La raison pour laquelle le nom du nouveau stade avait été tenu secret restait un mystère. En ville, les spéculations allaient bon train. D'aucuns pariaient sur le nom de Roger Delcourt, l'ancien maire récemment décédé, passionné de rugby et supporter inconditionnel du Stade Saint-Michel Rugby. D'autres attendaient plutôt celui d'Hervé Larroque, PDG des usines Larroque, sponsor historique du club. Les derniers, une minorité, pensaient que ce serait celui de Jacques Chirac, Président de la République qui avait donné son nom à l'avenue menant à la nouvelle enceinte.
Julien Beaumont était quelque peu vexé de n'avoir pas été mis dans le secret, lui qui avait consacré sa vie au club. Ayant débuté avec les juniors, il avait disputé plus de cinq-cents matchs sous les couleurs du Stade et remporté deux Boucliers de Brennus et une Coupe d'Europe. Ses seules infidélités au maillot jaune du Stade n'avaient été que pour le maillot bleu de l'équipe de France, avec lequel il comptait quatre victoires dans le Tournoi des Six Nations et une finale de Coupe du Monde.
Quand était venu le temps de raccrocher les crampons, il était devenu le team manger de l'équipe. Trouver une maison au nouvel arrivant ou une école pour ses enfants et , d'une manière générale, gérer tous les problèmes triviaux des joueurs afin qu'ils puissent ne se consacrer qu'au jeu sur le terrain avaient été une autre manière d'être au service du club pendant vingt années supplémentaires au terme desquelles il avait pris sa retraite.
Mais aujourd'hui, c'était le grand jour. Chez Julien, comme chez beaucoup, la curiosité l'emportait sur tout autre sentiment. Il avait serré quelques mains, échangé des mots aimables avec les uns et les autres et avait découvert, non sans surprise, une chaise à son nom sur l'estrade des officiels. Les discours succédèrent aux discours, président de la FFR, représentants des sponsors, et responsables politiques. Julien écoutait patiemment. En même temps, il essayait de deviner, en pure perte, quel nom pouvait se cacher derrière le rideau tendu au-dessus du portail d'entrée. Il adressa un signe à Lucas, le plus jeune joueur de l'équipe des juniors qui attendait le signal convenu pour tirer la cordelette qui ferait tomber le voile. En retour, Lucas lui fit un sourire. Même à la retraite, il arrivait à Julien de venir assister aux entraînements. Il connaissait bien Lucas et le trouvait prometteur.
Enfin André Soulier, le président du Stade Saint-Michel Rugby s'approcha du pupitre.
- Pour nous tous qui sommes réunis ici, commença-t-il, le rugby est une religion et les stades en sont les temples. C'est dans cette idée que nous avons choisi le nom de ce nouveau sanctuaire. Le rugby est un sport et d'engagement. Mais plus encore que de la force physique et de l'agilité, il requiert de l'intelligence et du cœur. C'est pourquoi les noms qui ont marqué l'histoire de notre sport sont ceux des joueurs qui ont toujours su privilégier le collectif à leur individualité. Mais ce nom se devait d'avoir marqué l'histoire de notre club au moins autant que celle du rugby. Ce nom, je l'espère, fera l'unanimité chez tous nos supporters. Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, voici notre nouveau stade. Lucas, si tu veux bien...
Lucas tira sur la cordelette. Le voile tomba. Julien n'entendit pas le président proclamer le nom du stade, il n'entendit pas les acclamations de la foule qui venait confirmer la justesse du choix qui avait été fait. Totalement abasourdi, il n'entendait plus rien, il ne voyait plus rien, sauf LE nom, son propre nom, gravé dans la pierre, à tout jamais.
Julien Beaumont était quelque peu vexé de n'avoir pas été mis dans le secret, lui qui avait consacré sa vie au club. Ayant débuté avec les juniors, il avait disputé plus de cinq-cents matchs sous les couleurs du Stade et remporté deux Boucliers de Brennus et une Coupe d'Europe. Ses seules infidélités au maillot jaune du Stade n'avaient été que pour le maillot bleu de l'équipe de France, avec lequel il comptait quatre victoires dans le Tournoi des Six Nations et une finale de Coupe du Monde.
Quand était venu le temps de raccrocher les crampons, il était devenu le team manger de l'équipe. Trouver une maison au nouvel arrivant ou une école pour ses enfants et , d'une manière générale, gérer tous les problèmes triviaux des joueurs afin qu'ils puissent ne se consacrer qu'au jeu sur le terrain avaient été une autre manière d'être au service du club pendant vingt années supplémentaires au terme desquelles il avait pris sa retraite.
Mais aujourd'hui, c'était le grand jour. Chez Julien, comme chez beaucoup, la curiosité l'emportait sur tout autre sentiment. Il avait serré quelques mains, échangé des mots aimables avec les uns et les autres et avait découvert, non sans surprise, une chaise à son nom sur l'estrade des officiels. Les discours succédèrent aux discours, président de la FFR, représentants des sponsors, et responsables politiques. Julien écoutait patiemment. En même temps, il essayait de deviner, en pure perte, quel nom pouvait se cacher derrière le rideau tendu au-dessus du portail d'entrée. Il adressa un signe à Lucas, le plus jeune joueur de l'équipe des juniors qui attendait le signal convenu pour tirer la cordelette qui ferait tomber le voile. En retour, Lucas lui fit un sourire. Même à la retraite, il arrivait à Julien de venir assister aux entraînements. Il connaissait bien Lucas et le trouvait prometteur.
Enfin André Soulier, le président du Stade Saint-Michel Rugby s'approcha du pupitre.
- Pour nous tous qui sommes réunis ici, commença-t-il, le rugby est une religion et les stades en sont les temples. C'est dans cette idée que nous avons choisi le nom de ce nouveau sanctuaire. Le rugby est un sport et d'engagement. Mais plus encore que de la force physique et de l'agilité, il requiert de l'intelligence et du cœur. C'est pourquoi les noms qui ont marqué l'histoire de notre sport sont ceux des joueurs qui ont toujours su privilégier le collectif à leur individualité. Mais ce nom se devait d'avoir marqué l'histoire de notre club au moins autant que celle du rugby. Ce nom, je l'espère, fera l'unanimité chez tous nos supporters. Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, voici notre nouveau stade. Lucas, si tu veux bien...
Lucas tira sur la cordelette. Le voile tomba. Julien n'entendit pas le président proclamer le nom du stade, il n'entendit pas les acclamations de la foule qui venait confirmer la justesse du choix qui avait été fait. Totalement abasourdi, il n'entendait plus rien, il ne voyait plus rien, sauf LE nom, son propre nom, gravé dans la pierre, à tout jamais.