Il faut laver le chien

Autant que je m’en souvienne, j’aime lire depuis que j’ai appris il y a…. fort longtemps…. Je voue une admiration à tous ceux qui sont capables de produire des histoires, de capter des ... [+]

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à retrouver dans nos collections


Histoires Jeunesse :
  • 8-11 ans (cycle 3)
Collections thématiques :
  • Aventure & suspense - cycle 3
Dans le grenier de la grande maison au bout de l'impasse, quelque chose de très sérieux se prépare. Avec précaution, l'air grave, Paul déplie une grande feuille de papier sur laquelle il a dessiné son plan de bataille. Aujourd'hui, dernier jour des grandes vacances, maman a donné à ses deux fils une mission très importante : il faut laver le chien ! Et Paul n'est pas là pour rigoler. La tâche est très sérieuse, alors avec son petit frère Arthur, ils ont appelé leurs cousines à la rescousse pour mener à bien cette mission périlleuse.
 
Hortense et Eugénie sont arrivées ce matin, convoquées pour la réunion au sommet, autrement dit, réunion secrète dans le grenier, seul endroit où le chien ne pose jamais une patte. S'ils prennent autant de précautions, c'est pour une bonne raison : Fulbert déteste prendre son bain ! À la vue de la bassine, du tuyau d'arrosage, ou même quand on prononce les mots « shampoing » ou « savon », le chien comprend. Il perçoit la menace de sa capture, dresse ses oreilles et se sauve à toutes pattes au fond du jardin.
 
Fulbert est un mélange bizarre entre plusieurs races difficiles à identifier. Haut sur pattes, il ressemble à un chien de berger aux longs poils blancs, mais sa truffe toute fine lui donne un petit air de lévrier qui aurait trop mangé. Les garçons se sont même demandé si c'était bien un chien, la première fois qu'ils l'ont vu en train de vagabonder sans collier ni maître dans l'impasse devant leur maison. Craintif, il se sauvait dès qu'ils tentaient de l'approcher. Mais en quelques jours, munis de saucisses chipées dans leur cuisine, Paul et Arthur ont réussi à l'amadouer, et même à le caresser.
Après deux semaines du régime saucisses-caresses, le chien en confiance est entré dans le jardin. La bataille a été rude pour que leurs parents acceptent de le garder. Mais à force de supplier et promettre qu'ils allaient bien s'en occuper, Paul et Arthur ont réussi à les convaincre. Comme le jour de son adoption, c'était le lundi de Pâques, le chien a été nommé Fulbert. Ben oui ! C'est le jour de la Saint Fulbert ! 
 
Fulbert adorait jouer mais il était aussi très sérieux : en vrai chien de garde, il courrait aboyer au portail dès qu'il entendait retentir la sonnette. La maison était entourée d'un grand jardin clos, royaume de Fulbert. Les chats du quartier qui osaient s'y aventurer finissaient chassés ! Mais la grande passion de Fulbert, c'était la boue ! Il adorait se rouler dans les feuilles et la gadoue du jardin après les pluies d'orage. En séchant, la boue collait ses longs poils blancs avec les feuilles et formait de gros nœuds. Réussir à l'attraper quand il était aussi dégoûtant devenait une vraie aventure. Et Paul faisait le bonheur de son petit frère en transformant la corvée du bain en opération secrète avec nom de code. 
 
Aujourd'hui, c'est le dernier jour des grandes vacances, et la mission bain du chien devient l'opération « chien-propre ». Dans le grenier, Paul explique son plan et répartit les rôles. 
— Arthur, tu seras l'agent Œil de lynx. Tu prendras les jumelles de Papa et ton talkie-walkie. Ta mission : repérer où se trouve Fulbert et nous informer de sa position.
— Oui chef ! répond Arthur. 
— Eugénie, tu seras l'agent Ruse. Tu devras détourner l'attention de Fulbert pour le tenir loin de l'entrée de la maison. Tu vas devoir attirer Pompon la fripouille, le chat des voisins. Il nargue tout le temps Fulbert en se perchant sur le mur du fond du jardin, bien à l'abri de ses crocs.
— Message reçu, chef ! Et je fais quoi une fois que le chien sera en train d'aboyer sur le chat ?
— Tu nous rejoins devant le garage. Hortense et moi, on est les agents Piège à bain ! Attention, silence absolu en sortant la grande bassine du garage. On l'installera devant l'entrée de la maison et on la remplira. Ensuite, on la cachera avec le labyrinthe en carton que j'ai fabriqué.
— Et comment tu comptes attirer Fulbert ? demande Hortense. Tu sais bien que quand il aboie après son ennemi juré, il n'obéit à personne !
— C'est vrai, mais une chose le fait réagir plus fort encore que le chat, et c'est là que l'agent Œil de lynx entre en piste pour sa deuxième mission.
 À son nom de code, Arthur, fier comme tout, mime un salut militaire. 
— À mon top départ, Œil de lynx ira sonner au portail de l'entrée. Nous savons tous que Fulbert ne résistera pas à l'appel de l'heure du facteur. Il va débouler comme un dingue et arrivera au triple galop pour aboyer au portail. Nous, on sera sur sa trajectoire, en embuscade. À nous quatre, on va l'attraper et laver ce sac à puces ! 
 
Paul décrète la fin de la réunion et les agents se mettent en place. Au début, tout se déroule comme prévu. Arthur repère Fulbert au fond du jardin. Le chien se roule avec bonheur dans le tas de gazon fraîchement tondu et les flaques d'eau formées par les pluies d'orage de la veille. À bonne distance du chien, Eugénie appelle Pompon et, pour l'attirer, elle agite par-dessus le mur d'enceinte un petit jouet relié à une ficelle.
 
Alors qu'elle marche pour déplacer l'appât, Pompon saute par-dessus le mur et atterrit sur les pieds d'Eugénie qui pousse un cri de surprise. Cela suffit à attirer l'attention de Fulbert qui voit le chat et se met à ses trousses. Et à partir de là, l'opération « chien-propre » se transforme en une course poursuite échappant à tout contrôle.
 
Le chat zigzague entre les massifs de fleurs, bondit jusqu'à la terrasse et grimpe sur la table de jardin. La table de jardin, sous le poids du chien qui saute, se renverse avec le vase et les pots de fleurs posés dessus. Le vase et les pots de fleurs éclatent en mille morceaux, mais Fulbert poursuit toujours Pompon, qui contourne la maison, tout droit vers le piège à bain.
 
D'un bon, Pompon saute par-dessus les cartons qui dissimulent le tuyau d'arrosage et atterrit pile dans la bassine pleine d'eau. Fulbert percute les cartons et, dans un dernier saut nettement moins acrobatique, renverse de tout son poids la bassine sur lui. Pompon en est éjecté et s'envole dans les airs, avant de retomber, trempé mais sans une égratignure, sur l'étendoir à linge. 
 
On ne peut pas dire que le fameux plan de Paul a marché comme sur des roulettes... Mais finalement, Pompon, qui fait moins le malin, file chez lui sain et sauf tandis que Fulbert, vaincu et fatigué par sa course, se laisse laver, shampooiner et rincer, sans trop de résistance. Il faudra tout de même expliquer à Maman comment les poteries ont été cassées et pourquoi le linge est couvert de traces de pattes de chat. Mais demain, c'est la rentrée des classes ; Arthur et Paul pourront raconter à tous leurs copains la plus drôle et incroyable histoire sur le chat qui vole et le chien qui n'aime pas prendre son bain. 

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Image de Il faut laver le chien
Illustration : Mathilde Ernst