Fulminations

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Fulminations est un avant mélange des genres thriller et science-fiction. La chute vient brillamment éclairer toutes les particularités du dialogue

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— Quelqu'un cherche à me tuer, docteur.
— Eh bien... nous sommes en guerre, agent Kant. Il est parfaitement naturel que quelqu'un cherche à vous tuer.
— Non. Je ne parle pas de la mort aveugle. Quelqu'un veut me tuer moi, en particulier.
— Cela n'est-il pas l'affaire du commissaire ?
— Il m'a référé à vous. Voyez-vous docteur, je n'ai aucune preuve. Aucun élément tangible. Mais je sais.
 
Le docteur Nyx regarda Kant d'un air curieux.
 
— De quelle génération êtes-vous, agent Kant ?
— Ayin-12-Omega.
— Une bonne génération, d'après les études. De l'intelligence, de la précision, de la discipline et... ma foi, ajouta-t-elle avec un mince sourire, un singulier manque d'imagination.
— Précisément.
— Ce meurtrier qui vous en veut. L'avez-vous déjà vu ?
— Non.
— Est-il réellement en mesure de vous tuer ?
— Oui.
— Par quel moyen ?
— Je l'ignore.
— Et pourquoi ne le fait-il pas ?
— Je l'ignore.
— Savez-vous à quel point vos déclarations sont incohérentes ?
— Je le sais, docteur. C'est pourquoi j'ai besoin de votre aide.
Dehors, un immeuble se volatilisa soudain dans une explosion de fumée et de flammes. Mais la vitre blindée et le champ inertiel étouffèrent tout bruit, toute secousse. Nyx ne prêta aucune attention au spectacle.
— L'ennemi approche, commenta posément Kant.
— Aucune importance, finit par répondre Nyx. Notre victoire est assurée. Revenons-en à vous.
 
Kant acquiesça. Nyx parcourut un moment ses dossiers.
 
— Les cas similaires au vôtre sont rares. Presque tous liés à de graves problèmes psychiatriques. Cependant...
Elle considéra Kant qui attendait les mains posées sur les genoux, l'air calme.
— Quand avez-vous acquis la conviction que l'on cherchait à vous tuer ?
— Avec la clarté actuelle, cela fait six jours. La sensation de malaise diffus remonte à plus longtemps, environ deux mois.
— Avez-vous relevé une concomitance suspecte avec un événement quelconque ?
— Je n'ai trouvé aucune corrélation logique entre les événements de ces dates et le fait que l'on cherche à me tuer. À vrai dire docteur, je ne puis imaginer ni quel en serait le motif, ni qui en serait le coupable.
 
Nyx tapota un doigt sur la table d'un air impatient.
 
— N'avez-vous pas coordonné l'attaque de drones sur le secteur delta-4, il y a six jours de cela ? Environ cinq cent mille victimes estimées ?
— Et ?
— Voilà un mobile pour quelqu'un qui en aurait après vous.
— Je ne comprends pas.
— Naturellement, soupira Nyx. Vous avez les limites de votre génération. Il y a deux mois de cela, avez-vous conduit ou participé à une autre opération de ce type ?
— Non. Seulement aux travaux de propagation du rétrovirus Chi-42.
— J'en ai entendu parler. Un franc succès également, selon les renseignements, puisque les taux de natalité chez l'ennemi sont tombés à presque zéro depuis. Sans compter les décès brutaux des femmes qui se trouvaient être enceintes au moment de l'infection. Nous parlons sans doute de millions de personnes.
— Oui. Un gain stratégique crucial. L'ennemi mettra du temps pour compenser la perte de ses capacités reproductrices. Déployer des moyens de clonage sur une si grande échelle immobilisera une grande partie de ses ressources.
— Là encore, vous ne voyez pas le rapport avec... ?
— Quoi donc ?
— Votre malaise, appelons-le ainsi.
— Non.
— Naturellement.
 
Nyx se leva et fit les cent pas devant Kant, cherchant l'explication appropriée. Dehors, l'attaque qui avait commencé par un tir de missile prenait de l'ampleur. De nouvelles bombes explosaient à tout instant, feux d'artifices irréels dont seules les blanches fulminations perturbaient le calme et le silence du cabinet. La capitale ne serait bientôt plus qu'un tas de cendres, les millions d'âmes qu'elle hébergeait, un souvenir. Mais c'était la guerre. La guerre exigeait des sacrifices tactiques. Cela, Nyx et Kant le comprenaient parfaitement.
 
— Je vais vous demander un effort, agent Kant. Détachez-vous un instant de vos propres schémas de pensée. Tâchez de penser comme l'ennemi penserait. Tâchez de ressentir ce qu'il ressentirait.
— Je ne comprends pas...
— Considérez le scénario suivant, enchaîna Nyx en ignorant la réponse de l'agent. Vous êtes un citoyen ennemi. Votre épouse s'apprête à mettre votre enfant au monde. On vient de déceler le rétrovirus Chi-24. Deux choses sont certaines : il est impossible de l'arrêter à temps ; il est artificiel. Votre femme le contracte. En quelques jours à peine, l'embryon se transforme en amas de chair putréfiée. Quelques heures, et la nécrose atteint tous les organes vitaux de la mère. Vous restez seul au monde et vous savez qu'il ne s'agit pas d'un accident. C'est un acte prémédité de l'ennemi, froid, volontaire et dépourvu de pitié.
 
— Et ?
— Que faites-vous ?
 
Kant médita un instant et s'apprêta à répondre quand un flash aveuglant éclipsa brièvement toute autre lumière. Le champ inertiel ne parvint pas à absorber la totalité de l'onde de choc et la pièce fut prise d'une violente secousse qui dura de longues secondes.
 
— Une bombe atomique, commenta Kant d'un air mi-impressionné, mi-admiratif en essayant d'estimer de tête la puissance destructrice qui venait d'être déployée.
— Exactement ! s'écria Nyx. Très impressionnant pour votre génération. Poursuivez ce raisonnement. Imaginez à présent que, deux mois après la mort de votre femme et de votre enfant, vous vous êtes retiré dans le secteur delta-4. Vous travaillez dans un centre d'accueil pour orphelins. Ils sont nombreux, mais vous leur dédiez la totalité de vos efforts et de votre intelligence. Un jour les sirènes sonnent et ne s'arrêtent pas. Ce n'est pas un exercice. La nuée de drones obscurcit le ciel. Ce ne sont pas des drones explosifs standard, mais des stymphalides, conçus pour la terreur, destinés à percer, trancher, arracher. Ils fondent sur la ville avant que les protections n'aient pu être dressées. Les orphelins sont massacrés et mis en pièces sous vos yeux. À nouveau, l'ennemi est responsable de cela. Le même ennemi. Que faites-vous ?
— Un ennemi responsable de deux attaques réussies devrait être éliminé de façon prioritaire.
— Bien, très bien. C'est à peu près cela. Aussi près que vos capacités vous le permettent, je suppose. Comprenez-vous, à présent, qu'un assez grand nombre de personnes pourraient avoir une raison de vouloir vous tuer, vous, en particulier ?
 
Kant resta silencieux un moment, le visage dénué de toute expression, les mains toujours posées sur ses genoux.
 
— Votre raisonnement ne tient pas debout, docteur. En admettant qu'une personne ait pu se trouver sur les lieux des deux opérations et survivre au deux, elle n'avait aucun moyen de savoir si un même agent en était responsable. Quand bien même, au moyen de renseignements d'espionnage extrêmement difficiles à obtenir, elle l'aurait su, il reste un problème que vous n'avez pas résolu. Comment, sans jamais entrer en contact avec l'ennemi, aurais-je pu être informé à l'avance des intentions meurtrières de cette personne, comme cela semble être le cas ?
— Vous me sous-estimez, agent Kant, ou plus précisément, vous vous sous-estimez.
— Je ne comprends pas.
 
Nyx rit doucement.
 
— Ce que vous n'avez pas imaginé, agent Kant, c'est que vous vous méprenez sur vos propres ressentis. Quelqu'un essaie de vous tuer ? Vous en avez la certitude, mais aucune preuve ? Oh, non. Ce que vous avez, ce sont des remords.
— Alors, pouvez-vous m'en guérir ?
— De vos remords ? répliqua Nyx en riant de plus belle. De votre misérable envie de mourir, née de votre âme, de votre conscience, de votre sens de ce qui est juste et de ce qui est injuste, née en somme... de votre humanité ? Oh, mon cher Kant, non, on ne guérit pas de ces choses-là.
 
Il y eut de nouvelles explosions aveuglantes au-dehors. Kant eut à peine le temps de voir le pistolet que Nyx braqua sur son visage. Elle tira sans même cligner des yeux.
 
Nyx regarda avec intérêt le crâne éventré d'où pendaient des lambeaux de cervelle brûlée, puis dicta quelques notes à destination du réseau central. Génération Ayin-12-Omega. Hautement inapte à la guerre. À retirer du service.

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