Toute histoire commence un jour, quelque part. Celle hostile de Fanta Diallo commença quand elle avait l'âge de raison; quand elle était en classe de terminale. Issue d'une famille musulmane, Fanta Diallo pratiquait avec véhémence les vêtus théologales. Son assiduité et sa ponctualité à la prière quotidienne étaient perçues par son entourage comme une qualité qui lui est intrinsèquement liée. Fanta Diallo était dotée d'une beauté angélique. C'était l'une des perles les plus rares que désirait tout homme. Sa beauté qui fascine, son regard qui séduire, son sourire qui fait la joie des cœurs masculins, ces traits physiques, au lieu de la conduire au bonheur, lui ont plutôt ouvert les portes du malheur. En effet, elle fréquentait le complexe scolaire le Pharaon. Fanta Diallo, cette belle créature suscitait le désir de la posséder non seulement chez tout le personnel administratif, mais aussi chez ses camarades élèves. Nul pourtant n'osait l'aborder à cause de l'influence de son père Samba Diallo, le muezzin de la mosquée du quartier Belleville. Toutefois, ce mythe de l'homme noir fut à court terme. Joseph, le jeune professeur de français qui venait fraîchement dêtre affecté dans le collège, courtisait déjà du regard la jeune Fanta Diallo.
On était au cinquième jour de la semaine et à la dix-huitième heure du jour, c'est-à-dire le début du weekend, quand Joseph vit Fanta Diallo assise toute seule dans le jardin de l'école. L'occasion fait le larron, dit-on. Joseph qui rêvait tant à ce moment ne voudrait guère laisser passer cette occasion. Il lui fallait alors tenter sa chance. Il hâta les pas et se présenta devant Fanta Diallo qui eut un sursaut en le voyant en face d'elle.
- Toi! Que fais-tu toute seule ici? Lança Joseph.
- Monsieur, Je voudrais pendre un peu d'air frais et contempler ce beau paysage avant de rentrer chez moi.
Joseph s'invita à prendre place aux côtés de Fanta Diallo et se mit tout à coup dans une attitude d'humilité tout comme s'il allait recevoir le sacrement de la pénitence. Il voulut prendre les mains de Fanta Diallo, mais elle s'en rendit aussitôt compte et l'interrompit. Joseph perdue dans sa besogne.
- Je voudrais me confesser à toi. Mais, il faut que tu m'appelles désormais Joseph quand nous nous retrouvons seuls.
Fanta Diallo n'en croyait pas à ses yeux, elle n'arrivait pas à s'imaginer son professeur dans une telle attitude. Elle voulut lui demander d'en mettre fin. Mais lui, il parlait toujours, la parole se faisait chair sur ses lèvres lyriques :
- En effet, j'ai beaucoup d'estimes pour toi. Je crois que je suis amoureux de toi et je refuse de souffrir tout seul. Il faut que toi aussi tu le saches maintenant. Oui je suis follement amoureux de toi, Colombe. Depuis que j'ai posé sur toi mon regard, je n'ai guère cessé de penser à toi nuit et jour. Et le sien, je veux dire ton regard, fait la courbe de mon cœur. Écoute-moi, je ne suis point Luther, mais j'ai fait un rêve pour demain. Le prince du royaume cherche avec ardeur la sublime Main De la plus rare des perles, parce qu'il croit qu'elle assurera la sérénité de son Âme. Loin de lui, près de son cœur, Stella dit à l'homme à la tête couronnée:" sèche tes Larmes. Mets ta confiance en la providence. Femme noire à la peau d'ébène, Femme aux yeux ciel! Ô toi femme à la bouche goût de miel! Ton regard panthère élève mon esprit par-delà les montagnes, et au-delà des mers, habite mon corps. Je cesse ainsi d'être Peigne-Cul. La nuit tombe, le jour meurt l'obscurité prend le dessus. Franchis le seuil de l'empire pour que la lumière soit. Viens, ne tarde pas, avance à pas de zèbre, à pas de loup, Présente à ton prince charmant, sur un plateau d'or, la rose des vents. Que dans la complicité du silence, tu écoutes sa voix dans le vent qui chante la litanie de la Sainte pour toi.
Émerveillée et séduite par ces vers, Fanta Diallo resta coi et prit soudain la fuite. Entrée à la maison trente minutes plus tard, son père remarqua son humeur altérée. Cette nuit-là fut une nuit hagarde pour elle. Elle passa toute la nuit à revivre et à cogiter cette scène romantique. Elle se posait mille questions à la fois sur ses réactions :
- Pourquoi avais-je pris la fuite? Pourquoi coulais-je un fleuve de larmes? Pourquoi je n'arrive du tout pas à effacer Joseph de ma mémoire ? Autant de questions sans aucune réponse. La volonté de Joseph était manifeste, car elle venait juste de prononcer Joseph sans dire monsieur. Soudain, une idée lui traversa la pensée: Je suis Musulmane, fille de muezzin, il est impossible pour moi d'aimer Joseph, ce chrétien fervent. Or il parlait avec beaucoup de franchises. Suis-je aussi amoureuse de Joseph ? Oh non! Mon Dieu! Elle était dans ses pensées, elle procédait encore à l'auto-interrogatoire sans réponse fiable quand Morphée vint la chercher.
A laube, le coq chantait déjà quand Fanta Diallo se réveillait. Mais, elle n'était pas susceptible de se lever de son lit. Elle avait perdu ses forces. La voix de Joseph retentissait encore à ses oreilles. L'amour avait changé le sens de vie de Fanta Diallo. Il l'avait plongé dans les profondeurs du silence. De L'aurore à l'automne, elle dépensait tout le temps à l'activité cognitive. Sans manger ni boire, elle travaillait à opérer un bon choix. Cette lourde tâche, celle de choisir entre l'amour et l'honneur, coffrait Fanta Diallo dans un dilemme. Car des deux, elle voyait son bonheur menacé. Si elle choisissait de sauver l'honneur de son père par un NON, elle tuerait l'amour qu'elle ressentait pour Joseph. Si elle embrassait lamour par un OUI, elle bafouerait la dignité et la réputation de son père, le muezzin de renom. Les heures de prières s'écoulaient inaperçues, Fanta Diallo était toujours dans l'univers de sa pensée. Par conséquent, elle n'a pu faire aucune des prières recommandées.
Au soir tombé, son père inquiet, alla l'aborder avec un regard suppliant. - Fanta! Ma fille, qu'as-tu? Tu es restée enfermée durant toute la journée. Dis-moi, quel est ton problème ? Si tu penses que je ne suis pas la personne mieux placée pour le savoir, avec ta mère, parlez-en. En effet, je ne supporte pas le fait de te voir dans un tel état.
- Baba, tout va bien avec moi. J'ai juste un petit malaise, mais ça ne nécessite pas un suivi médical. Ne vous en faites pas, je crois que ça va passer.
- C'est compris ma fille. Toutefois, ça n'empêche ni le manger ni le boire. Va donc prendre ton dîner et prépare-toi pour la prière Magrib et Ichaï
Après ces propos impératifs il la quitta. Quant à celle-ci, elle plongea dans sa pensée derechef.
- Oh! Pauvre papa. Si tu savais la cause de mon état d'âme, tu me blâmerais. Tu me ferais ce que tu as fait à ma sur aînée. Tu me marierais de force à qui tu veux. Mais, sois en sûr, ça ne se passera pas ainsi. Mes études d'abord ! Et après vient le libre choix de l'homme avec qui je passerai le reste de ma vie. En tout cas, je ne vous décevrez point.
C'était lundi, jour de classe. Monsieur Joseph venait d'étudier Malimouna de Fatou Keïta, l'ouvrage au programme, avec ses élèves. Après lavoir lu, Fanta Diallo assimila sa situation à celle de l'héroïne de ladite œuvre. Elle louait la bravoure de Malimouna à défier l'exciseuse et sa combativité à prendre en main son destin. Fanta Diallo prit la résolution d'agir désormais sans contrainte et en toute liberté. Elle avait compris que l'autre qui stipulait qu'on ne nait pas femme, mais on la devient, avait raison. Elle était encore au même endroit quand comparut Joseph. Elle se leva aussitôt pour aller à lui à petit pas. Il la prit par la taille et la serra fort dans ses bras. Ce fut une étreinte presque éternelle. Joseph avait rompit le silence, il parlait déjà.
- Enfin! Tu t'es résolue à te joindre à moi afin qu'ensemble nous sortions vainqueurs de ce combat. Sache que je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour obtenir ta main et rien ne pourra nous séparer si ce n'est que la mort
Fanta Diallo blottie dans la poitrine de son amant, coulait un fleuve de larmes qui inondait sa chemise blanche. Pourquoi pleurait-elle? Était-ce parce qu'elle y voyait l'impossibilité ou bien parce qu'elle l'aimait?
Des jours s'écoulaient, tout allait bien entre eux. Leur hymen s'agrandissait quand Samba Diallo entendit trop tôt l'écho de cette idylle. Il comprit dès lors la raison de l'absence régulière de sa fille aux différentes heures de prières. Il réalisa aussi que sa réputation de muezzin allait se ternir. Il fallait donc agir le plus tôt possible. Il s'occupa de sa fille tout abord avant de mettre du sable dans le gari de monsieur Joseph. Après avoir appris et vérifié que Fanta Diallo était amoureuse de son professeur de français, il la coupa du monde. Il partit, en effet, avec elle de Belleville pour la confier à son frère biologique El Hadj qui vivait dans la capitale. Quant à monsieur Joseph, il fut légué de ses fonctions sous le crédit de Samba Diallo.
À la capitale, Fanta Diallo vécut une vie sombre et ténébreuse. Elle vivait l'enfer sur terre. Pour elle, celui qui avait dit que l'enfer c'est les autres avait raison autant que celui qui avait stipulé que l'enfer n'est rien d'autre que l'absence des autres. Parce que l'absence de Joseph et l'existence de ces fioritures religieuses lui causaient beaucoup de peines.
El Hadj, le prêtre venu de la Mecque, avait mis tout en œuvre pour favoriser la réalisation du souhait de son frère Samba Diallo. Ce vœux, celui d'inculquer à Fanta Diallo une bonne éducation basée sur les principes du coran, et de la garder intacte jusqu'au mariage, avait fait d'elle une esseulée prisonnière. Elle n'avait point d'amis. Elle passait le clair de son temps, du lever au coucher du soleil, entre les quatre murs de sa chambre quand elle n'allait pas à l'école. Pendant les périodes de cours, elle ne jouissait d'aucune distraction. On venait la chercher toujours à voiture après les cours. Elle n'avait donc pas le droit de perdre la moindre seconde pour quoique ce soit, sinon elle se faisait chanter la messe en breton.
Le temps s'écoulait, Fanta Diallo vivait dans ce monde sans saveur. Elle demandait très souvent à Allah sa raison d'être. Elle priait sans cesse pour que la mort lui vienne au secours. Et tout comme si la nature n'avait pas suffisamment fait tort à Fanta Diallo en lui donnant de naître dans une telle famille, elle venait de décharger sur son dos un flot de faix. Fanta Diallo était devenue trop pâle. Elle développait les symptômes dune grossesse. Fanta Diallo n'en comprenait rien :
- Suis-je enceinte ! Non pas du tout ! Qu'en sais-je pour démentir ces présomptions quand j'ai conscience d'avoir goûté au mets défendu? Elle gardait encore sur l'écran de sa mémoire cette nuit épicée où Joseph lui prit sa fierté de femme. C'était, en effet, son secret à elle seule.
Cétait au matin du grand jour de prière. El Hadj rentrait à la maison après avoir présidé la prière de laube. Soudain, il vit Fanta Diallo écroulée par terre. Saisi de frayeur, il criait : walaye ! Safroulaye ! Vite. Vite, lambulance.
-Docteur ! De quoi souffre t- elle? Pourrait-elle reprendre conscience ? Demanda El Hadj très soucieux.
-Monsieur, du calme. Il y'a toujours moyen de moyenner quelque soit la situation. D'ailleurs, il y'a de quoi à s'écrouler de rire. La bonne nouvelle : un enfant va naître très bientôt. Elle est enceinte de deux mois.
- Sa frou laye!
Cette annonce avait troublé l'âme de El Hadj. Il avait échoué à sa mission et ne savait pas par quelle alternative informer son frère Samba Diallo de l'attitude impie de sa fille. Abasourdi, à bout de nerfs, il sortit de l'hôpital à toute vitesse. Pendant ce temps, Fanta Diallo qui avait entendu le médecin confirmer qu'elle portait dans ses entrailles un enfant, eut peur et s'enfuit. Lorsque El Hadj eut le sang-froid, il retourna à l'hôpital pour voir Fanta Diallo, mais elle n'y était plus. Elle était partie sans que le médecin ne s'en aperçoive. Elle était maintenant portée disparue. EI Hadj eut son frère au téléphone et l'informa de la disparition de sa fille. Ils procédèrent tous deux à sa recherche par les médias, mais en vain.
Fanta Diallo avait marché tout le long du jour le ventre vide. Elle était esquintée, follement altérée et très affamée. Elle ne pouvait plus réaliser le moindre pas pour se déplacer vers le néant où elle se dirigeait. Elle s'assit péniblement sous un arbre. Puis perdit connaissance. Or, on était au soir du onze mai. Joseph, un épigone de Bob Marley, se rendait à la fête quand ses phares jaillirent sur la moribonde. Il descendit de son véhicule et sapprocha du corps cloué au sol. Il fut rempli de peines lorsqu'il sut que le corps allongé était celui de son amante, Fanta Diallo. Il le prit et le transporta à l'hôpital.
Les frères Diallo se présentèrent un quart d'heure après dans la salle de traitement. En voyant Joseph au chevet du lit de sa fille, Samba Diallo furieux sortit son revolver. Mais le médecin sut le maitriser à temps, il lui expliqua que Joseph était le bon samaritain de sa fille. Cest à ce moment que Fanta Diallo ouvrit les yeux. À la vue de son père et de son oncle, elle fut enragée. Elle voudrait se venger deux. Elle pensait à comment laver sa dignité de femme longtemps bafouée par ces hommes au nom de la religion. Ce fut un véritable incendie ce jour-là quand Samba Diallo demanda :
-Qui est l'auteur de ta grossesse ?
Un grand silence. Puis Fanta Diallo répondit : Père, si une femme est privée de liberté, si elle ne connait d'autre endroit que les quatre murs de sa chambre, quand on sait qu'elle est sous la tutelle d'un homme, et quelle tombe miraculeusement enceinte, qui pourrait en être l'auteur? Voulez-vous savoir vraiment l'auteur de ma grossesse ? Eh bien, c'est mon oncle le saint prêtre El Hadj qui m'a mise enceinte.
Ayant pété les plombs, Samba Diallo criait avec un ton fougueux : Abomination ! Il criait encore quand il tirait trois coups sur El Hadj qui s'écroula dans un flot de sang, avant de se mettre une balle dans la tête.
On était au cinquième jour de la semaine et à la dix-huitième heure du jour, c'est-à-dire le début du weekend, quand Joseph vit Fanta Diallo assise toute seule dans le jardin de l'école. L'occasion fait le larron, dit-on. Joseph qui rêvait tant à ce moment ne voudrait guère laisser passer cette occasion. Il lui fallait alors tenter sa chance. Il hâta les pas et se présenta devant Fanta Diallo qui eut un sursaut en le voyant en face d'elle.
- Toi! Que fais-tu toute seule ici? Lança Joseph.
- Monsieur, Je voudrais pendre un peu d'air frais et contempler ce beau paysage avant de rentrer chez moi.
Joseph s'invita à prendre place aux côtés de Fanta Diallo et se mit tout à coup dans une attitude d'humilité tout comme s'il allait recevoir le sacrement de la pénitence. Il voulut prendre les mains de Fanta Diallo, mais elle s'en rendit aussitôt compte et l'interrompit. Joseph perdue dans sa besogne.
- Je voudrais me confesser à toi. Mais, il faut que tu m'appelles désormais Joseph quand nous nous retrouvons seuls.
Fanta Diallo n'en croyait pas à ses yeux, elle n'arrivait pas à s'imaginer son professeur dans une telle attitude. Elle voulut lui demander d'en mettre fin. Mais lui, il parlait toujours, la parole se faisait chair sur ses lèvres lyriques :
- En effet, j'ai beaucoup d'estimes pour toi. Je crois que je suis amoureux de toi et je refuse de souffrir tout seul. Il faut que toi aussi tu le saches maintenant. Oui je suis follement amoureux de toi, Colombe. Depuis que j'ai posé sur toi mon regard, je n'ai guère cessé de penser à toi nuit et jour. Et le sien, je veux dire ton regard, fait la courbe de mon cœur. Écoute-moi, je ne suis point Luther, mais j'ai fait un rêve pour demain. Le prince du royaume cherche avec ardeur la sublime Main De la plus rare des perles, parce qu'il croit qu'elle assurera la sérénité de son Âme. Loin de lui, près de son cœur, Stella dit à l'homme à la tête couronnée:" sèche tes Larmes. Mets ta confiance en la providence. Femme noire à la peau d'ébène, Femme aux yeux ciel! Ô toi femme à la bouche goût de miel! Ton regard panthère élève mon esprit par-delà les montagnes, et au-delà des mers, habite mon corps. Je cesse ainsi d'être Peigne-Cul. La nuit tombe, le jour meurt l'obscurité prend le dessus. Franchis le seuil de l'empire pour que la lumière soit. Viens, ne tarde pas, avance à pas de zèbre, à pas de loup, Présente à ton prince charmant, sur un plateau d'or, la rose des vents. Que dans la complicité du silence, tu écoutes sa voix dans le vent qui chante la litanie de la Sainte pour toi.
Émerveillée et séduite par ces vers, Fanta Diallo resta coi et prit soudain la fuite. Entrée à la maison trente minutes plus tard, son père remarqua son humeur altérée. Cette nuit-là fut une nuit hagarde pour elle. Elle passa toute la nuit à revivre et à cogiter cette scène romantique. Elle se posait mille questions à la fois sur ses réactions :
- Pourquoi avais-je pris la fuite? Pourquoi coulais-je un fleuve de larmes? Pourquoi je n'arrive du tout pas à effacer Joseph de ma mémoire ? Autant de questions sans aucune réponse. La volonté de Joseph était manifeste, car elle venait juste de prononcer Joseph sans dire monsieur. Soudain, une idée lui traversa la pensée: Je suis Musulmane, fille de muezzin, il est impossible pour moi d'aimer Joseph, ce chrétien fervent. Or il parlait avec beaucoup de franchises. Suis-je aussi amoureuse de Joseph ? Oh non! Mon Dieu! Elle était dans ses pensées, elle procédait encore à l'auto-interrogatoire sans réponse fiable quand Morphée vint la chercher.
A laube, le coq chantait déjà quand Fanta Diallo se réveillait. Mais, elle n'était pas susceptible de se lever de son lit. Elle avait perdu ses forces. La voix de Joseph retentissait encore à ses oreilles. L'amour avait changé le sens de vie de Fanta Diallo. Il l'avait plongé dans les profondeurs du silence. De L'aurore à l'automne, elle dépensait tout le temps à l'activité cognitive. Sans manger ni boire, elle travaillait à opérer un bon choix. Cette lourde tâche, celle de choisir entre l'amour et l'honneur, coffrait Fanta Diallo dans un dilemme. Car des deux, elle voyait son bonheur menacé. Si elle choisissait de sauver l'honneur de son père par un NON, elle tuerait l'amour qu'elle ressentait pour Joseph. Si elle embrassait lamour par un OUI, elle bafouerait la dignité et la réputation de son père, le muezzin de renom. Les heures de prières s'écoulaient inaperçues, Fanta Diallo était toujours dans l'univers de sa pensée. Par conséquent, elle n'a pu faire aucune des prières recommandées.
Au soir tombé, son père inquiet, alla l'aborder avec un regard suppliant. - Fanta! Ma fille, qu'as-tu? Tu es restée enfermée durant toute la journée. Dis-moi, quel est ton problème ? Si tu penses que je ne suis pas la personne mieux placée pour le savoir, avec ta mère, parlez-en. En effet, je ne supporte pas le fait de te voir dans un tel état.
- Baba, tout va bien avec moi. J'ai juste un petit malaise, mais ça ne nécessite pas un suivi médical. Ne vous en faites pas, je crois que ça va passer.
- C'est compris ma fille. Toutefois, ça n'empêche ni le manger ni le boire. Va donc prendre ton dîner et prépare-toi pour la prière Magrib et Ichaï
Après ces propos impératifs il la quitta. Quant à celle-ci, elle plongea dans sa pensée derechef.
- Oh! Pauvre papa. Si tu savais la cause de mon état d'âme, tu me blâmerais. Tu me ferais ce que tu as fait à ma sur aînée. Tu me marierais de force à qui tu veux. Mais, sois en sûr, ça ne se passera pas ainsi. Mes études d'abord ! Et après vient le libre choix de l'homme avec qui je passerai le reste de ma vie. En tout cas, je ne vous décevrez point.
C'était lundi, jour de classe. Monsieur Joseph venait d'étudier Malimouna de Fatou Keïta, l'ouvrage au programme, avec ses élèves. Après lavoir lu, Fanta Diallo assimila sa situation à celle de l'héroïne de ladite œuvre. Elle louait la bravoure de Malimouna à défier l'exciseuse et sa combativité à prendre en main son destin. Fanta Diallo prit la résolution d'agir désormais sans contrainte et en toute liberté. Elle avait compris que l'autre qui stipulait qu'on ne nait pas femme, mais on la devient, avait raison. Elle était encore au même endroit quand comparut Joseph. Elle se leva aussitôt pour aller à lui à petit pas. Il la prit par la taille et la serra fort dans ses bras. Ce fut une étreinte presque éternelle. Joseph avait rompit le silence, il parlait déjà.
- Enfin! Tu t'es résolue à te joindre à moi afin qu'ensemble nous sortions vainqueurs de ce combat. Sache que je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour obtenir ta main et rien ne pourra nous séparer si ce n'est que la mort
Fanta Diallo blottie dans la poitrine de son amant, coulait un fleuve de larmes qui inondait sa chemise blanche. Pourquoi pleurait-elle? Était-ce parce qu'elle y voyait l'impossibilité ou bien parce qu'elle l'aimait?
Des jours s'écoulaient, tout allait bien entre eux. Leur hymen s'agrandissait quand Samba Diallo entendit trop tôt l'écho de cette idylle. Il comprit dès lors la raison de l'absence régulière de sa fille aux différentes heures de prières. Il réalisa aussi que sa réputation de muezzin allait se ternir. Il fallait donc agir le plus tôt possible. Il s'occupa de sa fille tout abord avant de mettre du sable dans le gari de monsieur Joseph. Après avoir appris et vérifié que Fanta Diallo était amoureuse de son professeur de français, il la coupa du monde. Il partit, en effet, avec elle de Belleville pour la confier à son frère biologique El Hadj qui vivait dans la capitale. Quant à monsieur Joseph, il fut légué de ses fonctions sous le crédit de Samba Diallo.
À la capitale, Fanta Diallo vécut une vie sombre et ténébreuse. Elle vivait l'enfer sur terre. Pour elle, celui qui avait dit que l'enfer c'est les autres avait raison autant que celui qui avait stipulé que l'enfer n'est rien d'autre que l'absence des autres. Parce que l'absence de Joseph et l'existence de ces fioritures religieuses lui causaient beaucoup de peines.
El Hadj, le prêtre venu de la Mecque, avait mis tout en œuvre pour favoriser la réalisation du souhait de son frère Samba Diallo. Ce vœux, celui d'inculquer à Fanta Diallo une bonne éducation basée sur les principes du coran, et de la garder intacte jusqu'au mariage, avait fait d'elle une esseulée prisonnière. Elle n'avait point d'amis. Elle passait le clair de son temps, du lever au coucher du soleil, entre les quatre murs de sa chambre quand elle n'allait pas à l'école. Pendant les périodes de cours, elle ne jouissait d'aucune distraction. On venait la chercher toujours à voiture après les cours. Elle n'avait donc pas le droit de perdre la moindre seconde pour quoique ce soit, sinon elle se faisait chanter la messe en breton.
Le temps s'écoulait, Fanta Diallo vivait dans ce monde sans saveur. Elle demandait très souvent à Allah sa raison d'être. Elle priait sans cesse pour que la mort lui vienne au secours. Et tout comme si la nature n'avait pas suffisamment fait tort à Fanta Diallo en lui donnant de naître dans une telle famille, elle venait de décharger sur son dos un flot de faix. Fanta Diallo était devenue trop pâle. Elle développait les symptômes dune grossesse. Fanta Diallo n'en comprenait rien :
- Suis-je enceinte ! Non pas du tout ! Qu'en sais-je pour démentir ces présomptions quand j'ai conscience d'avoir goûté au mets défendu? Elle gardait encore sur l'écran de sa mémoire cette nuit épicée où Joseph lui prit sa fierté de femme. C'était, en effet, son secret à elle seule.
Cétait au matin du grand jour de prière. El Hadj rentrait à la maison après avoir présidé la prière de laube. Soudain, il vit Fanta Diallo écroulée par terre. Saisi de frayeur, il criait : walaye ! Safroulaye ! Vite. Vite, lambulance.
-Docteur ! De quoi souffre t- elle? Pourrait-elle reprendre conscience ? Demanda El Hadj très soucieux.
-Monsieur, du calme. Il y'a toujours moyen de moyenner quelque soit la situation. D'ailleurs, il y'a de quoi à s'écrouler de rire. La bonne nouvelle : un enfant va naître très bientôt. Elle est enceinte de deux mois.
- Sa frou laye!
Cette annonce avait troublé l'âme de El Hadj. Il avait échoué à sa mission et ne savait pas par quelle alternative informer son frère Samba Diallo de l'attitude impie de sa fille. Abasourdi, à bout de nerfs, il sortit de l'hôpital à toute vitesse. Pendant ce temps, Fanta Diallo qui avait entendu le médecin confirmer qu'elle portait dans ses entrailles un enfant, eut peur et s'enfuit. Lorsque El Hadj eut le sang-froid, il retourna à l'hôpital pour voir Fanta Diallo, mais elle n'y était plus. Elle était partie sans que le médecin ne s'en aperçoive. Elle était maintenant portée disparue. EI Hadj eut son frère au téléphone et l'informa de la disparition de sa fille. Ils procédèrent tous deux à sa recherche par les médias, mais en vain.
Fanta Diallo avait marché tout le long du jour le ventre vide. Elle était esquintée, follement altérée et très affamée. Elle ne pouvait plus réaliser le moindre pas pour se déplacer vers le néant où elle se dirigeait. Elle s'assit péniblement sous un arbre. Puis perdit connaissance. Or, on était au soir du onze mai. Joseph, un épigone de Bob Marley, se rendait à la fête quand ses phares jaillirent sur la moribonde. Il descendit de son véhicule et sapprocha du corps cloué au sol. Il fut rempli de peines lorsqu'il sut que le corps allongé était celui de son amante, Fanta Diallo. Il le prit et le transporta à l'hôpital.
Les frères Diallo se présentèrent un quart d'heure après dans la salle de traitement. En voyant Joseph au chevet du lit de sa fille, Samba Diallo furieux sortit son revolver. Mais le médecin sut le maitriser à temps, il lui expliqua que Joseph était le bon samaritain de sa fille. Cest à ce moment que Fanta Diallo ouvrit les yeux. À la vue de son père et de son oncle, elle fut enragée. Elle voudrait se venger deux. Elle pensait à comment laver sa dignité de femme longtemps bafouée par ces hommes au nom de la religion. Ce fut un véritable incendie ce jour-là quand Samba Diallo demanda :
-Qui est l'auteur de ta grossesse ?
Un grand silence. Puis Fanta Diallo répondit : Père, si une femme est privée de liberté, si elle ne connait d'autre endroit que les quatre murs de sa chambre, quand on sait qu'elle est sous la tutelle d'un homme, et quelle tombe miraculeusement enceinte, qui pourrait en être l'auteur? Voulez-vous savoir vraiment l'auteur de ma grossesse ? Eh bien, c'est mon oncle le saint prêtre El Hadj qui m'a mise enceinte.
Ayant pété les plombs, Samba Diallo criait avec un ton fougueux : Abomination ! Il criait encore quand il tirait trois coups sur El Hadj qui s'écroula dans un flot de sang, avant de se mettre une balle dans la tête.