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Peter a pris l'habitude de passer par la plage pour aller chez Suzy, c'est plus court.
Un peu plus loin, derrière la dune, quelques maisons sont posées là. C'est celle peinte en bleu, aux fenêtres blanches à petits carreaux et au ponton face à la mer.
Pourtant, aujourd'hui, il n'est pas pressé. Il ne ressent plus l'enthousiasme des autres jours à l'idée de rejoindre les amis qu'il retrouve chaque été et depuis si longtemps. Pour la plupart, ils se connaissent depuis l'enfance, ces enfants gâtés des belles maisons du Cape Cod.
Il pense avec ennui à ce qui l'attend : des rires, de l'alcool, Miles Davis ou Coltrane en sourdine, des discussions passionnées à défaut d'être passionnantes, des garçons qui chahutent et des filles qui rient, des disputes, des alliances amicales et des déclarations d'amour qu'on aura oubliées le lendemain, des trahisons aussi, comme tous les soirs de cet été 1955. Comme trop de soirs.
Non, il n'est pas pressé de les retrouver, c'est simplement qu'il préfère passer par la plage plutôt que prendre la route. Il marche dans les vaguelettes, pieds nus. Le vent s'est calmé. La mer est chaude, comme souvent, en fin d'été.
Depuis le matin, un sentiment d'amertume ne l'a pas quitté. Mais à l'instant, c'est une angoisse qui le submerge, une bouffée de malheur qui le saisit et lui tord l'estomac. Il s'arrête, le souffle coupé.
Il s'interroge sur cette souffrance qu'il ne connaissait pas. Ce doit être l'ennui, voilà, l'ennui, voire le dégoût de lui-même et des autres, c'est de cela qu'il souffre.
Il regarde la mer étale, presque immobile sous la lune, et s'avance par jeu. Il a de l'eau jusqu'à la taille. Il se sent bien, comme lorsqu'il était dans le ventre de sa mère, ou du moins ce qu'il en imagine.
Sa douleur s'atténue. Il avance, de l'eau jusqu'aux épaules. Tout est facile. Il sent une douce quiétude l'envahir. Mourir. Est-ce qu'on peut se tuer quand on a dix-neuf ans alors qu'on n'y pensait pas une heure auparavant ? À l'évidence, oui. Et puis non. Le contact de l'eau salée dans la gorge le sort de sa torpeur, lui fait peur. Il regagne la plage.
Il arrivera trempé chez Suzy. Il racontera quelque chose. Il dira qu'il a vu une étoile de mer briller dans les flots et qu'il voulait la leur apporter. Ils riront. Ils diront que, décidément, quel poète ! On lui fera fête. Une fille l'emmènera dans la salle de bains et il se passera sans doute quelque chose.
Et puis, après, il les rejoindra et il boira, beaucoup, beaucoup, pour que ce soit plus facile d'aller jusqu'au bout, au retour.
Enfin, c'est ce qu'il se dit, les larmes au bord des yeux.
Ou peut-être aussi, trop las, s'endormira-t-il sur place, comme souvent. Mais pas dans les bras de Suzy. C'est fini depuis hier.
Un peu plus loin, derrière la dune, quelques maisons sont posées là. C'est celle peinte en bleu, aux fenêtres blanches à petits carreaux et au ponton face à la mer.
Pourtant, aujourd'hui, il n'est pas pressé. Il ne ressent plus l'enthousiasme des autres jours à l'idée de rejoindre les amis qu'il retrouve chaque été et depuis si longtemps. Pour la plupart, ils se connaissent depuis l'enfance, ces enfants gâtés des belles maisons du Cape Cod.
Il pense avec ennui à ce qui l'attend : des rires, de l'alcool, Miles Davis ou Coltrane en sourdine, des discussions passionnées à défaut d'être passionnantes, des garçons qui chahutent et des filles qui rient, des disputes, des alliances amicales et des déclarations d'amour qu'on aura oubliées le lendemain, des trahisons aussi, comme tous les soirs de cet été 1955. Comme trop de soirs.
Non, il n'est pas pressé de les retrouver, c'est simplement qu'il préfère passer par la plage plutôt que prendre la route. Il marche dans les vaguelettes, pieds nus. Le vent s'est calmé. La mer est chaude, comme souvent, en fin d'été.
Depuis le matin, un sentiment d'amertume ne l'a pas quitté. Mais à l'instant, c'est une angoisse qui le submerge, une bouffée de malheur qui le saisit et lui tord l'estomac. Il s'arrête, le souffle coupé.
Il s'interroge sur cette souffrance qu'il ne connaissait pas. Ce doit être l'ennui, voilà, l'ennui, voire le dégoût de lui-même et des autres, c'est de cela qu'il souffre.
Il regarde la mer étale, presque immobile sous la lune, et s'avance par jeu. Il a de l'eau jusqu'à la taille. Il se sent bien, comme lorsqu'il était dans le ventre de sa mère, ou du moins ce qu'il en imagine.
Sa douleur s'atténue. Il avance, de l'eau jusqu'aux épaules. Tout est facile. Il sent une douce quiétude l'envahir. Mourir. Est-ce qu'on peut se tuer quand on a dix-neuf ans alors qu'on n'y pensait pas une heure auparavant ? À l'évidence, oui. Et puis non. Le contact de l'eau salée dans la gorge le sort de sa torpeur, lui fait peur. Il regagne la plage.
Il arrivera trempé chez Suzy. Il racontera quelque chose. Il dira qu'il a vu une étoile de mer briller dans les flots et qu'il voulait la leur apporter. Ils riront. Ils diront que, décidément, quel poète ! On lui fera fête. Une fille l'emmènera dans la salle de bains et il se passera sans doute quelque chose.
Et puis, après, il les rejoindra et il boira, beaucoup, beaucoup, pour que ce soit plus facile d'aller jusqu'au bout, au retour.
Enfin, c'est ce qu'il se dit, les larmes au bord des yeux.
Ou peut-être aussi, trop las, s'endormira-t-il sur place, comme souvent. Mais pas dans les bras de Suzy. C'est fini depuis hier.
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