Grandeur

- « Maître ? Vous plaisantez ? Vous pouvez me cogner, comme l'ont fait tous les autres, mais je ne vous appellerai pas maître. »
Légitime tout de même, pourquoi l'appellerait-t-il maître ? N'est-ce pas un trop grand mot pour un simple humain comme lui ?
Tout se passe aux environs de 22h, près d'un célèbre cabaret de Paris. Vague et pensif comme à son habitude, Joeffrey avait pour exercice intérieur de se rappeler toutes les bonnes raisons pour lesquelles il se doit de se battre. Toutes les raisons qui le pousseraient à mettre une croix sur son passé assez douloureux.
Mais qui est Joeffrey, me demanderez-vous ! Eh bien, ce garçon âgé de 16 ans est le protagoniste de notre belle histoire. Une histoire qui commence en 2006, à sa naissance.
22h48, est l'heure qu'il est lorsque le petit Joeffrey poussa son premier cri à l'hôpital Saint Nicolas de Paris. Son papa absent lors de l'accouchement, ne se plia pas en deux pour assister à ses premiers pas, son premier anniversaire ou encore le troisième. Notre garçonnet malgré son très jeune âge, ne manqua pas de remarquer l'absence de sa figure paternelle, qu'il décida peu à peu de décréter comme inexistante. Quant à sa maman, âgée à peine de 22 ans à cette époque, enchaînait avec les sorties en boîte de nuit, des messes basses avec ses prétendues copines, qui pouvaient durer jusqu'à pas d'heure. Au point d'en oublier qu'elle avait un fils à élever.
Vous l'aurez compris, le jeune Joeffrey a grandi dans la solitude extrême, il n'avait pas d'amis. Lorsqu'il eut 15 ans, sa maman décida de quitter la France, et d'aller vivre une vie meilleure et nouvelle ailleurs. Abandonnant son fils sous la garde de son père, qui sans grande surprise l'abandonna. Livré à lui-même il décida de sortir de son cocon et de vivre !
Oui vivre, mais qu'est ce vivre pour notre petit jeune homme ? Vivre pour Joeffrey s'est expérimenter la vie sans attendre l'approbation de qui que ce soit. Vivre, c'est faire ses propres choix, se laisser guider par son cœur et surtout avoir des principes de vie. Des valeurs.
Il l'a compris assez tôt, ce que bien de gens ne savent pas encore dans leur vie adulte. Son enfance bien que douloureuse, aurait donc servi à cela ! Lui faire voir la vie sous un angle plus mature et responsable.
Dans ce cabaret de Paris, se retrouvaient des personnes de classes sociales confondues, des ouvriers, des fonctionnaires d'état, des entrepreneurs etc. Durant la journée, Joeffrey cherchait du travail, et il ne s'arrêtait pas. Des maisons de couture du coin en passant par les différentes menuiseries et même les restaurants, il parcourait la plupart des secteurs d'activités qui se présentaient à lui. Mais personne ne voulait de lui, de cet orphelin abandonné et rejeté de ses propres parents. Mais notre brave jeune homme ne désespérait pas, il était optimiste ! A 19h par-là, il tombait sur une charmante demoiselle épuisée par les multiples courses qu'elle transportait.
- « Bonsoir jeune demoiselle, excusez-moi. Avez-vous besoin d'aide », demanda Joeffrey très concerné.
- « Non merci ce n'est pas la peine ! Je connais les personnes dans ton genre », répliqua-t-elle assez agressivement.
- « Des personnes dans mon genre ? Mais que voulez-vous dire ? », s'interrogea-t-il assez ébahi.
- « Oui, des voleurs comme vous. », affirma la jeune demoiselle.
Après cette phrase, il comprit tout de suite les aprioris qu'avait la jeune fille à son égard. Et il répondit par la suite :
- « Je n'ai jamais volé de ma vie moi. Mais quant à vous, vous avez un réel problème de jugement. Ce n'est pas parce que j'ai l'air mal soigné que je suis un voleur. Sachez que l'habit ou même l'apparence ne fait jamais le moine ! »
Tout en s'éloignant peu à peu de la jeune demoiselle, il poursuivit :
« Vous pouvez être méfiante, mais sans toutefois être désagréable ! Bonne journée à vous et bonne continuation avec vos courses ».
Oui, avoir des principes de vie. Ne jamais se laisser insulter ou rabaisser peu importe la situation et avoir confiance en ses valeurs. C'est par cette loi que le jeune homme mène sa vie, qui n'est d'ailleurs pas très facile.
Après cette rencontre qu'on qualifiera de mouvementée, Joeffrey se rendit à la ruelle la plus proche pour se détendre et se reposer.
- « Espèce d'ingrat ! Je t'ai nourri, habillé, éduqué. Et tu me ramènes des amendes ? Qui penses-tu être ? », entendit-il crier au loin.
- « Je suis désolé Monsieur. Je tâcherai de faire attention la prochaine fois. », laissa entendre une voix triste et apeurée.
- « Désolé ou pas, ne remet plus jamais les pieds à mon domicile. Plus jamais ! Fais comme tu veux mais ne reviens pas ! », gronda le monsieur d'une voix rauque.
Tout à coup, plus rien. Plus de cris, plus de sanglots, rien. Du calme. Joeffrey se tourna donc encore plus curieux et cherchait du regard le jeune homme qui paraissait être de sa tranche d'âge.
Bingo ! Il le trouva, assis dans la ruelle voisine en pleurs. Joeffrey s'approcha et lui dit :
- « Pas très belle la moustache de ton monsieur », se moqua-t-il.
- « Affreuse, je dirais », dit le garçon en souriant.
Joeffrey trouva un ami, un très bon ami. Et il était super heureux. Il n'avait pas ressenti cette émotion depuis bien des années. Mais aujourd'hui, immense fut sa joie.
Joeffrey expliqua à son nouvel ami Ellie comment il faisait pour s'en sortir. Et les deux jeunes hommes commencèrent à cheminer ensemble. Ainsi s'annonçait le début d'une grande et vaillante amitié.
- « Joeffrey étais-tu mon garçon ? Je t'ai cherché partout. Viens donc. », marmonnait un monsieur.
- « Pardon Monsieur, mais je ne vous connais pas du tout », répliqua Joeffrey.
- « Comment est-ce possible ? Je suis ton maître. », retorqua-t-il.
- « Maître ? Vous plaisantez ? Vous pouvez me cogner, comme l'ont fait tous les autres, mais je ne vous appellerai pas maître. »
Mais de qui parlait-il ? Qui l'avait cogné ?

A suivre...