Toute sa vie elle s’était battue.
La vie ne lui avait jamais rien offert gratuitement.
Battue contre sa mère pour refuser cette image de femme soumise.
Battue contre son père pour refuser un mariage de bienséance.
Battue à faire des petits boulots pour payer ses cours du soir.
Battue pour ce divorce d’avec un amour devenu violent.
Battue contre l’image de femme seule, sans enfant, forcément malheureuse.
Battue contre ses démons, son énergie, son addiction à l’alcool.
Battue contre son intelligence, sa dépendance au travail.
Elle transforma « devoir se battre » en « battante »,
Le jour où elle découvrit ces jeunes migrantes
Entassées dans un taudis par d’infâmes passeurs.
Battante et partante toujours pour aller battre le pavé,
Pancarte à la main, pour le féminisme, le droit à l’avortement.
Battante, battante, battante...
Ce soir, des cheveux blancs se sont immiscés dans sa chevelure de feu,
Ce roux qui a toujours été le symbole de sa passion.
Ce soir, elle est l’invitée d’une émission sur une grande chaine de télévision.
Son sourire chaleureux éclaire l’écran.
« —Vous êtes l’idole de toute une génération de femmes, vous êtes une femme forte, une battante ! lui dit la présentatrice, que voulez-vous dire à toutes ces jeunes femmes qui vous écoutent ? »
—Je voudrais leur dire, que je leur souhaite que ce mot devienne désuet parce qu’alors, elles seront des femmes, sans besoin d’adjectifs... Et ce sera très bien »
Des milliers de paires d’yeux se brouillèrent devant le poste de télévision. Le sourire chaleureux auréolé de rouge, s’imprima à tout jamais dans leurs pupilles.