunement à l'abri des fléaux. Quand nous faisons face à la mort, quel que soit la durée de ce combat, la mort finit par l'emporter. La mort est une faucheuse impitoyable qui gagne toujours ses duels. Elle est une triste réalité que nous réfutons de toutes nos forces. Nous préférons chouchouter la vie qui est un beau mensonge méticuleusement maquillé». Ses propos semblaient ironiques mais demeuraient cependant la réalité du destin, l'inconnu que nul n'a encore élucidé.
En attendant, l'air hagard rempli de tristesse et de remords, il comptait les cadavres de ses semblables par milliers quotidiennement.