Funeste démonstration…

Maëlle Janod

Maëlle Janod

Meilin se réveilla, enfin. Cela faisait maintenant deux heures que le bolide interplanétaire avait atterri, sur une planète inconnue, à trois-cents années lumière de la Terre. Mais avec le choc de l'atterrissage, l'exploratrice s'était évanouie. Si elle n'avait pas sentit une vibration, elle le serait encore. La question était alors : d'où provenait cette secousse qui ébranlait tout le vaisseau ?
 

Après s'être étirée, Meilin se leva et regarda par le hublot inférieur du vaisseau. Et là, stupeur ! Elle vit des êtres vêtus de plumes multicolores à la peau translucide. Ils tentaient de charger le vaisseau sur des cordes reliées à deux grosses poutres en bois. Une sorte de grand dinosaure était attaché à ce moyen de transport qu'elle estimait primitif.
 

Meilin décida de descendre faire la connaissance de ces individus aux trois mains. Au moment où elle ouvrit la porte blindée, une bonne centaine de paires d'yeux blancs et globuleux se tournèrent vers elle pour la fixer. Pendant quelques minutes, le temps sembla figé. Puis celui qui semblait être le chef leva ses bras et poussa un cri guttural. Aussitôt, dix créatures semblables s'emparèrent de la jeune fille et la ligotèrent. Elle essaya bien de se débattre, mais trente mains puissantes contre deux seulement, elle ne faisait pas le poids.
 

« Neouiehyzev Sentimentos. Hrauur jb bhyyarbuyhbabhue ? » dit le chef.
 

Meilin avait pu, à temps, enclencher son traducteur de langues inconnues pour comprendre :
« Nous sommes les Sentimentos. Qui êtes-vous ? »
Elle lui répondit :
« Je suis Meilin, une exploratrice de l'espace. Je suis venue pour découvrir de nouveaux territoires, sans projet de conquêtes.
- Bien, nous t'emmènerons au Connaisseur, notre sage. C'est lui qui décidera de ton sort. »
 
Elle fut hissée sur l'animal qui tirait son vaisseau. Elle sut alors que cette bête était un laggin, une bête pacifique soumise entièrement au service des Sentimentos. Au bout de plusieurs dizaines de minutes qui lui parurent être des heures, dans ce climat humide et chaud si inhabituel pour elle, ils arrivèrent dans un village. Il était composé de huttes au pieds d'arbres aux fleurs multicolores nommés espérance du Minoku en raison des oiseaux qui nichaient desus. Meilin fut amenée devant une habitation aux dimensions invraisemblables ; elle touchait presque la cîme des arbres.
Un vieillard se tenait prostré sur un tapis fait de plumes colorées. À part une table basse en bois rouge vif, l'unique pièce de la maison n'était constituée d'aucun autre meuble. Lorsqu'il aperçut la nouvelle venue, le Connaisseur l'examina de la tête aux pieds, puis, au bout d'un long moment, prononça d'une voix chevrotante :
« Je vois, tu es une humaine venue de la Terre, n'est-ce pas ?
Comment le savez-vous ?
Il y a de nombreux secrets qui méritent de ne pas être dévoilés... Mais je sais que tu veux connaître toutes les coutûmes, toutes les particularités de notre planète. Par amitié pour les humains - qui nous ont tout appris - je vais te les expiquer.
Vous connaissez les humains ?
Si tu n'arrêtes pas de m'interrompre, je risque de ne rien te dire du tout, Fille Curieuse.
D'accord, allez-y.
Très bien, commençons par le commencement. La planète sur laquelle nous vivons se nomme Tria Elementa. Elle est composée de deux parties principales : le territoire des Laves Brûlantes et la contrée des Neiges Eternelles. Mais nous ne pouvons pas y habiter car il y n'y a pas d'oxygène. Nous, nous vivons au milieu, dans une forêt, comme tu as pû le constater... »
 
Meilin entendit de longues plaintes aiguës. Attirée par ces bruits étranges, elle sortit la tête dehors et vit avec horreur des milliers de minokus chassés de leur habitat par les Sentimentos. Ils leur tiraient dessus pour les déloger. Horrifiée par cela, elle tenta de les arrêter. Mais ils ne l'écoutèrent pas et continuèrent leur action effroyable. Désarmée face à cette abomination, la jeune fille courut vers son vaisseau spatial laissé sans surveillance. Elle se dépêcha de décoller. Elle était extrêmement attristée par le destin funeste réservé à ces bêtes si fragiles. Mais elle savait qu'elle était impuissante, n'étant qu'une étrangère.
 

Tria Elementa était sûrement une planète magnifique, avant la venue des humains, il y a des millénaires. Recelant tant de choses à découvrir... Mais partout où ils allaient, les humains laissaient des traces. Ici, ils avaient montré aux Sentimentos - nom qui avait du être très bien choisi au départ - que ces derniers étaient plus intelligents que les autres espèces et qu'ils devaient les dominer pour vivre mieux. Or, c'est le contraire, si l'on veut vivre en harmonie, chacun doit doit pouvoir être libre et égal aux autres.
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