Étudiante à quarante ans

Depuis que je suis maman, je n'arrête pas de courir. Pas une minute pour moi ! Mes enfants sont très actifs. Ils ont de multiples activités qui me demande d'avoir de l'organisation. Je ne compte pas les heures passées au volant à les emmener qui à la danse qui au foot... !

Ma vie est plutôt confortable. J'ai un mari aimant qui gagne bien sa vie car il aime son boulot. Il est responsable éditorial pour une petite start up « Short édition » qui met en ligne des histoires courtes, en distribue via des machines assez sympas et publie des recueils. Cela lui prend beaucoup de temps et comme cela ne lui suffit pas, il donne des cours en littérature afin d'aider de nouveaux talents à émerger. Il espère avoir sa propre entreprise un jour. Pour le moment, il n'a pas assez d'argent de côté pour un premier apport. L'entreprenariat n'est pas chose aisée. Je le soutiens de mon mieux.

Je ne travaille pas de mon côté. J'ai fait ce choix pour mes enfants. Je voulais être une mère investie à cent pour cent pour eux. Je suis heureuse de pouvoir les voir grandir et se questionner sur la vie. C'est un grand bonheur. Cependant, il ne me suffit pas. Je crois que le moment est venu de penser un peu à moi. Je vais bientôt fêter mes quarante ans et le temps a filé trop vite entre mes doigts.

Je m'appelle Caroline et je vais vous raconter comment je compte changer de vie. Tout d'abord, j'ai obtenu mon bac littéraire avec mention. Je me destinais à des études de philosophie. Je voulais enseigner aux adolescents l'art de la rhétorique. Quoi de mieux pour aborder leur future vie d'adulte que de pouvoir se remettre en cause, comprendre qu'on peut douter sans pour autant ne pas savoir.

Mon bac en poche, je m'inscris à la fac de philo de la Sorbonne à Paris. Mon DEUG se passe sans encombre.Je l'obtiens même avec mention bien et commence ma licence dans l'optique de passer le CAPES afin de réaliser mon rêve. J'ai dû tout arrêter car je n'avais plus les moyens de payer ma scolarité.

Je suis retournée chez mes parents dans les belles montagnes grenobloises dans le but de trouver un petit boulot. Je voulais mettre de l'argent de côté afin de reprendre mes études par la suite. À la place, j'ai rencontré mon mari. Il était étudiant en lettres modernes pour travailler dans l'édition. Il voulait être éditeur ou écrivain. Il ne savait pas trop. Nous nous sommes aimés au premier regard puis mariés rapidement tant cela nous semblait évident. Nous avons eu notre fils un an après notre mariage. Mon mari avait trouvé un emploi dans une petite boite d'imprimerie. Mais cela ne lui suffisait pas. Il voulait donner encore plus aux mots et particulièrement aux jeunes. Les années sont passées puis nous avons eu notre merveille. Celle qui a conquis le cœur de tout le monde y compris son grand frère. Il l'aimait avant même de la rencontrer. Elle a changé notre vie par sa générosité et sa gentillesse.

Notre petite famille était désormais au complet, et moi, comblée de l'amour des miens. J'ai aidé mes enfants avec les devoirs chaque jour depuis qu'ils vont à l'école et parfois j'aide un peu mon mari quand il en a besoin. Un bon petit soldat de famille en somme !!

Mon mari a rejoint la start up dans laquelle il est aujourd'hui il y a six ans déjà. Je ne l'avais pas vu si enthousiaste après qu'il a laissé son poste de libraire. Hier soir, je lui ai dit que j'allais reprendre mes études de philo non pour être prof (je suis un peu vieille) mais au moins pour pouvoir donner des cours particuliers aux adolescents en panne avec cette matière. Je lui ai tout exposé. Mon inscription et le fait que je ne voulais pas qu'on me facilite la tâche en tant que mère de famille.

Nos enfants seront sûrement fiers de moi quand ils verront que je parviens à mener de front mes études et leur éducation. Je vais déjà reprendre mes vieux cours de fac pour ne pas être dépassée puis je reprendrai ma licence en septembre. Je sais que le parcours ne sera pas simple mais je suis motivée par mes amours. Je crois même que je n'ai pas oublié grand-chose. Pour tout vous dire, j'ai regardé la mini série sur Voltaire diffusée récemment à la télévision. J'ai poursuivi mon expérience avec "La faute à Rousseau" qui traite de philosophie à travers un prof comme on aimerait en avoir. En conclusion, je pense que la philo c'est comme le vélo, cela ne s'oublie jamais vraiment. J'ai bien l'intention de le prouver bientôt !