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Marie se réveille. Il fait encore nuit, mais l'aube n'est plus très loin. Le chant d'un oiseau, et derrière lui le silence de la rue. Il y a un homme dans son lit. Elle aime bien quand il y a un homme dans son lit. Parfois, elle se dit que ce plaisir-là vaut à lui seul de faire l'amour. Marie, à moitié endormie, se blottit contre le dos de l'homme, doux et chaud, et émet un petit gémissement de contentement. Elle sourit et ferme les yeux. Elle ne se souvient pas son prénom, mais quelle importance ? Quelques heures plus tôt, elle l'a trouvé assez bien pour le ramener ici, et le laisser y dormir. Marie sait qu'elle peut avoir confiance en son jugement. Même après une soirée trop arrosée, elle n'a jamais eu au réveil de ces mauvaises surprises dont parlent certaines. Il dort, et Marie va le rejoindre jusqu'à ce que sonne le réveil.
C'est cette idée-là qui réveille Marie.
— Oh merde ! s'écrie-t-elle en s'asseyant. Elle regarde l'heure sur son smartphone. 5h07.
— Merde de merde !
Elle secoue l'homme à côté d'elle. Il ne bouge pas. Elle le secoue plus fort.
— Allez, réveille-toi !
L'homme grommelle quelque chose mais ne réagit pas davantage. Marie insiste. Elle le pince, enlève la couette.
— Allez, quoi. Réveille-toi, putain !
Elle tire l'oreiller de sous la tête de l'homme, allume la lampe de chevet...
Enfin, l'homme pousse un profond soupir, se retourne, Marie à ses côtés, maintenant agenouillée.
— Qu'est-ce qu'il se passe ? demande-t-il en s'asseyant. T'es devenue folle ou quoi ? C'est quelle heure, d'abord ?
Il se frotte les yeux. Marie se lève. Elle ramasse les vêtements d'Amir – ça lui est revenu d'un coup ! – et les lance sur le lit.
— Tu peux pas rester dormir ici. Faut que tu partes !
Amir la regarde.
— T'es sacrément sexy à t'affoler comme ça, toute nue dans ta chambre.
Marie se fige et se tourne vers lui.
— T'es sourd ou idiot ? Faut que tu te barres ! dit-elle en détachant chaque syllabe.
Amir lui sourit. Ça y est, se souvient Marie, c'est ce putain de sourire qui l'a fait craquer hier soir alors qu'elle était sortie prendre ce verre que lui proposait Cass', histoire de lui remonter le moral. Elle s'était juré qu'elle ne ramènerait personne. C'était vraiment pas le soir pour ça.
— Ça marchera pas, murmure-t-elle. Ton sourire, c'est pas la peine, ça marchera pas.
Et elle ramasse une dernière chaussette qu'elle jette au visage d'Amir. Mais Amir se la joue félin, approchant lentement, à quatre pattes sur le lit.
— C'est bon, je vais partir, dit-il, mais on peut bien s'accorder un petit moment sympa avant ça, non ? Ça presse quand même pas à ce point...
Marie regarde autour d'elle. Elle trouve son tee-shirt et l'enfile. À l'envers. Sans importance.
— Si, lâche-t-elle, en attrapant sa culotte, justement si, ça presse à ce point. Et même plus que ça. Faut que tu te casses, maintenant. Même pas tu prends une douche ou tu bois un verre d'eau. Tu enfiles tes fringues et tu t'éjectes. Fissa !
Exit le sourire carnassier et le roulement félin. Amir descend du lit.
— Tu attends quelqu'un, c'est ça ? T'as un mec ? Un mec qui bosse de nuit et qui va rentrer ?
Marie n'a pas de mec. Ce serait plus simple si elle en avait un, plus simple pour tout, pour se tourner contre un corps chaud la nuit et pour tout le reste, mais elle n'en a pas. Les mecs, elle ne les garde pas. Elle ne sait pas pourquoi. Elle n'essaie même plus.
— C'est ça, dit-elle. Mon mec va rentrer et il est videur dans une boîte de nuit. Ceinture noire de Ku Chen Do. Et il a fait cinq ans dans les paras. Il rentre à six heures. Des fois un peu avant. Alors soit tu t'en vas tout seul, soit c'est lui qui te reconduit. Et là, je réponds de rien.
Amir reçoit bien le message. Il enfile aussi vite que possible ses vêtements, et il s'en sort plutôt bien vu la situation. Marie soupire et se laisse tomber sur la chaise en plastique posée dans un coin de la chambre. C'est bon, se dit-elle, ça va le faire.
— Putain, lâche Amir tandis qu'il enfile ses baskets, t'es vraiment une chaudasse, toi...
Marie ne sait pas si « chaudasse », dans ces circonstances, est une insulte ou un compliment, mais elle parvient à se convaincre qu'elle s'en fout. Marie se lève et accompagne Amir jusqu'à la porte. Il sort, se tourne vers elle. Tous deux se dévisagent un instant. Merde, pense Marie, il était quand même vachement beau, ce mec.
— Vu la date, je pourrais penser que tu me fais un poisson d'avril, mais visiblement c'est pas ça.
Marie hausse les épaules. Elle aussi aurait bien aimé que tout ça se résume à un bon vieux poisson.
— Bon, ajoute-t-il, on sait jamais, on se recroisera peut-être dans le quartier.
Marie s'impatiente.
— Allez, va-t'en...
Amir a un geste tendre, une caresse sur la joue de Marie, et la douceur de ses doigts la brûle davantage qu'une gifle.
Amir est parti. Marie a pris une douche, s'est habillée. Simple mais classe. C'est important. Elle a pris un petit-déjeuner rapide et a fait un peu de ménage. C'est stupide, elle le sait, mais on ne se refait pas.
Maintenant, elle est assise sur une chaise de la cuisine. La même que celle de la chambre. Trois dans la cuisine autour de la petite table ronde, une dans la chambre. Le propriétaire du meublé a dû acheter un lot. Il est 6h24. Ce retard l'énerve. Finalement, il a un goût de cruauté, ce retard. Chacune de ces minutes excédentaires lui rappelle ce qu'elle est en train de perdre. Enfin, on sonne. Marie se lève, se retient de jeter un coup d'œil à chacune des pièces et ouvre, sans vérifier par le judas.
— Vous êtes Marie Raspak ? demande le type en costume triste devant les deux flics.
Il a un papier à la main. Marie le sait, elle ne le regardera pas. Elle fixe l'huissier et, sans un mot, lui tend les clés. Puis elle s'éloigne en traînant derrière elle sa valise à roulettes.
C'est cette idée-là qui réveille Marie.
— Oh merde ! s'écrie-t-elle en s'asseyant. Elle regarde l'heure sur son smartphone. 5h07.
— Merde de merde !
Elle secoue l'homme à côté d'elle. Il ne bouge pas. Elle le secoue plus fort.
— Allez, réveille-toi !
L'homme grommelle quelque chose mais ne réagit pas davantage. Marie insiste. Elle le pince, enlève la couette.
— Allez, quoi. Réveille-toi, putain !
Elle tire l'oreiller de sous la tête de l'homme, allume la lampe de chevet...
Enfin, l'homme pousse un profond soupir, se retourne, Marie à ses côtés, maintenant agenouillée.
— Qu'est-ce qu'il se passe ? demande-t-il en s'asseyant. T'es devenue folle ou quoi ? C'est quelle heure, d'abord ?
Il se frotte les yeux. Marie se lève. Elle ramasse les vêtements d'Amir – ça lui est revenu d'un coup ! – et les lance sur le lit.
— Tu peux pas rester dormir ici. Faut que tu partes !
Amir la regarde.
— T'es sacrément sexy à t'affoler comme ça, toute nue dans ta chambre.
Marie se fige et se tourne vers lui.
— T'es sourd ou idiot ? Faut que tu te barres ! dit-elle en détachant chaque syllabe.
Amir lui sourit. Ça y est, se souvient Marie, c'est ce putain de sourire qui l'a fait craquer hier soir alors qu'elle était sortie prendre ce verre que lui proposait Cass', histoire de lui remonter le moral. Elle s'était juré qu'elle ne ramènerait personne. C'était vraiment pas le soir pour ça.
— Ça marchera pas, murmure-t-elle. Ton sourire, c'est pas la peine, ça marchera pas.
Et elle ramasse une dernière chaussette qu'elle jette au visage d'Amir. Mais Amir se la joue félin, approchant lentement, à quatre pattes sur le lit.
— C'est bon, je vais partir, dit-il, mais on peut bien s'accorder un petit moment sympa avant ça, non ? Ça presse quand même pas à ce point...
Marie regarde autour d'elle. Elle trouve son tee-shirt et l'enfile. À l'envers. Sans importance.
— Si, lâche-t-elle, en attrapant sa culotte, justement si, ça presse à ce point. Et même plus que ça. Faut que tu te casses, maintenant. Même pas tu prends une douche ou tu bois un verre d'eau. Tu enfiles tes fringues et tu t'éjectes. Fissa !
Exit le sourire carnassier et le roulement félin. Amir descend du lit.
— Tu attends quelqu'un, c'est ça ? T'as un mec ? Un mec qui bosse de nuit et qui va rentrer ?
Marie n'a pas de mec. Ce serait plus simple si elle en avait un, plus simple pour tout, pour se tourner contre un corps chaud la nuit et pour tout le reste, mais elle n'en a pas. Les mecs, elle ne les garde pas. Elle ne sait pas pourquoi. Elle n'essaie même plus.
— C'est ça, dit-elle. Mon mec va rentrer et il est videur dans une boîte de nuit. Ceinture noire de Ku Chen Do. Et il a fait cinq ans dans les paras. Il rentre à six heures. Des fois un peu avant. Alors soit tu t'en vas tout seul, soit c'est lui qui te reconduit. Et là, je réponds de rien.
Amir reçoit bien le message. Il enfile aussi vite que possible ses vêtements, et il s'en sort plutôt bien vu la situation. Marie soupire et se laisse tomber sur la chaise en plastique posée dans un coin de la chambre. C'est bon, se dit-elle, ça va le faire.
— Putain, lâche Amir tandis qu'il enfile ses baskets, t'es vraiment une chaudasse, toi...
Marie ne sait pas si « chaudasse », dans ces circonstances, est une insulte ou un compliment, mais elle parvient à se convaincre qu'elle s'en fout. Marie se lève et accompagne Amir jusqu'à la porte. Il sort, se tourne vers elle. Tous deux se dévisagent un instant. Merde, pense Marie, il était quand même vachement beau, ce mec.
— Vu la date, je pourrais penser que tu me fais un poisson d'avril, mais visiblement c'est pas ça.
Marie hausse les épaules. Elle aussi aurait bien aimé que tout ça se résume à un bon vieux poisson.
— Bon, ajoute-t-il, on sait jamais, on se recroisera peut-être dans le quartier.
Marie s'impatiente.
— Allez, va-t'en...
Amir a un geste tendre, une caresse sur la joue de Marie, et la douceur de ses doigts la brûle davantage qu'une gifle.
Amir est parti. Marie a pris une douche, s'est habillée. Simple mais classe. C'est important. Elle a pris un petit-déjeuner rapide et a fait un peu de ménage. C'est stupide, elle le sait, mais on ne se refait pas.
Maintenant, elle est assise sur une chaise de la cuisine. La même que celle de la chambre. Trois dans la cuisine autour de la petite table ronde, une dans la chambre. Le propriétaire du meublé a dû acheter un lot. Il est 6h24. Ce retard l'énerve. Finalement, il a un goût de cruauté, ce retard. Chacune de ces minutes excédentaires lui rappelle ce qu'elle est en train de perdre. Enfin, on sonne. Marie se lève, se retient de jeter un coup d'œil à chacune des pièces et ouvre, sans vérifier par le judas.
— Vous êtes Marie Raspak ? demande le type en costume triste devant les deux flics.
Il a un papier à la main. Marie le sait, elle ne le regardera pas. Elle fixe l'huissier et, sans un mot, lui tend les clés. Puis elle s'éloigne en traînant derrière elle sa valise à roulettes.
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